0
Tradition de la semaine
Les Rois Mages : processions, cavalcades et galettes
Les Rois Mages : processions, cavalcades et galettes

| Alexandre de La Cerda 1718 mots

Les Rois Mages : processions, cavalcades et galettes

Image de couverture : "L’adoration des mages venus d’Orient", Botticelli, vers 1475

Après les réveillons de Noël et du Nouvel-An, les premiers jours de janvier réservent encore leur part de gourmandise sous la forme de la galette des rois. On oublie parfois que ce rendez-vous si convivial lié maintenant à l’Epiphanie et aux rois mages trouve son origine dans la fête romaine des saturnales. 
La tradition romaine voulait, qu'à l'occasion des saturnales un roi soit élu parmi les jeunes soldats. Ce « roi » pouvait alors commander tout ce qu'il lui plaisait. Il est vrai que cette tradition a évolué dans un « sens chrétien » depuis qu’au XIVème siècle, la galette était partagée en autant de portions que de convives, plus une, supplémentaire, appelée « part du Bon Dieu » ou « part de la Vierge », qui était destinée au premier pauvre qui se présenterait. Selon la tradition, le plus jeune enfant de la famille se glissait sous la table et désignait la part revenant à chaque convive, celui qui découvrait la fève devenant roi ou reine... 
Au Pays Basque Sud comme dans toute l’Espagne, c'est précisément le jour de l'Epiphanie que les enfants reçoivent les cadeaux et non à Noël car, à l’origine, ce sont « les rois mages qui apportèrent des présents douze nuits après la naissance de l'enfant Jésus ». On confectionne à l’occasion un pain en forme de couronne parfumé de zestes de citron et d'orange, brandy et eau de fleur d'oranger, décoré de fruits confits et d'amandes effilées en y glissant une pièce d'argent ou un haricot sec.

Quand les Rois Mages entraient à cheval dans l’église de Saint-Jean-de-Luz 

zDéfilé des Rois mages à Saint-Jean-de-Luz .jpg
Défilé des Rois mages à Saint-Jean-de-Luz ©
zDéfilé des Rois mages à Saint-Jean-de-Luz .jpg

Réminiscence d’un vieux privilège autorisant les marins de Saint-Jean-de-Luz à célébrer la Fête-Dieu au moment de l’Epiphanie, époque où ils étaient encore à terre avant de reprendre la mer, après les grands froids, vers les bancs de poissons de Terre-Neuve, la procession avec le Saint-Sacrement a raccourci désormais son trajet par les rues de la ville en faisant le tour de l’église. Elle est précédée d’enfants habillés en Rois Mages et d’autres en aubes blanches.
 
Ce dimanche 7 janvier à 15h30, la procession de l’Épiphanie se déroulera, comme elle le fait depuis plus de cinq siècles à Saint-Jean-de-Luz, avec le cortège des jeunes figurant l’adoration des rois mages, suivie des Vêpres à 16h à l’église saint Jean-Baptiste. Une vieille tradition qui perdure grâce aux nombreux participants : encadrement, habilleurs, maquilleurs, parents, et bien entendu les jeunes qui font partie du cortège...

Cette "Fête-Dieu hivernale" célébrée par les marins luziens découlait d’une demande de décalage exceptionnel adressée à Rome entre le XVème et le XVIème siècle, afin de permettre la présence des pêcheurs de morue à Terre-Neuve. 

Car, en 1578, on évaluait à 3000 hommes et 80 navires les Terre-Neuvas luziens. D’ailleurs, la ville voisine de Ciboure possède ne décalait-elle pas pour le même motif sa fête Dieu en hiver, à la date du 22 janvier correspondant à ses fêtes patronales de la Bixintxo (Saint-Vincent), les marins portant une barque sur leurs épaules au cours de la procession ?

