Succédant au remarquable CD “Dans un même souffle” enregistré avec la flûtiste Isabelle Haquette, cette fois c’est le hautbois de François Meyer qui accompagne le nouvel enregistrement « Méditation Romantique » de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague.
Depuis plusieurs années, les deux musiciens se rencontrent musicalement lors de liturgies et de concerts partagés avec bonheur autour du répertoire hautbois et orgue. Passionnés par l'époque romantique, ils ont décidé d'aller à la découverte d'oeuvres peu diffusées et qui méritent d'être mieux connues.
C'est ainsi que Jean-Christophe Aurnague et François Meyer découvrent Théodore Salomé, Horatio Parker, Marc Cheban, et tombent sous le charme de quelques-unes de ces pièces injustement oubliées. Écrites pour orgue seul, ils vont les adapter d'un même coeur pour les interpréter sous forme de dialogues, conduisant à la fusion des deux instruments pour une élévation dans la sérénité.
Programme :
Théodore Salomé (1834-1896) : Andante Pastoral, Romance, Cantilène - Charles Quef (1873-1931) : Andante Cantabile - Reinhold Glière (1875-1956) : Andante - Horatio William Parker (1863-1919) : Nocturne - Alexandre Guilmant (1837-1911) : Cantilène Pastorale, Invocation (cor anglais et orgue), Allegretto en Si min - César Franck (1822-1890) : Pièce V - Gabriel Pierné (1863-1937) : Cantilène, Sérénade - Théodore Dubois (1837-1924) : Prière - Marc Cheban : Pastorale (hautbois d'amour et orgue) - J.R. Watkinson : Impromptuns
« Méditation Romantique » par Jean-Christophe Aurnague, orgue (orgue Brondino Vegezzi-Bossi de l'église du Sacré-Coeur, Monaco) et François Meyer, hautbois, chez Hortus, 14,25 €.
L’organiste basque de la principauté monégasque
Mais quels liens pourrait-il donc exister entre notre Pays Basque pyrénéen et la « lointaine » principauté monégasque au pied des Alpes, ne manqueront pas de s’étonner nos lecteurs ?
Eh bien, à part le mécénat – en 1911 - du prince Albert Ier de Monaco, féru de paléontologie humaine et hautement intéressé à l’exploration d’Aizbitarte, la « colline aux cinq grottes préhistoriques » de Renteria (près de Saint-Sébastien), et le Musée Ramiro Arrue avec son exceptionnelle collection de peintures, de dessins et d'émaux installé dans la « Villa les Camélias » à Cap d'Ail, il y a encore cette étonnante saga de l’organiste basque Jean-Christophe Aurnague qui déroule la partition d’un jeune musicien bayonnais aux ascendances bas-navarraises dont le talent musical s’est remarquablement épanoui sur le fameux « Rocher » monégasque.
Et précisément, voilà quelques années que Jean-Christophe Aurnague avait inauguré le magnifique orgue de l’église du Sacré-Cœur sur lequel a été enregistré son nouveau CD, et dont il est titulaire avec ceux de Saint-Martin et de N.-D. de la Miséricorde où il anime la messe « tridentine ».
« C’est la prestigieuse manufacture Brondino Vegezzi-Bossi qui avait été retenue à la suite de l'appel d'offre de la commission des orgues de Monaco ; située à Centalo près de Turin, « elle a plus de cinq siècles d'histoire », nous expliquait dans un précédent article Jean-Christophe Aurnague, qui précisait : « Mais l'harmoniste choisi pour donner la pâte sonore de l'instrument fut le Bordelais Alain Faye, car sur le cahier des charges, je désirais avoir un son symphonique français, à l'image des meilleurs instruments de cette époque. L'esthétique de l'orgue est romantico-symphonique, mais il permet de jouer également de la musique classique ou contemporaine, car l'étendue des claviers est maximale du do1 au ré 6.
