Mgr Aillet a concélébré avec le pape François la messe de funérailles du Pape émérite Benoît XVI. La cérémonie solennelle avait commencé le matin, lorsque le cercueil de cyprès avec le corps de Benoît XVI avait été transporté sur la place Saint-Pierre en présence de 130 cardinaux, 400 évêques, beaucoup de patriarches orientaux et 3.700 prêtres, des Chefs d'Etat et des souverains, ainsi qu'une foule nombreuse approchant les 70 000 fidèles venus du monde entier, dont certains tenaient une banderole indiquant « Santo subito », appelant à la canonisation immédiate de Benoît XVI.
Par ailleurs, Mgr Marc Aillet présidera la Messe de l’épiphanie en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne, le dimanche 8 janvier à 18h30, en hommage au pape émérite Benoît XVI décédé le 31 décembre dernier. Tous les fidèles sont invités à y participer.
C'est Benoît XVI qui avait nommé Mgr Aillet évêque de Bayonne le 15 octobre 2008, la cérémonie d'ordination s'étant déroulée le 30 novembre suivant à la cathédrale, et le jeune évêque se souvient alors avoir plusieurs fois rencontré tête-à-tête le souverain pontife. Et dès Pâques 2009, il s'était rendu au Vatican avec des jeunes prêtres de moins de 20 ans d’office. En fait, c'est au cours d’un pèlerinage avec de jeunes prêtres que Marc Aillet avait déjà connu le cardinal Ratzinger : il avait apprécié chez lui "beaucoup d’écoute, de finesse et de courtoisie, et il répondait dans un français impeccable"...
Et en septembre 2012, l’évêque de Bayonne avait participé à la « visite ad limina » des 32 évêques des provinces de Bordeaux, Poitiers, Rennes, Rouen et Tours. Le point culminant de ce voyage qui avait duré près d’une dizaine de jours s'était situé à Castel Gandolfo, résidence des souverains pontifes pendant les mois d’été, où Mgr Aillet avait été reçu le 27 septembre par le Pape Benoît XVI, en compagnie de l'archevêque de Bordeaux accompagné de son auxiliaire, ainsi que des évêques d'Agen, d'Aire et Dax, et de Périgueux.
L’esprit peu au fait des coutumes ecclésiastiques peut se demander ce qu’est une « visite ad limina ». Celle-ci, du latin ad limina apostolorum, désigne la visite que chaque évêque fait en principe tous les cinq ans au Saint-Siège. Cette visite est d’abord un pèlerinage sur les tombeaux des apôtres saint Pierre et saint Paul. Elle permet également de renforcer les liens avec le Saint-Siège, ainsi qu’entre diocèses voisins et entre provinces proches. Voici huit ans qu’une pareille visite ne s’était pas déroulée, du fait de la disparition de Jean-Paul II et de la visite de Benoît XVI en France en 2008.
Une ambiance privilégiée vécue par l’évêque de Bayonne « une démarche spirituelle dans la collégialité épiscopale, enrichie par des messes célébrées ensemble sur les tombeaux de saint Pierre et de saint Paul, ainsi que les diverses basiliques, et qui prend du relief car elle s’effectue en relation avec le Saint-Père. Il nous a d’abord reçu tous ensemble (les 32 évêques de l’Ouest, ndlr) à Castel Gandolfo, puis, séparément, par province ».
D'après Mgr Aillet, ce fut « un dialogue à bâtons rompus de trois-quarts d’heure qui avait permis à chacun de poser une question. Pour ma part, j’ai demandé si l’on pouvait attendre une parole forte de sa part concernant la liturgie, « centralité » dans l’Eglise et qui a toujours été au cœur de ses travaux. Il m’a alors rappelé (en français) que c’était le premier texte adopté par le concile, il y a 50 ans, ce qui dénotait son importance première ».
Quant aux autres thèmes abordés par Benoît XVI : « D’une manière plus générale, le pape a insisté sur les relations des évêques avec leurs prêtres, dont ils doivent être comme leur père et leur mère, en ne se contentant pas de veiller à leur confort matériel mais surtout à leur sainteté et à leur vie spirituelle. Ce n’est pas seulement l’organisation qui importait, mais surtout l’annonce de l’Evangile ».
