Depuis le début de juillet, le Musée Basque et d’Histoire de la ville de Bayonne vous invite à découvrir son exposition annuelle « Trames du quotidien, collections textiles du musée ». A cette occasion, une trentaine de costumes composés de vêtements traditionnels, d’habits de cérémonie, de costumes de danse, de linge de maison, de mantes à bœuf et autres ont été spécialement mis en scène, dévoilant les origines des tissages de fibres végétales et sa symbolique, son impact actuel.
A l’origine, les vêtements de la population au Pays Basque étaient cousus en lin. Cependant, les Kaikus des bergers (vestes en laine), les bérets et les vêtements chauds d’hiver étaient tricotés ou tissés en laine issue de la production locale des troupeaux de moutons.
Dans son livre « le lin d'antan » aux éditions Jean Curutchet (1997), la reporter-photographe de l’agence Gamma Monique Salaber, d’origine souletine par son mari avec qui elle habita à la fin de sa vie à Saint-Jean-de-Luz, révèle la spécificité de cette fibre aux diverses destinations et symboliques depuis ses origines au Pays Basque et de ses environs, en Béarn et dans les Landes.
A l’époque paléolithique, il est probable que l’art du tissage se soit développé suite à de nombreuses migrations de populations. Pendant la période néolithique (autour de 8000 ans à 3000 ans av. J.-C.), le climat s’étant radouci, l’agriculture prospéra au Pays Basque et ses environs en donnant naissance aux tissages de fibres végétales et de lin, expliquait Monique Salaber dans son ouvrage.
Grande richesse économique locale : en 1765, on recensait 800 métiers. 15 ans plus tard, on comptait 2000 métiers à tisser au Pays Basque. L’artisanat du textile, et plus particulièrement du lin, constitua un des piliers de l’économie basque depuis le XVIème siècle. Mais l’importante richesse économique locale s’atténua peu à peu avec la révolution française et l’industrialisation.
Le métier à tisser mécanique porta un coup fatal à la population de ces régions. A partir du dernier quart du XIXème siècle, eurent lieu des échanges entre la confection locale et les tissus importés ; l’arrivée du fil de coton constitua également un point de départ à la diversification de la production locale. Au XXème, les cotonnades remplacèrent peu à peu le lin dont la culture fut abandonnée, bien qu’il revint à la mode, orné de rayures (bayadères) par des tisserands locaux dans les années 60, puis 90.
On évoque la représentation symbolique des textiles. Jusqu’au XVIIème siècle, les draps de lit au lin rugueux appelés linceuls, étaient employés lors de rites funéraires. Composé de 7 provinces, le Pays Basque est symbolisé par sept rayures de couleur sur le linge ou sur les mantes à bœufs servant à protéger les bêtes des insectes et des refroidissements. Plus les rayures s’élargissaient et plus la famille apparaissait puissante. Les couleurs possédaient également leur symbolique en fonction des métiers. Depuis le XVIIIème siècle, les bleus provenant de la région de Toulouse où pousse la plante « le pastel », étaient utilisés plus particulièrement par les pêcheurs. Le vert était arboré par les agriculteurs, le rouge issu de la couleur du sang de bœuf était fabriquée par les éleveurs. Contrairement aux idées reçues, les couleurs vert, rouge, blanc ne symbolisaient pas encore le drapeau basque créé seulement en 1894.
Les textiles et les costumes portés lors des fêtes ou du travail tels par exemple le kaiku du berger ou la xamarra, blouse noire portée par les maquignons sont aujourd’hui symbolisés par devenues des symboles identitaires véhiculés par les danses folkloriques.
Depuis l’industrialisation du XIXème, les métiers à tisser mécanique sont nés. Créée par François Hourcade en 1949, l’entreprise Ona Tiss à Saint Palais proposait jusqu’à présent de la toile pour les espadrilles et du linge basque. Depuis plus de quinze ans, l’entreprise qui utilisait le lin pour ses serviettes en nid d’abeille a remplacé cette fibre par du fil 100 % coton acheté en Egypte, plus facile à travailler remplaçant le lin. Cependant face à la concurrence mondiale et principalement asiatique, l’ entreprise de tissu de qualité et au style classique n’a pas réussi à s’adapter et se moderniser suffisamment rapidement. Ona Tissa, la dernière entreprise de tissage qui a toujours été implantée en Pays basque a dû malheureusement fermer ses portes en décembre 2020.
« Il faut protéger la qualité », insiste le Pdg des entreprises basco-béarnaises « Tissages Lartigue » et « Lartigue 1910 « de Bidos et d’Ascain qui vient d’obtenir le label IG (indication Géographique) en même temps que les Tissages Moutel à Orthez. Rappelons que Philippe Lartigue avait réussi à se distinguer en obtenant en mars 2017 le label Entreprise du Patrimoine Vivant. Ce label « EPV » distingue les entreprises françaises détenant, entre autres, des savoir-faire industriels et artisanaux d'excellence.
Même supérieure, la qualité et la créativité suffiront-t-elles à supplanter la concurrence du géant asiatique ?. Certains idéalistes pensent que les pays asiatiques seront obligés de s’adapter progressivement au niveau européen en haussant le prix de la main d’oeuvre. Au Pays Basque, « le linge basque » fabriqué en Chine est vendu à bas prix à Espelette, une hérésie à laquelle il faut lutter.
Pendant ce temps là, des entreprises telles qu’ Ona Tiss meurent et des esclaves coréens du Nord viennent tisser des textiles nuit en Chine qui revend les textiles à un prix sous-évalué !
Jusqu’au « Exposition Trames du quotidien, collections textile du Musée basque et de l’Histoire de Bayonne » du 2 juillet 2021 au 2 janvier 2022 à la Salle Errobi, Musée Basque 37, Quai Des Corsaires. Toute l'année, le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Fermé les jours fériés sauf les 14 juillet et 15 août Tel. 05 59 59 08 98.
Références :
« le lin d'antan » aux éditions Jean Curutchet (1997), la reporter-photographe de l’agence Gamma Monique Salaber
Articles d' Anne de MLC Baskulture.com Ona TISS et Lartigue
https://aventurieux.com/2019/07/26/lhistoire-du-linge-basque/
Anne de Miller-La Cerda
Animations au musée autour de l'exposition :
- Jeudi 8 juillet à 18h : visite conférence de l'exposition temporaire avec l'un des deux commissaires. Entrée libre. Sur réservation.
- jeudi 15 juillet à 18h : Visite conférence - Méthode de diagnostic de conservation en vue de la restauration d’un costume Par Sabine Cazenave directrice conservatrice en chef. Entrée libre. Sur réservation.
- jeudi 22 juillet à 18h : Histoire de la Sorcellerie en Pays Basque (Conférence en français donnée par Bernard Zintzo-Garmendia, organisée par Eusko Ikaskuntza. Entrée libre sur réservation
- mercredi 28 juillet à 14h : visite Atelier Jeune Public - Tissage de bracelets, visite de l'exposition temporaire, suivie de l’atelier tissage de bracelet.
À partir de 12 ans. Durée : 2h. Tarif : 25€/personne. Inscription avant le 25 juillet.
- Dimanche 1er août – Entrée libre et visites guidées
14h : collections permanente Durée : 1h, tarif : 2,5 €/pers., moins de 18 ans gratuit. Sur réservation.
16h : exposition Trames du quotidien. Haritik harira. Durée : 45 min, tarif : gratuit, sur réservation