Voici comment l’ancien maire luzien Pierre Larramendy décrivait cette tradition dans les années vingt : 
« Dans la vaste église paroissiale où Louis XIV fit d’une petite infante la souveraine de la première puissance du monde, le rétable somptueux est illuminé : depuis le maître-autel, c’est le départ de la procession. La croix s’ouvre une route dans la foule comme une mer prodigieusement docile ; sur deux rangs s’avancent les enfants, les jeunes gens et les hommes et, à l’intérieur de cette double haie, un autre cortège celui des Rois. Bannières, drapeaux, emblèmes de confréries médiévales, bérets rouges de musiciens. Précédé d’un angelot élevant l’Etoile en haut d’une pique, voici les porteurs de reliques ; à cet endroit du cortège s’avançaient les trois Mages. 
Vient ensuite dans la magnificence des ornements offerts par le Roi-Soleil, le dais blanc et or du Saint-Sacrement que soutiennent tour à tour, tant l’ostensoir est pesant, plusieurs groupes de prêtres ; enfin, car la cérémonie est également civique, le maire et ses adjoints. Et la babillante cohorte des femmes dont le sens de l’ordre ne répond que par moments trop brefs à la très ardente piété »

Cependant, d’après Philippe Veyrin et les souvenirs de quelques vieux luziens, ces Rois Mages n’avaient pas, jadis, la même apparence. Ils étaient représentés non pas par des enfants, mais par « trois robustes marins vêtus d’écarlate et montés à cheval, précédés par un ange adulte porteur d’une étoile dorée. Ces beaux cavaliers venaient gravement frapper à la porte même de l’église : celle-ci s’ouvrait devant eux pour laisser passer la procession dont ils prenaient la tête à travers la ville jonchée de verdure ». Certains Luziens racontaient que, venus du Quartier Acotz à cheval, ils entraient même à cheval dans l’église !

Outre-Bidassoa, les cavalcades de Fontarabie, Saint-Sébastien et Vitoria 

L'arrivée des Rois Mages à Donosti .jpg
L'arrivée des Rois Mages à Donosti ©
L'arrivée des Rois Mages à Donosti .jpg

Le Pays Basque célèbre les Rois à l’unisson des contrées de tradition chrétienne, en employant même parfois, comme il y a quelques années, des dromadaires authentiques. Les Rois Mages accompagnés de leurs pages arriveront ainsi à Saint-Sébastien ce vendredi 5 janvier pour distribuer des milliers de cadeaux aux enfants donostiar : ils feront leur première apparition à l'Hôtel Monte Igeldo d'où, accompagnés d'une vingtaine de garçons et de filles, ils descendront en funiculaire afin de parcourir à partir de 11h différents quartiers de Saint-Sébastien, arriver vers 14h20 à la terrasse d'Alderdi Eder, à la Mairie de Saint-Sébastien où ils seront reçus, puis, de 15h30 à 17h30, ils rencontreront les familles.
À partir de 18h, débutera le défilé officiel des cinq chars des Rois Mages accompagnés de leurs pages royaux, des trikitilaris et des txarangas, à travers le cœur de ville, selon le trajet habituel depuis le Boulevard. Les adultes ne sont pas de reste, qui y voient souvent l’occasion de se réunir en famille ou au sein des associations et des entreprises dont il font partie afin de prolonger l’échange de bons vœux de nouvel-an.

Désormais fixée en France (par commodité ?) au premier dimanche de janvier, dans les autres provinces basques (et le reste de l’Espagne), cette fête continue d’être célébrée le 6 janvier, malgré des tentatives de « laïcisation » tendant à estomper la solennité religieuse au profit  d’un « papa noël » opportunément mercantile. Mais ses racines ramènent à une histoire très antique.

La tradition chrétienne

Ce jour des Rois marque l'apogée de la période de Noël et commémore l'arrivée des Rois mages apportant des présents à l'Enfant Jésus qui vient de naître. D’après des traditions qui se sont superposées au fil des siècles et des nations, il y eut Gaspar, Balthazar et Melchior, représentant trois continents et apportant chacun trois présents: l'or, l'encens et la myrrhe. Et dans de nombreux villages, on allumait les « feux des rois » rappelant ceux qui, dit la légende, brûlèrent cette nuit-là à Bethléem pour cacher l'Étoile au roi Hérode.