Rappelons que notre jeune musicien né à Bayonne d’un père aux origines baigorriar et d’une mère issue d’une dynastie de maître-verriers et de musiciens lorrains – son arrière-grand-père fut maître de musique en Alsace – avait débuté son initiation musicale à la cathédrale de Bayonne, à la sortie de la messe, lorsque le jeune Jean-Christophe avait déclaré à ses parent, sur le ton résolu de ses six ans, en pointant du doigt sur le grand orgue : « C’est ça que je veux faire » ! Des années plus tard, l’organiste se souvient de cette impression mêlée de peur et d’exaltation qui l’avait saisi, enfant : « Peur d’être enfermé, là-haut, à la tribune de l’orgue, mais extasié par la musique »… Plus tard, en hommage à Notre-Dame de Bayonne « dont l'imposant vaisseau gothique constitue, l'antichambre des cieux » et pour laquelle il éprouve « une véritable affection filiale », il composera une « Fantaisie médiévale » inspirée du cantique du chanoine Huet « Chez nous soyez reine », entonné par « des générations de voix ferventes en dévotion à la reine du ciel ».
Malgré la mutation de son père à la tête du Crédit Agricole garaztar – Jean-Christophe avait dix ans -, il reçoit à Bayonne ses premiers cours de Renée Germain qui avait succédé à son maître Ermend Bonnal sur l’Orgue Impérial de Saint-André à Bayonne, avant de poursuivre sa formation aux grandes orgues de Saint-Jacques à Pau avec Jean Laporte, disciple d’André Marchal, puis dans la classe de Marie-Bernadette Carrau au Conservatoire régional de Bayonne (deux médailles dont une de vermeil à l’unanimité). Admis dans la classe de Xavier Darasse et dans celle de Jan Willem Janssen (clavecin) au Conservatoire de Toulouse, ainsi qu’auprès de l’organiste Michel Bouvard, notre jeune basque suit parallèlement les cours de formation musicale, analyse, histoire de la musique, musique de chambre, harmonie, contrepoint. Il y obtient en 1986 une médaille d’or premier nommé et la ville de Toulouse lui décerne le prix Vidal. Cette même année, il est recruté sur concours à Saint-Jean-de-Luz où il succède à Daniel Matrone à l’orgue de l’église Saint-Jean-Baptiste.
Mais une rencontre provoque alors l’étincelle de sa destinée : Dominique Baubet, titulaire de l’église Saint-Paul à Paris lui fait faire des « remplacements » aux grandes-orgues de la capitale qui avaient, toutes, leur titulaire, avant qu’un séjour de vacances à Menton où il interprète « une messe médiévale en costumes d’époque » ne le retienne à l’orgue de la basilique Saint-Michel où il sera remarqué par le curé du Sacré-Cœur de Monaco… Est-ce un hasard, Ermend Bonnal y avait donné un concert. Mais Jean-Christophe Aurnague ne croit pas au hasard ! Entamant son quart de siècle comme titulaire des orgues de l’église du Sacré-Cœur de Monaco qui appartenait anciennement aux Jésuites, n’y retrouve-t-il pas des vitraux de saint Ignace de Loyola et de saint François-Xavier qui l’« encadraient » également lorsqu’il jouait à Saint-Jean-Pied-de-Port ? Et le baron de l’Espée n’avait-il pas séjourné non loin de l’église Saint-Charles de Monte-Carlo où Jean-Christophe Aurnague avait enregistré son CD « Ilbarritz, impressions romanesques » ; il n’y manque même pas le souvenir de la cantatrice Biana Duhamel, pour laquelle Albert de L’Espée avait construit la « Villa des Sables » au bas du château d’Ilbarritz : dans un stock de partitions anciennes, Jean-Christophe avait retrouvé celle de « Miss Helyett », le rôle favori de la protégée du baron mélomane ! Tout en donnant de nombreux concerts avec les orchestres de Nice et de San Remo ainsi que des chanteurs d’opéra, notre organiste-compositeur n’en garde pas moins au cœur une secrète nostalgie pour son Pays Basque natal où il retrouve régulièrement ses cousins germains, l’avocate garaztar Marielle Aurnague-Chiquirin et Mixel Aurnague, directeur de recherche au CNRS et passionné de linguistique basque.