Le général Jean-Bernard Pinatel vient de publier « Ukraine, le grand aveuglement européen : carnets de deux ans de guerre »
(chez l’éditeur Balland / 280 pages / Prix 24 €)
C‘est un livre qui marquera certes beaucoup d’esprits à notre époque « charnière » où le pire côtoie le meilleur, en espérant que nous ne nous "engouffrerons" pas au fil de cette déclaration (authentique) d’un dirigeant politique reprise plus tard par un humoriste, sous la Vème : « Nous étions au bord de l'abîme, mais nous avons fait un grand pas en avant ! »
Au regard du général Pinatel, au-delà de son aspect militaire tragique pour les belligérants, cette guerre aura été le révélateur d’un grand aveuglement européen.
« Les dirigeants de l’Union européenne n’ont pas envisagé un seul instant que le monde avait changé et que les sanctions contre la Russie ne la mettraient pas à genoux car elles seraient contournées par la très grande majorité des pays et que leur maintien sur la durée se retournerait en boomerang contre l’Europe et profiterait aux États-Unis qui en étaient les instigateurs.
Bien plus, cette guerre a aussi été le révélateur que l’ordre mondial régi par des règles et des organismes internationaux mis sur pied à la fin de la seconde guerre mondiale était révolu, notamment parce que les États-Unis sous l’égide desquels ils avaient été élaborés ne les ont pas respectés depuis la chute de l’URSS, gagnés par l’euphorie d’être désormais la seule superpuissance mondiale et décidés à le rester à n’importe quel prix.
Je me suis lancé dans la rédaction de ce livre pour expliquer pourquoi l’impossibilité pour l’Ukraine de gagner cette guerre était prévisible dès février 2022 ».
D'ascendance hazpandar (Hasparren), après un début de carrière dans les Troupes Aéroportées (chef de section, commandant de compagnie puis chef du bureau Renseignement et Opérations de la 11ème Division Parachutiste), le général Pinatel a été un des fondateurs du Groupe Permanent d’Évaluations de Situations (GPES), créé à la demande du Président Giscard d’Estaing. Ce groupe était en charge de l’évaluation des situations de crise dans lesquelles les intérêts stratégiques et les forces armées de la France étaient engagés. Il a ainsi contribué à gérer l’indépendance de Djibouti, la libération des otages de Kolwezi et du Polisario, les interventions au Tchad, au Liban et en Centre Afrique, etc. Le général Pinatel a également dirigé durant cinq années (1985-1989) le Service d’Information et de Relations Publiques des Armées (SIRPA, devenu DICOD) afin de mettre sur pied un observatoire de la désinformation. C'est dire si ce sujet - la désinformation - lui tient particulièrement à coeur.
Ainsi, à propos de l'Ukraine, le général Pinatel avait souligné comment "les États-Unis avaient dépensé des centaines de millions de dollars afin d’aider l’opposition ukrainienne "pro-occidentale" à accéder au pouvoir. Des millions de dollars provinrent aussi d’instituts privés, comme la Fondation Soros et de gouvernements européens. Les câbles Wikileaks témoignent de l’effort constant et de la volonté continue des États-Unis d’étendre leur sphère d’influence sur l’Europe de l’Est, comme en Ukraine".
Et nous ajouterons qu'actuellement, les efforts des USA visent à diviser l'Eglise orthodoxe en faisant créer par le Patriarcat d'Istanbul (dit de Constantinople) qu'ils financent, une église ukrainienne schismatique qui ne rassemble qu'une petite minorité de fidèles mais tente de s'emparer par la force des paroisses de l'Eglise canonique dont elle active la persécution des religieux et des fidèles. Et les visites continuelles du Secrétaire d'Etat américain et des ambassadeurs US aux différents hiérarques orthodoxes dans le monde montrent bien la stratégie adoptée outre-Atlantique.
Longtemps, l'Europe s'est soumise à la politique américaine (quelque "distorsion" se fait jour à présent, depuis la présidence de Trump) car, souligne le général Pinatel, "beaucoup de leaders européens ont été formés aux Etats-Unis. Ils sont membres de « Think-Tanks américains ou transatlantiques » ou de fondations comme l’« American Foundation » qui financent largement leurs prestations et leurs voyages. L’Atlantisme est certes fabriqué par la conscience que nous partageons les mêmes valeurs démocratiques avec la nation américaine mais aussi par la multitude d’intérêts personnels de nombreux leaders européens dont le niveau de vie dépend de leur soumission de fait aux intérêts de l’Etat américain".
Cependant, de l'avis du général, de plus en plus d’Européens commencent à faire la différence entre les Américains en tant que tels et leur "Etat qui est, de fait, dirigé par des lobbies dont le plus important est le lobby militaro-industriel"...
Après avoir quitté l’Armée avec le grade de Général de brigade à 49 ans, Jean-Bernard Pinatel avait passé quatre années dans le groupe Bull comme directeur de la communication puis délégué général, avant de créer la société Datops Consulting ex-Startem qui est devenue en treize ans leader du développement de logiciels de recherche et d’analyse de l’information multilingue.