Les recommandations de Benoît XVI
De fait, le Saint-Père avait mis en garde contre une sorte de «bureaucratisation de la pastorale », en se focalisant sur les structures, sur l’organisation et les programmes, qui n’auraient alors que peu d’impact sur la vie des chrétiens éloignés de la pratique régulière. L’évangélisation demande, en revanche, de partir de la rencontre avec le Seigneur, dans un dialogue établi dans la prière, puis de se concentrer sur le témoignage à donner afin d’aider nos contemporains à reconnaître et à redécouvrir les signes de la présence de Dieu ».
De même, sur la place croissante donnée aux laïcs dans les missions ecclésiales, Benoît XVI n’avait pas manqué de rappeler que « la tâche spécifique des fidèles laïcs est l’animation chrétienne des réalités temporelles au sein desquelles ils agissent de leur propre initiative et de façon autonome, à la lumière de la foi et de l’enseignement de l’Église (cf. Gaudium et spes, n. 43). Il est donc nécessaire de veiller au respect de la différence entre le sacerdoce commun de tous les fidèles et le sacerdoce ministériel de ceux qui ont été ordonnés au service de la communauté, différence qui n’est pas seulement de degré, mais de nature (cf. Lumen gentium, n. 10) ».
A cet égard, il apparaîtrait même à l’observateur attentif que les références aux textes du Concile Vatican II constitueraient presque « des clins d’œil » à ceux qui n’ont que le Concile à la bouche, mais qui n’en appliquent pas le commencement du début.
Par ailleurs, sans avoir cité explicitement le projet de dénaturation du mariage, Benoît XVI avait appelé les évêques à la fermeté dans la défense de la famille qui « est le fondement de la vie sociale ». Défendre la vie et la famille dans la société n’est en rien rétrograde, mais plutôt prophétique car cela revient à promouvoir des valeurs qui permettent le plein épanouissement de la personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26). Un véritable défi à relever !
Pour terminer, Benoît XVI n’avait pas manqué d’évoquer ces fidèles « qui méritent de faire l’objet d’une égale sollicitude pastorale » bien qu’ils « expriment légitimement des sensibilités différentes ». Remarque pouvant concerner les fidèles attachés à la forme extraordinaire…
La lettre de l'évêque de Bayonne
Chers frères et sœurs,
Le pape émérite Benoît XVI s’est donc éteint le 31 décembre 2022, dans le couvent Mater Ecclesiae, au cœur du Vatican, où il s’était retiré depuis sa renonciation annoncée urbi et orbi le 11 février 2013. C’est un grand serviteur de l’Église qui nous a quittés, après 24 ans passés à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, comme premier collaborateur du pape saint Jean-Paul II, 8 ans de pontificat où il a tenu ferme la barre de l’Église contre vents et marées, et 10 ans de pontificat émérite, où il a continué à servir l’Église dans la prière, à l’école de saint Benoît.
Lorsque j’ai entendu l’annonce de sa mort, c’est ce verset du livre des Nombres qui m’est venu aussitôt à l’esprit : « Moïse était très humble, l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12,3). C’est ainsi qu’il s’était présenté lui-même à la loggia de Saint-Pierre, le jour de son élection, le 19 avril 2005 : « Après le grand Pape Jean-Paul II, messieurs les cardinaux m’ont élu moi, un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur ». Qui a pu le rencontrer, seul à seul, comme cela m’est arrivé à plusieurs reprises, s’accordera sur son humilité. Ce que le geste inédit de sa renonciation à son ministère pétrinien a confirmé : devant le déclin de ses forces physiques, il ne s’est pas accroché à sa charge, voire à son pouvoir, mais il s’est effacé tout entier devant l’unique et vrai bon pasteur de l’Église, le Christ, et devant son successeur auquel il a voué une obéissance inconditionnelle.
