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Michel d'Arcangues revient sur la programmation de qualité de l'Anglet Jazz Festival
Michel d'Arcangues revient sur la programmation de qualité de l'Anglet Jazz Festival

| Michel d'Arcangues 1648 mots

Michel d'Arcangues revient sur la programmation de qualité de l'Anglet Jazz Festival

La 16ème édition du Anglet Jazz Festival au Théâtre Quintaou s’est achevée le 17 septembre avec une programmation éclectique et de très bonne qualité, avec cette année quelques « poids lourds » qui avaient notamment honoré de leurs présences les précédents festivals, et quelques nouveautés intéressantes, programme  présenté par Marc TAMBOURINDEGUY à qui vont les remerciements du public qui pour cette édition a été nombreux et enthousiaste.

Du nouveau donc pour la première soirée du jeudi 14 septembre avec le premier concert à 20h30 du groupe toulousain MOWGLY – sans doute inspiré par le personnage de Rudyard KIPLING pour le côté sauvage de leur musique - constitué de Ferdinand DOUMERC aux saxophones, Bastien ANDRIEU au clavier (Moog ?), et Pierre POLLET à la batterie. Un Jazz moderne, plutôt expérimental  et très électrique qui s’appuie sur des motifs rythmiques répétés, avec un gros son et un style qui fleurte parfois avec le free jazz. 
Un jazz expérimental avec de longs solos de clavier et de saxophones, assez intéressant parfois mais pas vraiment de mon goût, il manque pour moi un élément essentiel : l’émotion. L’accueil du public est assez mitigé, avec un noyau enthousiaste et quelques personnes qui ont quitté la salle…  On l’aura compris, pas vraiment ma tasse de bourbon mais loin de  moi l’idée d’en dégoûter les autres. Leur prestation fait suite à un premier enregistrement intitulé « Gueule de Boa » paru récemment.  

Changement complet pour le deuxième concert de 22h avec la  belle chanteuse franco togolaise Laura PRINCE dont j’avais chroniqué le premier album très réussi  « Peace of Mine » dans les colonnes du site « Baskulture ». Accompagnée par le pianiste Grégory PRIVAT qui a aussi écrit les arrangements très réussis, Clément ABRAHAM à la contrebasse, Inor SOTOLONGO aux percussions et Tilo BERTHOLO à la batterie. Voix sensuelle, souple et bien placée qui nous séduit immédiatement par sa chaleur et sa légèreté, avec quelques interventions autobiographiques sur son enfance au Togo qui visiblement l’a profondément marquée, Laura PRINCE qui est aussi auteure compositrice de talent nous a donné un beau récital aux couleurs africaines chantées en anglais. 
« Flyin Until » premier morceau très inspiré du récital et premier thème de son album donne le ton, qui sera suivi par plusieurs thèmes de sa plume, le tout magnifiquement accompagné par le pianiste qui nous gratifie de quelques solos fort élégants. Nous attendons avec impatience son prochain  album avec – peut-être – nous l’espérons - quelques chansons en français ?  

Le deuxième soir voit le retour du grand pianiste Pierre de BETHMANN que nous retrouvons avec un immense plaisir et qui est un habitué du festival. Grand par la taille, grand par le talent, grand par la sympathie. Récital en trio pour nous présenter des éléments de son cinquième album avec cette fois-ci un guitariste à la place du batteur – et pas n’importe quel guitariste puisqu’il s’agit du virtuose brésilien Nelson VERAS qui intervient en solo et en contrepoint avec élégance et discrétion tout au long du récital, et le contrebassiste très présent Florent NISSE notamment en solo (notre photo de couverture ©PM)
Véritable Hercule du clavier, Pierre de BETHMANN vient d’achever le cinquième album d’une longue série en trio intitulée « Essais », une très belle et très prenante série d’enregistrements qui nous propose une relecture à sa façon de nombreux standards tirés de l’American Songbook (thèmes des comédies musicales de Broadway dont les jazzmen se servent comme tremplins), ou de thèmes dont il se sent proche et qu’il « triture », malaxe et tord avec habileté. 
Un récital assez classique dans une formule en trio très habituelle dans le jazz à laquelle Pierre de BETHMANN apporte sa touche puissante, sa virtuosité, son sens de l’improvisation, sa grande énergie et sa relecture très personnelle et très dynamique des thèmes qu’il a présenté – notamment d’une symphonie de Beethoven - au cours de cette intéressante et captivante prestation.  

En  deuxième partie nous retrouvons un autre habitué du festival : le formidable pianiste Laurent COULONDRE, un autre grand virtuose de son instrument au swing intense qui nous propose cette fois-ci une formule en octet tirée de son dernier album très groovy « Meva Fiesta » teinté de fortes influences cubaines et latines avec un orchestre qui déménage du feu de Dieu… Laurent COULONDRE s’était produit en 2020 avec un hommage au regretté Michel PETRUCCIANI et l’an dernier pour accompagner la chanteuse Robin McKELLE. Font partie de l’orchestre Léo CHAZALLET (basse électrique et contrebasse), Christelle RAQUILLET (flûte), Lucas SAINT-CRICQ (saxophones), Alexis BOURGUIGNON (trompette, bugle), Adriano dos SANTOS TENORIO (percussions), Inor SOTOLONGO  (percussions), Laura DAUSSE (voix). L’octet sonne comme un grand orchestre américain des années 1970 tant par sa puissance sonore que par la qualité des improvisateurs qui s’en donnent à cœur joie, guidés par la fougue du pianiste qui prend de longs solos d’une grande énergie. Les solistes tous excellents se succèdent au saxophone alto, à la flûte, au ténor, à la trompette, à la basse électrique, avec une forte présence des percussions qui donnent cette couleur latino si chaleureuse et entrainante.

