Le rectorat de Bordeaux s’oppose au projet d’ouverture d’une classe immersive en langue basque à l’école publique de Basté-Quieta, à Saint-Pierre-d’Irube. Depuis le sénateur Max Brisson (LR), ancien président de l’Office public de la langue basque, qui a twitté « l’histoire retiendra que sous la présidence Macron et sous le gouvernement Castex, les ouvertures de classes immersives dans les maternelles publiques ont été stoppées. Qu’en pensent les soutiens locaux du Premier Ministre des territoires ? », jusqu'à la Communauté d'agglomération Pays Basque qui a voté une motion en faveur de la « poursuite du développement des sections maternelles immersives en langue basque dans l'enseignement public et privé confessionnel », de très nombreuses réactions s'opposent à ce soudain recul linguistique (voyez en rubrique "patrimoine"). Notre collaborateur Louis d'Arcangues, qui a eu la chance d'accomplir sa scolarité dans une école bilingue d'Ikas-bi, nous livre ici ses réflexions (ALC).
Dès ma plus jeune enfance à l’école d’Arcangues, le basque m’était enseigné. Ikas-bi m’a permis d’apprendre cette langue si unique en même temps que le français. Alors que les mathématiques m’étaient dispensées en Euskara le matin, les cours de la langue nationale m’étaient inculqués l’après-midi. L’école d’Arcangues est la première institution bascophone à voir le jour en France en 1969.
Cette répartition d’égal à égal est une pratique dont les bénéfices cognitifs ne sont plus à démontrer. Cet apprentissage dans lequel l’on apprend deux langues n’ayant rien en commun simultanément permet d’acquérir des logiques grammaticales différentes et de faciliter l’assimilation d’autres langues.
Apprendre l’anglais ou l’espagnol après avoir appris le basque est bien plus facile. De par sa complexité, l’Euskara est très rude à intégrer si on ne s’adonne pas à cette tâche dès l’enfance. Mais cet exercice est une vraie gymnastique cérébrale. Comprendre une langue, c’est aussi apprendre à en comprendre d’autres en acquérant une souplesse linguistique.
Le basque en France, une langue encore trop folklorique ?
Avoir appris le basque est un véritable privilège dont on prend conscience en grandissant. En effet que 85% des jeunes du BAB ne parlent pas la langue indigène. Si l’avenir du basque n’est pas préoccupant dans les régions d’Hegoalde (Pays Basque sud) où il jouit d’une reconnaissance légale, en France, pays historiquement jacobin et centraliste, seul le français est la langue reconnue, ce qui ne garantit que peu la pérennité des parlers régionaux. Si des associations se sont formées pour défendre le basque, les désirs de la classe politique de limiter l’apprentissage immersif de l’euskara sont monnaie courante.
Régulièrement, certains dénoncent qu’apprendre le basque avant le français est contraire aux valeurs de la république. L’argument des Ikastola (écoles de statut associatif du Pays Basque) est factuel : apprendre le basque uniquement de la maternelle au cours élémentaire première année (CE1), puis le français le reste de leur vie n’est pas du tout pénalisant. Ce type d’enseignement permet aux écoliers d’acquérir une base solide comme du béton (car souvent leurs parents ne parlent pas l’euskara) et donc de ne pas voir s’effriter leur maitrise de la langue. L’Ikas-bi ne garantit pas une telle maitrise si le basque n’est pas entretenu après l’école…
Pendant longtemps, l’apprentissage du basque était proscrit en France. Durant les 30 glorieuses, l’idiome connaît un inquiétant déclin en Espagne à cause de Franco, mais aussi en France, car les foyers locaux privilégient d’avantage le français, langue de « l’intégration et de la réussite socio-économique ». De plus il était souvent interdit de parler basque au sein des écoles républicaines, certains militants racontent qu’ils étaient punis, envoyés au coin pour s’être exprimé en euskara.
Cette tradition d’oubli à la fois volontaire et souvent aussi contraint s’est transmise de générations en générations. Aujourd’hui l'euskara fait peu à peu son retour en France, cependant bien des jeunes basques souffrent de ce handicap de ne pouvoir le parler, une vraie frustration pour certains, particulièrement lorsqu’ils se rendent en Hegoalde, ou le basque prédomine.
La France, pays qui boude les langues ?
Le classement « english profilency index » datant de 2018 classe les pays selon leur notion d’anglais. Sur les 28 États de l’UE, la France est à la position 28. Chauvinisme historique ou bien désintérêt pour les langues régionales et étrangères ? La France fait bien mauvaise figure sur le vieux contient, alors que l’Hexagone est un pays moteur de l’Union.
Ce paradoxe s’explique-il par le passé colonialiste de notre nation durant lequel le Français était une langue très utilisée avant que ne s’impose l’anglais ? Ou bien par cette volonté - certes légitime - de vouloir uniformiser nos régions autour du même parler ? Il n’est pas rare de constater commennt les étrangers visitant la France sont étonnés à quel point nous parlons mal la langue de Shakespeare, ou même pas du tout…
Le Corse, le Breton, L’occitan, le gascon, l’alsacien, le basque ne sont pas des ennemis de la république mais bien un symbole de la grande diversité de notre pays, et restreindre leur usage n’est pas dans l’intérêt de la cohésion nationale. Cela pourrait s’avérer contreproductif et source de tensions superflues, car parler deux langues n’a jamais fait de mal à personne, par ailleurs, la moitié de la population mondiale est bilingue !
Légende : l’école bilingue d’Arcangues