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Histoire
Le vrai 4 août 1789 : anarchie, exactions et le Pays Basque avec ses institutions rayé de la carte
Le vrai 4 août 1789 : anarchie, exactions et le Pays Basque avec ses institutions rayé de la carte

| Alexandre de La Cerda 1381 mots

Le vrai 4 août 1789 : anarchie, exactions et le Pays Basque avec ses institutions rayé de la carte

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Les Frères Garat : "Ma province proteste..." ©
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Massacres de la révolution de 1789 ©
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Il n’est pas inutile de revenir sur ce 232ème anniversaire de cette funeste nuit du 4 août 1789, funeste car elle rayait d’un trait de plume des siècles d’histoire de nos provinces basques, gasconnes (ainsi que toutes les autres), avec leurs langues, cultures, coutumes et institutions propres, au profit de quelques minorités dictatoriales qui prétendaient mettre au pas un pays jusque-là riche de la diversité de ses populations et de ses traditions !
Voyez mon livre « La Déportation des Basques sous la Terreur », éditeur Cairn.

Qualifiée abusivement de « loi de l’égalité de tous », la nuit du 4 août 1789 représenterait aux yeux de certains l’acte le plus important de la période révolutionnaire, quand les représentants du peuple votèrent « l’abolition des privilèges ». La séance fut même « suspendue à deux heures après minuit » sur un dernier hommage rendu à la personne royale : « Messieurs, au milieu de ces élans, au milieu de ces transports qui confondent tous nos sentimens [sic], tous nos vœux, toutes nos âmes, ne devons-nous pas nous souvenir du roi ; du roi qui nous a convoqués, lorsque les Assemblées nationales étaient interrompues depuis près de deux siècles. [...] Je propose qu'au milieu de cette Assemblée nationale, la plus auguste la plus utile qui fut jamais, Louis XVI soit proclamé le restaurateur de la liberté française ».
On le voit déjà : « la » liberté à la place « des » libertés, car cet acte vit en réalité la suppression des « privilèges » particuliers des provinces et des villes, autrement dit des libertés ou statuts particuliers des villes et des provinces lors de la folle nuit du 4 août 1789 – ce qui déclencha un tollé général dans la province du Labourd et fit crier aux frères Garat qui en étaient ses représentants, sur l’injonction du Biltzar, le fameux « Ma province proteste » ! opposé à la fusion des Basques et des Béarnais au sein d’un même département.

4 août 1789 : villes et provinces perdent leurs libertés 

Plus généralement, la nuit du 4 août 1789, qualifiée dans tous les livres d'histoire depuis la IIIème république jusqu'à nos jours d’« événement fondamental de la Révolution française, puisque l'Assemblée constituante proclamait la fin du régime féodal et de ses privilèges », sonna en réalité le glas de tous les us et coutumes propres à chaque province du royaume. 
Le système féodal n’avait-il point été supprimé peu de temps auparavant, entre le 20 juin 1789, date du serment du jeu de paume, et le 27 juin, lorsque les trois Etats s’étaient réunis en Assemblée nationale ? Or, les souverains français avaient coutume de considérer, par opposition au « peuple français » cher aux idéologues révolutionnaires, « les peuples de France », en fonction de la diversité des traditions, des langues et des cultures des provinces de France. Et des « Privilèges », étymologiquement « lex privata », ou lois privées. Chaque décision royale devait-elle ainsi être enregistrée par les Parlements provinciaux pour avoir force de loi localement, selon un système prétendant à un certain équilibre malgré d’inévitables abus et la progression d’un certain centralisme dans l’air du temps.
Le 4 août 1789, l’abolition de ces « gardes fous » avec la suppression des parlements, des statuts particuliers, des franchises, libertés et coutumes provinciales infligea à tout le pays les décisions parisiennes : s'ensuivirent, entre autres, l’éradication par la violence des langues régionales – malgré une traduction occasionnelle en basque, du moins au début de la Révolution, des dispositions les plus importantes de la nouvelle législation - et un nouveau découpage administratif faisant fi de l'histoire locale et des bassins de vie.

« Dans cette nuit de panique plutôt que d’enthousiasme, on abolit pêle-mêle, sans discernement, les droits, d’origine historique, qui appartenaient à des Français nobles et à des Français qui ne l’étaient pas, ce qui était caduc et ce qui était digne de durer, toute une organisation de la vie sociale, dont la chute créa un vide auquel, de nos jours, la législation a tenté de remédier pour ne pas laisser les individus isolés et sans protection ». Il en résulta une explosion, nommée par Taine l’« anarchie spontanée », qui fit écrire à l’ambassadeur de la République de Venise, observant comme toujours d’un œil aigu : « Une anarchie horrible est le premier fruit de la régénération qu’on veut donner à la France… Il n’y a plus ni pouvoir exécutif, ni lois, ni magistrats, ni police ».