Or, selon l'Évangile de Saint Matthieu, des mages venus d'Orient se présentèrent à Hérode dans son palais. Ils disaient venir voir le messie dont une étoile annonce la naissance à Bethléem, comme l'a indiqué le prophète Michée. Obsédé par les complots et redoutant un concurrent en ce Roi Messie, Hérode les invita à revenir le voir après l'avoir trouvé. Mais les mages, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, rentrèrent par  une autre route. Après leur départ, un ange avertit également Joseph de prendre avec lui l’enfant et sa mère et de fuir en Egypte. En effet, s’apercevant que son piège avait échoué, Hérode fit assassiner par ses sbires tous les garçons de moins de deux ans, ce fut le massacre des Innocents…

Et ce n’est que cinq siècles plus tard que leur nombre (trois) sera fixé, que le titre de « rois » leur sera donné en référence à un passage des psaumes (« les rois de Tharsis offriront l'encens ») et qu’une tradition remontant au VIIe siècle les nommera Balthazar (déformation de Belshatsar, Daniel), Melchior et Gaspard.
Finalement, au XVe siècle, ont leur attribuera à chacun une race différente : Melchior, blanc ; Balthazar, noir et Gaspard, jaune. Entre temps, leur culte se répandit au XIIe siècle, après le dépôt à la cathédrale de Cologne de leurs « reliques ». Reliques voyageuses, car découvertes en Perse par Sainte Hélène (mère de l’empereur Constantin), puis transférées de Constantinople à Milan d’où une partie échut à Cologne, contribuant à la renommée de la ville qui en a gardé trois couronnes symboliques dans son blason. A la même époque, le prêtre rhénan Johannes von Hildesheim en popularisa la légende dans ses écrits.

Qui étaient-ils ?

Or, le merveilleux chrétien qui a fleuri sur le récit de Saint Matthieu continue de fasciner : il y a quelques années, l’« Archaeological Magazine » évaluait à 250 le nombre d'articles scientifiques importants consacrés à ce phénomène entre 1900 et 1975 ! Etoiles filantes, comètes, conjonctions planétaires : des chercheurs ont échafaudé toutes les hypothèses astronomiques, jusqu’à compulser d’anciens traités chinois et coréens afin de retrouver la trace de la fameuse étoile. C’est ainsi qu’un docteur en théologie de l’université Harvard et professeur d’études bibliques à l’université d’Oklahoma les a fait venir de Chine ! En effet, de l’étude d’un texte syriaque du VIIIe siècle, oublié pendant 250 ans dans les Archives du Vatican, Brent Landau a conclu que les mages n’auraient pas été trois, mais « une multitude » et qu’ils ne venaient pas de Perse mais de « Shir », un pays identifié aujourd’hui avec la Chine.

Dans leur essai d’interprétation des descriptions fournies par les textes sacrés, les rationalistes s’efforcent évidemment de prouver un phénomène authentique auquel il conviendrait d’ôter son caractère de signe miraculeux. Mais, plus de 2000 ans après les faits, force est d'admettre que le mystère des Mages et de l’étoile qui les a guidés demeure entier, et les avis partagés. S’agissait-il d’astrologues liés à une population juive subsistant à Babylone ou de « mages » adeptes des croyances zoroastriennes mais au courant des grandes prophéties messianiques qui auraient observé une triple conjonction de Jupiter et de Saturne dans le signe des Poissons, ce qui signifiait que ces deux planètes se s’étaient trouvées par trois fois alignées par rapport à la terre dans la constellation du poisson ? Or, selon certaines recherches, il serait possible de déterminer que depuis 4000 ans, ce phénomène n'avait eu lieu qu'en 8690 et… En l’an 7 avant notre ère, période proche de l’année réelle de la naissance du Sauveur !

zLe voyage des Mages sur la Carte de Juan de la Cosa, 1500.jpg
Le voyage des Mages sur la carte du navigateur basque Juan de la Cosa, 1500 ©
zLe voyage des Mages sur la Carte de Juan de la Cosa, 1500.jpg

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription