Téhéran, capitale de la République islamique. Dans la chambre de sa villa, Mahin (Lily Farhadpour), 70 ans, est réveillée par la sonnerie de son téléphone. Il est presque midi. Elle flâne en prenant son petit déjeuner. Attenant à sa villa donnant sur la rue, elle possède un jardin arboré qu’elle entretient avec soin. Le jardinage l’occupe lors de ses longues journées en solitaire. Elle est veuve. Sa fille unique, partie à l’étranger, l’appelle de temps à autre pour de courts échanges.
Mahin se rend à une réunion avec ses copines. Elles sont toutes de sa tranche d’âge. Les retrouvailles sont animées. Comme elle, ces femmes sont seules, sans homme à la maison. Leurs propos lestes fusent et toutes rient à tour de rôle de leur vie monotone sans homme tout en les dénigrant pour leur comportement machiste. Dans la République islamiste, régime théocratique religieux, installé par les mollahs en 1979, les femmes sont considérées comme des citoyennes de seconde zone. La police des mœurs, invention inédite du clergé chiite, veille à la « bonne conduite », notamment vestimentaire, des femmes dans l’espace public. Elle ne transige pas avec le port du voile (hija) et une tenue ample qui cache le corps des femmes.
Moquée gentiment par ses copines durant le « Tea Time », Mahin prend conscience qu’elle doit mettre fin à son isolement affectif. Motivée, elle se rend dans un café où un groupe de retraités discutent avec animation sans se préoccuper de sa présence. Un homme Faramarz (Esmail Mehrabi) consomme sa collation, en solitaire, à une table isolée. Lorsqu’il part du restaurant, sans avoir remarqué Mahin, celle-ci le suit jusqu'à son lieu de travail : c’est une station de taxis.
Mahin décidée s’arrange pour que Faramarz l’accompagne chez elle en taxi malgré l’heure tardive et un voisinage intrusif …
Maryam Moqadam (54 ans) et Behtash Sanaeeha (64 ans), couple dans la vie, ont co-écrit et réalisé Mon gâteau préféré, leur deuxième opus après le Pardon (2020). Le duo iranien a tourné ce long métrage durant le mouvement Femmes, Vie, Liberté de 2022, après la mort suspecte, suivant son arrestation par la police des mœurs, de la jeune kurde Masha Ammini pour port du voile jugé « inapproprié ». En septembre 2023, le couple souhaitait se rendre à Paris pour la post-production (financement international) de Mon gâteau favori. Ce ne fut pas possible, leurs passeports ayant été confisqués etdes poursuites judiciaires engagées.
A cet égard, les réalisateurs ont déclaré : « Depuis des années, les cinéastes iraniens réalisent des films sous la contrainte de règles restrictives. Enfreindre les règles peut leur valoir des années de suspension ou d’interdiction d’exercer ». Nous ne soulignerons jamais assez le courage des cinéastes iraniens qui nonobstant un régime autoritaire et répressif tournent, sous une censure vétilleuse, des œuvres magnifiques lesquelles sont récompensées dans les festivals mondiaux (Cannes, Venise, San Sébastian, Berlin, Toronto, etc.). Citons-en, pour mémoire, quelques-unes des plus récentes : La Loi de Téhéran (2019) de Saeed Roustaee, Un héros (2021) de Asghar Farhadi, Le Diable n’existe pas (2020) et Les Graines du figuier sauvage (2024) tous deux de Mahammad Rasoulof, etc. Depuis plus de vingt ans, la liste des œuvres cinématographiques iranienne remarquables est impressionnante ! La censure entrave l’expression artistique mais ne la bâillonne pas tout à fait. Résilience de la culture !
Mon gâteau préféré est un « film d’appartement » lieu où se passe la majorité du film. La mise en scène est en apparence d’une grande simplicité, en plans séquences, fluides d’une pièce à l’autre avec les deux personnages qui se découvrent, s’apprivoisent, formulent leurs désirs ; un jeu subtil entre la présence ou l’absence à l’écran de l’un deux mais toujours avec une voix hors champs accompagnée de bruits d’ambiance (cuisine, douche, salle de bains, etc.). Mahin (Lily Farhadpour : écrivaine, journaliste, actrice ; militante des droits des femmes)) est une femme corpulente qui se déplace avec lenteur, dotée d’une voix douce et d’un visage souriant : elle à la fois la pesanteur et la grâce, dans un état d’agravité pour un homme qui enfin, rompt sa solitude. Elle est rayonnante de bonté et mais également émoustillée par une présence masculine. Faramaz (Esmail Mehrabi), à la silhouette noueuse, est également esseulé ; c’est un ancien militaire qui a perdu ses illusions sur la société. Il survit en célibataire, chichement sans amertume. La providence provoquée par Mahin les a réunis …
Mon gâteau préféré est un film qui se laisse voir avec tendresse pour le duo Mahin et Faramaz et le sous texte que l’on devine de la société iranienne soumise (pour une part), au régime absurde des mollahs. L’amour bouscule tous les obscurantismes !
Mon Gâteau préféré a été sélectionné en compétition officielle au 74ème Festival International du Film de Berlin (2024).