Des tueries et des atrocités sans nombre

Débutée par la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 qui vit une poignée d'émeutiers sanguinaires, brutes avinées, assassins et terroristes dans l'âme, massacrer et promener dans les rues au bout de piques les têtes de la poignée de militaires casernés dans la forteresse et auxquels ils avaient promis liberté et vie sauve, cette tragédie en engendra beaucoup d’autres : « avec les transports de l'effervescence, ce fut un crime d'être gentilhomme », rapporte « La Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel » du 4 août 1789 dans sa « Relation des événements qui ont suivi la prise de la Bastille » ! 
Et de citer : « M. de Montesson fut fusillé au Mans après avoir vu égorger son beau-père. En Languedoc, M. de Barras fut coupé en morceaux devant sa femme près d'accoucher. En Normandie, un seigneur paralytique fut abandonné sur un bûcher dont on le tira les mains brûlées. A Caen, Belsunce fut tué par des brigands qui le mangèrent (*). Le chevalier d'Ambly, trainé sur un fumier, vit danser autour de lui les furieux qui venaient de lui arracher les cheveux et les sourcils ». D'autres furent jetés dans un étang. 

Tout cela était encore peu de chose. Selon le même « Moniteur », plutôt favorable à « l’effervescence révolutionnaire » dont il excusait « les forfaits » comme « une suite nécessaire des secousses d’une grande révolution », dans le Mâconnais et dans le Beaujolais, 72 châteaux furent la proie des flammes. Et avec le seigneur, « l'ensemble des propriétaires et des fermiers furent les victimes de la rapacité de milliers de scélérats prompts à ravager leurs terres. Les députés d'une certaine opinion n'étaient pas davantage respectés »... 

Et ce « passage du mal au bien, souvent plus terrible que le mal lui-même », comme le reconnaissait si aisément « Le Moniteur », débouchera sur la Terreur, le génocide vendéen, les noyades de Nantes, la destruction de Lyon et la déportation des Basques en février 1794. Pourtant, c’est bien de ces crimes horribles que la « glorieuse » tradition républicaine et notre actuel Système prétendent débuter l’histoire de notre pays…
Alexandre de La Cerda

(*) Extrait de mon livre « La Déportation des Basques sous la Terreur » (éditeur Cairn) : Henri de Belsunce, le fils du vicomte Dominique de Belsunce et de Méharin qui fut bailli du pays de Mixe et colonel d'infanterie, était né en 1765 au château que sa famille possédait à Méharin en Basse-Navarre. Major en second du régiment Bourbon-infanterie en garnison à Caen, il dut faire face à une véritable guérilla orchestrée par les « clubs » révolutionnaires de la ville qui voulaient s’emparer des drapeaux de son régiment. Protégeant au péril de sa vie les convois de grains assaillis par des bandits pour protéger la subsistance des habitants – ce qui n’était pas bien compris de la population ameutée par les agitateurs révolutionnaires -, il fut victime le 12 août 1789, sur la foi d’une provocation, d’une meute hurlante de voyous et de femmes en fureur qui le couvrirent d’insultes et le frappèrent, avant de tomber, atteint d’une douzaine de balles. Mais ce n’était pas assez : on continue de tirer sur son corps inerte, dont on coupe la tête afin de la promener au bout d’une pique, une jambe qui atterrira dans un tombereau, et divers « morceaux » qu’un apothicaire placera dans un bocal d’alcool. De « dignes citoyens » continueront de s’acharner sur le corps de Belsunce pour ouvrir sa poitrine et en arracher le cœur qu’une furie aurait mangé, selon ce que relatera dans ses mémoires le futur général Dumouriez. Et il n'y eut pas jusqu'à un paysan sans doute aviné qui n’apportât à un cabaretier un petit morceau de la chair du supplicié pour la lui faire cuire… Mais le tenancier de la gargote, mis au courant, chassa le cannibale qui se réfugia chez une certaine « dame Laforge où il put consommer son atroce rôti – à moitié cru – en l’arrosant d’une chopine de cidre », comme il ressort des interrogatoires des coupables.

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Henry de Belzunce ©
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Document sur l'horrible massacre d'Henry de Belzunce.jpg
Document sur l'horrible massacre d'Henry de Belzunce ©
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ROUVEURE Adine | 08/08/2021 19:36

JE SUIS INTERESSEE PAR LA CONCEPTION DE L'HISTOIRE NOT.AMMENT LES RECENTS OUVRAGES DE LE GOFF ET NORA ET AI ECRIT UN MEMOIRE SUR LENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE

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