Vient de paraître, avec la nouvelle année, le troisième double cédérom des compositions personnelles de Jean-Christophe Aurnague : une pure merveille avec en particulier sa « Missa majorem Dei gloriam » pour chœur mixte, contre-ténor, flûte traversière, cuivres timbales et orgue, une Hymne au Sacré-Cœur pour chœur, cuivres, timbales et orgue, ainsi que deux suites orchestrales, des œuvres pour cuivres et orgue, et une nouvelle œuvre pour grand orgue !
Le contre-ténor Christophe Carré y interprète les parties solistes de la messe, « dont la douce puissance élève l’âme vers Dieu » ! Car cette « Missa majorem Dei gloriam » est à la fois très mélodieuse et majestueuse, au « Preludium jubileum » très « grand siècle »...
Parmi les œuvres « profanes », on apprécie particulièrement la « Suite Ailée » qui porte bien son nom : on l’imagine volontiers accompagner un vol gracieux d’aigrettes comme celles qui confèrent tant de poésie à nos paysages basques (mais je suppose également plus au sud), un adagio avec des nuances romantiques, avant que ces vols quelque peu fantasques n’agitent d’avantage les airs pour la toccata, tournoiements annonçant l’arrivée imminente d’une tempête (on songe volontiers à « haize beltza » ou vent noir, le vent de noroît sur la côte basque).
Certes, comme il l’indique dans sa présentation, Jean-Christophe Aurnague s’est inspiré pour ses compositions « des paysages monégasques qui rappellent chaque jour la beauté de la Création, à travers le tumulte des vagues faisant écho aux vents et aux clameurs des goélands.
La luxuriante végétation des multiples jardins est, de même, une ovation constante à Celui qui nous a créés.
Pris dans cet univers, les événements ponctuant nos vies acquièrent une autre dimension, deviennent source de réflexion et d’inspiration ».
Désireux de « caresser le ciel », Jean-Christophe Aurnague reconnaît que « le partage de moments d’exaltation sonore entre passionnés et amoureux de la musique constitue une expérience unique qui peut donner un avant-goût d’Eternité »...
En témoigne éloquemment sa magnifique « Procession solennelle » pour orgue, trompettes (Mathias Persson et Olivier Mauny) et timbales (Olivier Fauré) avec une très riche partition, propre à orchestrer une belle cérémonie comme celles des chevaliers du Saint-Sépulcre.
Et l’on revient à davantage de légèreté, sur un mode presque « dansant », avec la « Suite Vénitienne » : succédant à l’« Adagio », une mélodieuse et chantante « Aria » que conclut un « Allegro » qui nous entraînerait volontiers dans une ronde avec tous les masques de la cité des doges…
En plus des musiciens déjà cités, cet enregistrement réunit également les talents du transcripteur et arrangeur Christian Escaffre (formation musicale des Carabiniers du Prince de Monaco), le chœur « Mare Nostrum », l’ensemble vocal féminin « Priav’chor », Isabelle Haquette, flûte, ainsi que les trompettistes Hervé Féraud, Philippe Bourges et les « Solistes de Monte-Carlo » dirigés par le chef d’orchestre Jean-Louis Dedieu.
On peut acquérir ce CD à la maison Pradier ,en face de la cathédrale de Bayonne.
L’organiste basque de la principauté monégasque
Né à Bayonne d’un père aux origines baigorriar et d’une mère issue d’une dynastie de maître-verriers et de musiciens lorrains – son arrière-grand-père fut maître de musique en Alsace – Jean-Christophe Aurnague avait débuté son initiation musicale à la cathédrale de Bayonne, à la sortie de la messe, lorsque le jeune Jean-Christophe avait déclaré à ses parent, sur le ton résolu de ses six ans, en pointant du doigt sur le grand orgue : « C’est ça que je veux faire » ! Des années plus tard, l’organiste se souvient de cette impression mêlée de peur et d’exaltation qui l’avait saisi, enfant : « Peur d’être enfermé, là-haut, à la tribune de l’orgue, mais extasié par la musique »… Plus tard, en hommage à Notre-Dame de Bayonne « dont l'imposant vaisseau gothique constitue, l'antichambre des cieux » et pour laquelle il éprouve « une véritable affection filiale », il composera une « Fantaisie médiévale » inspirée du cantique du chanoine Huet « Chez nous soyez reine », entonné par « des générations de voix ferventes en dévotion à la reine du ciel ».
Malgré la mutation de son père à la tête du Crédit Agricole garaztar – Jean-Christophe avait dix ans -, il reçoit à Bayonne ses premiers cours de Renée Germain qui avait succédé à son maître Ermend Bonnal sur l’Orgue Impérial de Saint-André à Bayonne, avant de poursuivre sa formation aux grandes orgues de Saint-Jacques à Pau avec Jean Laporte, disciple d’André Marchal, puis dans la classe de Marie-Bernadette Carrau au Conservatoire régional de Bayonne (deux médailles dont une de vermeil à l’unanimité). Admis dans la classe de Xavier Darasse et dans celle de Jan Willem Janssen (clavecin) au Conservatoire de Toulouse, ainsi qu’auprès de l’organiste Michel Bouvard, notre jeune basque suit parallèlement les cours de formation musicale, analyse, histoire de la musique, musique de chambre, harmonie, contrepoint. Il y obtient en 1986 une médaille d’or premier nommé et la ville de Toulouse lui décerne le prix Vidal. Cette même année, il est recruté sur concours à Saint-Jean-de-Luz où il succède à Daniel Matrone à l’orgue de l’église Saint-Jean-Baptiste.
Mais une rencontre provoque alors l’étincelle de sa destinée : Dominique Baubet, titulaire de l’église Saint-Paul à Paris lui fait faire des « remplacements » aux grandes orgues de la capitale qui avaient, toutes, leur titulaire, avant qu’un séjour de vacances à Menton où il interprète « une messe médiévale en costumes d’époque » ne le retienne à l’orgue de la basilique Saint-Michel où il sera remarqué par le curé du Sacré-Cœur de Monaco… Est-ce un hasard, Ermend Bonnal y avait donné un concert. Mais Jean-Christophe Aurnague ne croit pas au hasard ! Entamant son quart de siècle comme titulaire des orgues de l’église du Sacré-Cœur de Monaco qui appartenait anciennement aux Jésuites, n’y retrouve-t-il pas des vitraux de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier qui l’« encadraient » également lorsqu’il jouait à Saint-Jean-Pied-de-Port ? Et le baron de l’Espée n’avait-il pas séjourné non loin de l’église Saint-Charles de Monte-Carlo où Jean-Christophe Aurnague avait enregistré son CD « Ilbarritz, impressions romanesques » ; il n’y manque même pas le souvenir de la cantatrice Biana Duhamel, pour laquelle Albert de L’Espée avait construit la « Villa des Sables » au bas du château d’Ilbarritz : dans un stock de partitions anciennes, Jean-Christophe avait retrouvé celle de « Miss Helyett », le rôle favori de la protégée du baron mélomane ! Tout en donnant de nombreux concerts avec les orchestres de Nice et de San Remo ainsi que des chanteurs d’opéra, notre organiste-compositeur n’en garde pas moins au cœur une secrète nostalgie pour son Pays Basque natal où il retrouve régulièrement ses cousins germains...