Pour la dernière partie de soirée, nous avons droit à une rencontre inédite entre deux formidables musiciens : le béarnais Paul LAY natif d’Orthez, pianiste, le basque Sylvain LUC, guitariste. Et ça commence avec Paul LAY avec un solo  d’une grande élégance et d’une belle sensibilité, sans effets inutiles, suivi d’une variation sur un thème de Beethoven écrit lorsqu’il avait 10 ans et qui constitue un hommage au grand compositeur allemand pour son dernier disque « Full Solo », avec les mains croisées, suivi par une interprétation très personnelle de la fameuse « Lettre à Elise » avec un rythme de basse obstiné.  

Après cette demi heure de piano solo captivante, qui oscille entre musique classique et jazz – une signature du très talentueux pianiste et compositeur - c’est Sylvain LUC qui entre en scène avec sa guitare acoustique. Et bien entendu la magie opère immédiatement. Maîtrise totale de l’instrument délicat dans ses moindres nuances, une grande subtilité, une technique irréprochable, qui captive immédiatement le public très recueilli, Sylvain LUC commence par la composition favorite du pianiste Ahmad JAMAL disparu récemment, « Poinciana »
Le deuxième thème a été composé par le merveilleux, l’extraordinaire, l’étonnant guitariste et chanteur brésilien João GILBERTO (mon idole que j’ai eu la chance de voir deux fois à l’Olympia), inventeur de la bossa nova et l’un de mes musicians favoris depuis ma plus tendre enfance ; Joao GILBERTO était un interprète de la musique d’autres compositeurs, notamment Antonio Carlos JOBIM, et a laissé seulement une douzaine de thèmes de sa plume. 
Le troisième sera basque, « Nik baditut borduetan », compilé par le père DONOSTIA, compositeur basque, dans sa collection de chants populaires basques, une belle mélodie assez grave. Le quatrième morceau, bref et émouvant, un thème qu’il n’a encore jamais joué, est dédié à un ami récemment disparu, le batteur Nicolas FILIATREAU. Le dernier thème est plus enlevé avec des cordes frappées et un rythme funky très énergique.  

Paul LAY entre en scène pour une série de duos  qui commence par un thème célébrissime de Miles DAVIS, les deux musiciens sont sur la même longueur d’onde et s’entendent parfaitement et s’amusent et se réjouissent de jouer et d’improviser ensemble en terminant avec une citation de « Que ma joie demeure » de Jean Sébastian BACH. 
« Besame mucho », le célèbre saucisson sentimental mexicain composé par la pianiste Consuelo VELASQUEZ, qui a fait le tour du monde, nous donne quelques beaux moments d’improvisations bien enlevées. Suivi par un autre thème bien connu qui figure sur le célèbre album de Miles DAVIS « Kind of Blue », brièvement à la limite de l’atonal au début, donc un blues tranquille et bien rythmé qui nous vaut une belle intervention de Paul LAY suivi par le guitariste en virtuose. 
Un bis s’imposait devant l’enthousiasme du public ravi, les deux complices reviennent, un rappel rapide selon les termes de Sylvain LUC dont la maman est présente dans la salle, une jolie mélodie basque toute simple que reprend le public en murmurant.

Pour terminer cette excellente édition du festival, nous retrouvons un autre habitué de la côte basque, le saxophoniste Emile PARISIEN qui vient cette année avec un sextet aventureux constitué du guitariste Manu CODJIA, du trompettiste Yoann LOUSTALOT, du pianiste Roberto NEGRO, du contrebassiste Florent NISSE et du batteur Gautier GARRIGUE. Le récital est constitué de thèmes originaux. Un premier aux couleurs orientales avec un solo du trompettiste suivi du guitariste. Une deuxième composition plus rapide dédié au pianiste allemand Joaquim KUHN avec une  improvisation assez abstraite du saxophoniste sera suivi par un solo de Yoann LOUSTALOT. 
« Memento », autre thème original, voit l’intervention du pianiste, la main dans les cordes et un long solo assez free du guitariste fortement soutenu par le batteur, le pianiste à son tour prend un très long solo en solitaire qui évolue vers le chaos et le déchainement avec un furieux martellement de ce pauvre piano à la limite de l’éclatement – pas vraiment de mon goût...  Le récital se termine avec un autre thème plus lent et méditatif  avec long solo de basse acoustique suivi par la guitare. La couleur de ce récital est résolument moderne, complexe et souvent atonal et abstrait, ce qui suscite en moi quelques réserves, pas vraiment mon style de jazz.

Je n’étais malheureusement pas présent pour la journée du dimanche 17 septembre qui a clos cette 16ème édition, chaleureuses félicitations aux organisateurs qui cette année ont pris des risques – avec parfois une musique tournée vers l’aventure et la recherche sonore, mais un retour vers l’émotion, la mélodie et la simplicité serait le bienvenu, peut-être ce qui a manqué le plus dans la musique que nous avons entendu au cours de ces trois journées qui a surtout mis en valeur la solide technique et la virtuosité des solistes, mais qui manque parfois un peu d’âme… 
Nous attendons avec plaisir la prochaine édition qui, nous en sommes sûrs, nous réservera d’excellentes surprises dans le cadre du théâtre de Quintaou.

 Michel d’ARCANGUES

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