Samedi prochain au château d’Arcangues, Pierre Peyré sera un des lauréats du Prix des Trois Couronnes pour la biographie qu’il a consacrée à son oncle Joseph Peyré, "Joseph Peyré, le Béarn pour racines, l'horizon pour destin", un ouvrage de 704 pages paru en octobre dernier aux éditions Atlantica. Le Prix Littéraire des Trois Couronnes ne pouvait manquer de rendre hommage à celui qui fut son premier président il y a soixante ans exactement, Joseph Peyré, hélas disparu dix ans plus tard.
« Par quelle étrange anomalie, cet auteur essentiel de la littérature française et prix Goncourt a-t-il disparu de nos références comme de nos habitudes de lecture » pour échoir dans « ce lieu injustement trop fréquenté » qu’est « le purgatoire des écrivains ? », s’interroge l’auteur, alors que l’œuvre de son oncle, « récompensée de nombreux prix, se mesure pourtant à celles d’un Hemingway, ou d’un Kessel. Elle est l’exemple même de l’imagination au pouvoir, cette capacité à voir et à imaginer des lieux, en romancier soucieux néanmoins de sa vérité ».
Joseph Peyré n’avait-il pas inscrit en exergue de sa première création littéraire, « Sur la terrasse » (1922), cette indication qui pourrait être perçue comme la matrice de la genèse de son écriture : « Image exacte des paysages / Images vaines de la rêverie / Il n’y a entre elles que nuance d’âme ». De fait, toute sa vie, cet écrivain voyageur n’aura eu de cesse de courir le monde à la recherche d’horizons lointains à la fois géographiques et humains. Sa passion pour la haute montagne ou le Sahara assurera sa célébrité et inspirera des vocations.
En archiviste familial et neveu fidèle, Pierre Peyré, professeur émérite à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, propose un dialogue de pure fiction avec son oncle, faisant le chemin vers celui qu’il ne découvrira réellement comme auteur majeur qu’après sa mort afin de faire reconnaître à nouveau cet immense homme de lettres qui avait connu la gloire de son vivant…
Fin connaisseur de l'Espagne et grand amateur de tauromachie, Joseph Peyré était très attaché au Pays Basque. Dans son bel album « De mon Béarn à la mer basque », il écrivait : « J'ai parcouru tous les chemins de mon pays, En voici l'itinéraire, témoignage porté sur les terres et sur les paysages du Béarn et du Pays Basque. Ce visage de ma terre, tel qu'il s'est constitué pour moi avec le temps, mes raisons d'en dépendre, de l'aimer, de lui rester fidèle ».
Joseph Peyré est né sur les côteaux béarnais, à Aydie où auront lieu toutes les découvertes de l'enfance à l'abri de l'école paternelle (ses parents étaient instituteurs). Plus tard, parmi les trois lieux clés où il vécut, figure Saint-Jean-de-Luz : c’est ainsi qu’on peut entendre sa voix sur le disque 33tours « Jour de fête au Pays Basque » dont il avait assuré la présentation, avec les enregistrements des chorales et orchestres de Saint-Jean-de-Luz
(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k88058478/f2.item)
Il est également l’auteur de « Jean le Basque » (1967), un roman illustré par Ramiro Arrue : « Pâques au Pays Basque : vêpres, partie de pelote interrompue par l'angélus, fandangos. Jean le Basque, berger d'un petit village perdu a l'honneur de jouer la partie de pelote auprès de son curé et conseiller spirituel, qui est aussi un pelotari prestigieux. Mais, pour Jean, ce sont les adieux au pays. Car, aussitôt après, il s'embarque en avion pour l'Amérique du Nord. Que va devenir le jeune émigrant dans ce pays lointain où certains de ses aînés ont fait fortune, où tant d'autres ont disparu ? La solidarité des exilés sera-t-elle plus forte que la lutte pour la vie dans ces déserts du Nevada où soufflent les blizzards, où les troupeaux affrontent les loups? Comment les expatriés triomphent-ils de la solitude ? C'est ce que révélait ce livre au décor unique ».
Avocat stagiaire au barreau de Pau, entre 1918 et 1925, Joseph Peyré sera tour à tour secrétaire du philosophe béarnais Pierre Lasserre et précepteur d'Édouard Pourtalé, cousin d'Henri Diriart, directeur du « Petit Palois », l’époque où il débuta l’écriture. En accompagnant Édouard Pourtalé en Suisse, il rencontra Francis Carco et Joseph Kessel qui vont favoriser ses débuts dans le grand journalisme parisien. Les succès littéraires engrangés dès 1931, le labeur acharné auquel il s'astreint et les séjours à l'étranger ne diluent pas le sentiment d'appartenance identitaire avivé par la mémoire de son oncle, se souvient Pierre Peyré : les étés à Aydie, les grandes tablées d'invités et l'accueil des campeurs dans sa « Palombière ». Sa « géographie sentimentale » basco-béarnaise lui faisait qualifier ses compatriotes de « fils d'un pays parfait et qui nous offre en raccourci l'image du monde »…
Il ne put se faire élire à l'Académie française en 1956 malgré un nombre important de voix et l’appui de Pierre Benoit et du duc de Lévis-Mirepoix qui écrivit à ce propos : « C'était l'écrivain le moins porté à faire une campagne. Il n'était capable que d'attirer et de ressentir l'amitié. Il se montrait peu et venait rarement à Paris.[...] À cette amitié de vingt ans toujours présente mais glissée au domaine des ombres, qu'il me soit permis de renouveler cette voix qui n'a pas abouti, mais qui demeure un fidèle hommage ». Décédé d'une longue maladie en 1968, Joseph Peyré fut inhumé auprès des siens au cimetière d'Aydie.