Le spectacle historique « Le Passé recomposé, du Moyen Âge au Second Empire » avec cavaliers, comédiens et figurants en costumes d’époque qui sera donné en cette fin de semaine des 9, 10 et 11 août devant le château des Gramont à Bidache nous offre l'occasion de visiter ce majestueux édifice classé Monument Historique, consolidé et embelli après des années de travaux de restauration. Antoine V, duc de Gramont, maréchal de France, figure en bonne place parmi ceux qui illustrèrent cette noble lignée qui construisit et possède encore ce beau témoignage de notre histoire régionale. On peut même affirmer à son propos que la valeur n'attend pas le nombre des années, car c'est dès l'âge de treize ans qu'il entra aux mousquetaires ! En 1688, à 17 ans, il sert au siège de Philippsburg où il reçoit les propositions de capitulation. Il se trouve à la bataille de Walcourt où son cheval est tué sous lui. Il combat à Fleurus, Liège, Leuze, Namur, Tongres, Huy, Neerwinden, Charleroi. Il est fait Maréchal de camp en 1694. Colonel général des dragons en 1702. Il est envoyé à Philippe V d'Espagne en 1705. Il participe à la bataille de Ramillies, commande à Lille, est blessé à la célèbre bataille de Malplaquet le 11 sept 2009. En 1712, il devient lieutenant général de Bayonne et lieutenant général et gouverneur de Navarre et de Béarn.
C'est l'époque de Coursic, ce corsaire marin bayonnais, de son vrai nom Joanes de Suhigaraychipi : il avait suscité un tel enthousiasme par la terreur infligée aux Anglais et aux Hollandais que notre duc de Gramont, gouverneur de Bayonne, sollicita la faveur « d’entrer pour moitié dans les frais d’armement » de sa corvette « La Légère »… Etant bien entendu qu’il serait également de moitié dans le partage des prises. L'opération s'avéra tellement fructueuse qu'il captura cent navires en moins de six ans. Coursic encombra si bien le port luzien de ses dépouilles que Gramont put écrire à Louis XIV : « l’on passe de la maison où logeait Votre Majesté (c’est-à-dire « Lohobiague » ou maison Louis XIV) à Ciboure sur un pont de vaisseaux pris, attachés les uns aux autres ».
Pour en revenir à Antoine V de Gramont, en 1720, il devient duc de Gramont. Fait maréchal de France en 1724, il décède dans son palais, l'année suivante.
Quant au château des Gramont à Bidache, il s'élève au Nord du village, placé sur un promontoire élevé et surplombe le cours de la Bidouze. Relié à la commune par une terrasse depuis le XVIIIe siècle, il appartient toujours à la famille de Gramont.
Mais il avait été détruit plusieurs fois : déjà complètement ruiné en 1523 lors de son siège et de son incendie par les troupes de Charles Quint sous les ordres du prince d'Orange, son propriétaire Charles de Gramont (1475-1544) qui était archevêque de Bordeaux et lieutenant général du gouvernement de Guyenne entreprit d'importants travaux de reconstruction qui se poursuivirent tout au long du XVIIe siècle. Le XVIIIe vit l’édification d’une porte monumentale. Architectes, artisans d'art, sculpteurs, peintres, céramistes interviennent en grand nombre pour en faire une demeure somptueuse.
De grands noms lui seront associés, à commencer par le roi Charles IX et Catherine de Médicis qui y séjournèrent en 1565. Puis « la grande Corisande » (Corisande ou Diane d’Andoins, l’égérie d’Henri IV). Son fils, maréchal sous le règne de Louis XIV, reçut en ce lieu le cardinal de Mazarin qui revenait d'Espagne où il avait négocié le traité des Pyrénées. Ce dernier apprécia « l'aspect d'un escalier des plus beaux qui soient en France ». Le château devint le centre d’une Principauté indépendante reconnue comme telle par les rois de France, depuis Henri IV jusqu’à Louis XIV ! Et elle le restera jusqu’à la révolution. C'est en 1570 qu'Antoine Ier de Gramont s'affichera en qualité de souverain. Le démembrement du royaume de Navarre (par suite de la conquête espagnole) et l'éloignement du royaume de France facilitèrent cette proclamation.
Maire de Bayonne, Antoine Ier de Gramont avait réuni le corps de ville le 21 octobre 1570 en affirmant à cette occasion que Bidache était « tenu par lui en souveraineté ». Le 13 novembre de la même année il rédigea une ordonnance portant règlement de la justice. Cinq ans plus tard, il homologua les coutumes applicables à Bidache, répertoriées en treize chapitres. La souveraineté fut reconnue par la France.
Parmi les droits principaux en vigueur à Bidache, on en distingue deux principaux :
- le droit de législation en matière civile et criminelle avec la création d'un Conseil Souverain qui établissait, publiait et enregistrait les ordonnances et rendait la justice en dernier ressort, sans appel.
- le droit d'asile exercé au moins depuis 1569 en faveur des huguenots, depuis 1572 en faveur des officiers de l'armée catholique et à partir du XVIIe siècle en faveur des malfaiteurs des ressorts des Parlements de Bordeaux et de Navarre.
Bidache était donc terre d'asile : ainsi, en 1656, les échevins de Bayonne dénonçaient les « juifs portugais » qui se réfugiaient à Bidache pour ne pas payer leurs dettes contractées envers des marchands bayonnais, ainsi que des Français qui imitaient leur exemple.
En 1756, l'intendant d'Etigny s'attaquait à la sauvegarde dont bénéficiaient à Bidache les « criminels de tout poil » et à la vénalité des officiers de la souveraineté qui profitant de l'absence de leur souverain qui vivaient à Paris, accordaient « indistinctement des lettres de grâce pour de l'argent ». Sa conclusion : « Bidache et ses environs sont remplis de toutes sortes de malfaiteurs, de bandits, de scélérats par la communication qu'ils ont avec les réfugiés qui y sont toujours en grand nombre ».
Actuellement, le château appartient toujours à la famille de Gramont qui l’a reconstruit plusieurs fois au cours de son histoire. Les dernières réalisations datent du XVIIIe siècle : Antoine IV-Charles de Gramont entreprit au début du XVIIIe siècle la reconstruction de la porte monumentale qui permet l'accès au château.
Et lors de la révolution française, en fait, ce n’est qu’en 1796 que le château sera incendié.
Depuis cette date plusieurs projets de restauration ont vu le jour, sans jamais aboutir. Aujourd'hui, un projet ambitieux de maintien et restauration de l'ensemble est en cours de réalisation grâce à l’aide, entre autres, du Conseil Général.
Des personnages illustres ont continué de visiter ses imposantes ruines après l’incendie sous la révolution : des souverains admirèrent ses ruines grandioses, en particulier Napoléon III et l’impératrice Eugénie qui, paraît-il, joua même de la guitare au cours de l’excursion. Le duc de Gramont ne put les accueillir en personne, étant retenu à Turin à son poste d’ambassadeur. Ainsi que le prince de Galles, futur Édouard VII.
Bidache 9, 10 et 11 août, spectacle historique « Le Passé recomposé, du Moyen Âge au Second Empire » avec cavaliers, comédiens et figurants en costumes d’époque devant le château des Gramont. Renseignements et inscriptions au 06 83 55 97 15 et sur le site Internet :
www.mosaique-bidache.fr/bidache