Sa renonciation n’a certes pas été une désertion. D’ailleurs, n’avait-il pas demandé aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre au jour où il inaugurait officiellement son pontificat : « Priez pour moi, pour que je ne m’enfuie pas par peur devant les loups » ? À travers les crises qu’il a dû affronter durant son ministère pétrinien, il est demeuré ferme et lucide, quelles que soient les tempêtes médiatiques qu’il a dû essuyer.
Benoît XVI restera à la postérité un grand docteur de l’Église, qui n’a eu de cesse de garder et de transmettre la foi catholique reçue des apôtres, dans une fidélité inflexible à la tradition bimillénaire de l’Église dont il ne s’est jamais considéré que comme l’humble serviteur. Ce que l’on retrouve dans son testament spirituel publié dans la soirée du 31 décembre 2022 par le Vatican : « Tenez bon dans la Foi ! Ne vous laissez pas troubler ! (…) J’ai vu et je vois comment, dans l’enchevêtrement des hypothèses, la raison de la Foi a émergé et émerge à nouveau ; Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l’Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment son corps ».
Catéchète à la manière des pères de l’Église, il excellait dans l’art de commenter la sainte Écriture, d’abondance du cœur, mais avec beaucoup de rigueur exégétique et théologique, en faisant résonner la Parole de Dieu dans le cœur de tous, des plus simples aux plus savants. Théologien hors pair, il savait trouver des images fortes concrètes et suggestives qu’il tirait manifestement de son fond personnel et qui avaient l’art de toucher les intelligences et les cœurs. Je me souviens que son voyage apostolique à Lourdes, les 14 et 15 septembre 2008, au cœur de la piété populaire, a été en ce sens exemplaire. Il a été par excellence le gardien de la tradition, mais sans conservatisme : il savait que l’Église est vivante, qu’elle est un corps organique et donc qu’elle est appelée à croître à travers l’histoire, mais sans rupture !
Son « herméneutique de la réforme et du renouveau dans la continuité de l’unique sujet Église que le Seigneur nous a donné », appliquée au Concile Vatican II, est en ce sens très significative. Une marque encore de son humilité qui s’incline devant le mystère de l’Église qui n’est pas un matériau disponible entre nos mains.
Son humilité s’exprime encore dans le primat de Dieu et de l’adoration qu’il a toujours professé, nous invitant à renoncer à un christianisme séculier et mondain au profit d’un christianisme théologal dont il a été l’excellent témoin parmi nous, en particulier à travers le soin qu’il portait à la sainte Liturgie.
Je partage, bien sûr, la tristesse du peuple des fidèles, mais je suis habité par un sentiment de gratitude et d’action de grâce pour l’héritage lumineux qu’il nous laisse. J’ai la conviction que sa mémoire dépassera largement notre siècle et qu’on lira Benoît XVI comme on lit aujourd’hui, à des siècles de distance, saint Augustin, saint Léon Le Grand ou saint Jean Chrysostome.
Nous vivrons ces jours de deuil, dans la prière de recommandation de son âme à Dieu et d’action de grâce pour tout ce que nous lui devons, en grande communion avec notre pape François et l’Église universelle.
Puisse le Seigneur le faire entrer dans la joie de son Maître, comme un bon et fidèle Serviteur, lui qui a prononcé ces dernières paroles avant de s’endormir dans le sommeil de la mort : « Seigneur, je t’aime ».
En signe de reconnaissance pour la confiance que Benoît XVI m’a faite en me nommant évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, il y a quatorze ans, et pour représenter l’ensemble du clergé et des fidèles du diocèse, je participerai à ses funérailles, présidées par notre pape François à Rome sur la place Saint-Pierre, jeudi 5 janvier à 9h30.
J’invite d’ores et déjà tous les fidèles qui le pourront, à la messe solennelle de l’Épiphanie que je présiderai le dimanche 8 janvier à 18h30 en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne, en hommage au pape émérite Benoît XVI.
Seigneur, donne lui le repos éternel,
Et que la lumière perpétuelle l’illumine
Qu’il repose en paix ! Amen !
+Marc Aillet