Mercredi dernier, une belle assistance réunie sous le porche de la cathédrale de Bayonne rendait hommage au Cardinal Etchegaray disparu il y a un an.
A l'entrée de la cérémonie orchestrée par l'Abbé Esponde, devant les drapeaux levés des anciens combattants et entraînés par le chœur d'hommes Pottoroak sous la direction d'André Lassus, les participants ont entonné debout un vibrant "Agur Jaunak".
« Hymne puissante portée au Ciel » selon la belle expression de Christiane Rancé dans le quotidien « La Croix », ce « Ciel » qui fut le dernier mot encore lisible sur ses lèvres comme l’assura Mgr Aillet : l’évêque de Bayonne fut un de ses derniers confidents à la maison de retraite « Arditeya » de Cambo où s’était retiré le prélat basque dans ses dernières années.
Femme de Lettres et journaliste « chargée du fait religieux » au "Figaro magazine", auteur d'ouvrages consacrés à des figures spirituelles — Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila – et des "Carnets spirituels", sa quête de beauté et de mystère n’avait pas manqué de porter Christiane Rancé vers ce globe-trotter lancé aux quatre coins du monde par le pape Jean Paul II, ce ce pèlerin de la paix qui lui « évoquait ses souvenirs avec son inimitable accent, que comprennent tous ceux qui connaissent les torrents du Pays Basque, et le roulement des galets au reflux de ses vagues ».
Le cardinal avait été « envoyé à travers le monde, sur les points chauds, non seulement pour tenter de régler des conflits, mais pour mettre tout en oeuvre pour soulager les misères. Mgr Etchegaray fut cette « visibilité », plus lumineuse grâce à la foi qu’il avait lui-même dans une paix possible - une foi à soulever des montagnes ».
Des qualités qui furent soulignées par les diverses interventions ponctuées d’intermèdes musicaux de l’accordéoniste Gérard Luc et les bertsus émouvants du chanteur Michel Etcheverry. En particulier celles de l'académicienne Florence Delay et du président de la Communauté Pays Basque Me Etchegaray qui souligna « la mémoire d’un homme, de son combat, de son parcours si singulier » qui nous renvoyait « à la part irréductible qui habite certains êtres : des convictions personnelles, politiques, religieuses, la fidélité à des valeurs et à des attachements ».
Pour ma part, en tant que consul (h) de Russie et chrétien orthodoxe, j’eus l’occasion de rappeler les liens étroits qui avaient uni pendant cinquante ans le prélat basque aux patriarches de Moscou et à l'Eglise orthodoxe russe, ainsi que mes souvenirs de ses rencontres avec lui (voyez l’article « Le cardinal Etchegaray, l’ami de l’Eglise orthodoxe russe » en rubrique histoire). Parmi les personnalités, on notait encore la présence du général de corps d'armée et de Mme Michel Zeisser, ainsi que du sénateur Max Brisson et de la veuve de l'ancien maire d'Espelette Andde Darraïdou, lequel avait accompagné le cardinal lorsqu'il se retrouvait, en ses dernières années, dans son village natal.
Et Yves Ugalde, adjoint à la culture bayonnais, de remarquer pendant la cérémonie, « tout au-dessus de la photo du prélat basque, posé sur le linteau délesté de tout bas-relief depuis la révolution française, perchoir on ne peut plus humble par conséquent, un pigeon, un seul pigeon, aura suivi l'intégralité de l'hommage à ce grand pair de l'Eglise de France ».
Le salut au drapeau des anciens combattants et, tout aussi vibrant que l’« Agur Jauna » du début, la salutation mariale en basque « Agur Maria » et le « Salut Bayoune » en gascon clôturèrent l’émouvante cérémonie.
A ce moment précis, nota encore Yves Ugalde, « un autre pigeon est venu retrouver le stationnaire sur la corniche vide barrant l'entrée de la cathédrale. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer avec les hommes de bonne volonté »…
Quant à l’abbé Esponde, il n’avait pas manqué de s'arrêter sur « l'ermite d'Arditeya, finissant sa vie à Cambo en parvenant à une sereine quintessence qui ne tenait qu'en un mot répété à l'envi par l'intéressé à tous ses visiteurs : "l'humilité". Le seul moyen pour que l'homme progresse »…
Abba Roger, ermite d'Arditeya, par François-Xavier Esponde
De retour d’un grand voyage à travers les mondes, Abba Roger, ermite d’Arditeya se confia.
« J’ai vu tous les filets du malin déployés sur la terre, la guerre, la famine, l’épidémie, la haine, les puissances de terreur et j’ai dit en gémissant : qui donc les adoucira, alors une voix intérieure me fut soufflée : l’humilité, Roger ».
Un jour Abba Roger se rendant dans sa cellule avec quelques livres portés de son exode, fut intercepté par le malin, voulant lui dérober ses quelques souvenirs et ses espérances de renoncement .
Et comme voulant le brutaliser, il ne le put. Ce génie malfaisant lui dit : « une grande force sort de toi, Roger, et je suis impuissant contre toi. Tout ce que tu fais, je peux le faire moi aussi. Tu te prives de nourriture, moi je ne mange rien.
Tu veilles dans ta solitude, moi je ne dors plus du tout. Mais tu me bats sur un point ».
Abba Roger l’ermite lui demanda sur lequel ?
Et il lui répondit : « seulement ton humilité, c’est à cause de cela que je sens mon impuissance contre toi ».
On demanda encore à Roger l’ermite qu’est que l’humilité ? Et Roger susurra : « si ton prochain médit contre toi, pardonne, pardonne encore avant qu’il ne te donne raison ».
Un dernier visiteur demanda à Roger, l’ermite d’Arditeya, qu’est ce que le progrès de l’humain selon l’Eternel, et Roger pensif répéta à nouveau : « c’est l’humilité. Plus en effet l’homme s’humilie, plus il progresse ».
Apophtegmes de Frère Roger, ermite de l’universel en "Arditeya".