A propos du festival de Force Basque, j'avais eu l'occasion il y a une vingtaine d'années de m'entretenir avec Louis - "Loulou" - Barthaburu (1921-2006) qui en fut l'orchestrateur, ainsi qu'un acteur inlassable de la vie commerciale, touristique et associative de Saint-Palais, avec "Adin Ederra", les quinzaines commerciales, le syndicat d’initiative, le carrefour des chemins de Saint-Jacques, la vie paroissiale, etc…
Âgé de 82 ans au moment de notre rencontre, relevant à peine de délicates interventions chirurgicales, l’infatigable animateur du « Festival de Force Basque » de Saint-Palais profitait de la fraîcheur des vieilles pierres dans sa maison sur la place. Mais son cœur anticipait déjà la grande manifestation qui draine au fronton chaque premier dimanche après le 15 août des centaines d’athlètes locaux et des milliers de spectateurs : il l’avait créée en 1951 avec quelques amis de la paroisse et en avait transmis le relais à ses successeurs deux ans auparavant.
« Nous étions quelques jeunes - qui avions la chance de ne pas être éparpillés – à nous occuper d’une paroisse qui constituait un doyenné, donc qui rayonnait sur le canton. Avec l’abbé Challet, qui était très dynamique », se souvient encore Louis Barthaburu, « nous faisions du théâtre, nous pratiquions le chant choral, même quelques activités économiques, et les liens amicaux s’étaient resserrés… Or, en période de kermesse, après la pénurie de la guerre et les rayons vides à la Libération, on fermait les yeux sur notre quête en Espagne de chocolat, café et autres gourmandises disparues de nos épiceries ». Mais après les grandes libations – « comme à Carnaval, il s’agissait de relâcher les contraintes des Commandements, surtout la gourmandise, dans le style des expressions picturales de Jérôme Bosch et des kermesses flamandes » -, fallait-il encore trouver des animations « qui dépassent les jeux infantiles habituels ».
Il leur vint alors l’idée d’organiser une compétition rurale entre les paroisses du doyenné qui fournirent volontiers leur contingent d’athlètes, et le nom même de « Force Basque » fut associé à la notion (presque d’essence musicale) de Festival par Marcel Clèdes, le directeur du « Journal de Saint-Palais », dans la mesure où « le bruit de la hache et le suintement de la scie constituait pour nous des sons premiers, comme les arts premiers… »
Après des débuts très modestes, cette compétition rurale connut un développement progressif, toute la population du canton venant encourager ses équipes, jusqu’à connaître l’affluence de ces dernières années : devant les milliers de spectateurs emplissant le fronton municipal, près de 250 personnes sur le terrain – les participants toujours en pantalons bleus de travail et en chemises blanches, les villages étant différenciés par la couleur des ceintures – et, jusqu’à ces dernières années, la silhouette si connue de Loulou Barthaburu, dans sa chamarra noire d’ancien choriste, le makila à la main, qui orchestrait magistralement l’ensemble !
« Certes, nous n’avons pas inventé le tir à la corde en faisant s’affronter les dix gars les plus forts de chaque village, mais nous l’avons peu à peu codifié, sans pour autant tomber dans le travers de la classification par poids (une équipe de dix pèse environ une tonne, mais on ne pèse personne) ; en revanche, c’est à Saint-Palais qu’est née la course au sac à blé car autrefois, au moment des récoltes, il s’agissait de monter un raidillon en courant entre la batteuse et le grenier ».
D’ailleurs, n’étaient-ce pas les défis d’après-repas de la batteuse d’ « Etchetoa » qui, en se déplaçant sur la cancha du fronton municipal, avaient finalement tout déclenché ?
Précisément, pour sa pérennisation, l’événement, a toujours conservé son caractère local et spontané : « depuis l’origine, nous nous sommes limités à huit équipes provenant des villages environnants, malgré les demandes pressantes d’autres communes, et nous avons toujours refusé d’exporter le spectacle ailleurs (nous avons été sollicités à Arcachon, et jusqu’en Ecosse), ou d’entrer dans quelque fédération, ce qui n’empêche pas les athlètes de participer personnellement à d’autres manifestations ». Et, ce qu’il trouve épatant, le soir du festival, c’est « le grand repas pantagruélique de tous les concurrents préparé par les épouses et les femmes de la paroisse, un reste de la kermesse ».
Car, pour Louis Barthaburu, « en Pays Basque, il y a trois cœurs : l’un, brillant, c’est l’église ; le cœur chantant, c’est l’auberge ; et le cœur palpitant, c’est le fronton ! »