Mardi 26 avril dernier, une assistance très nombreuse et choisie d'amateurs de littérature emplissait les salons du château d’Arcangues pour assister à la remise du Prix Littéraire des Trois Couronnes aux lauréats 2020/2021 orchestrée par son président Alexandre de La Cerda qui a d’abord remercié pour sa présence l'archiduc Imre de Habsbourg-Lorraine, arrivé spécialement de Genève grâce à l'entremise de son collaborateur Guillaume d'Alançon qui avait auparavant œuvré dans la région en tant que secrétaire de l'évêque de Bayonne et président de l'Académie de la Vie.
Alexandre de La Cerda a rappelé à cette occasion les liens étroits qui unissaient la famille de l'archiduc au Pays Basque, son arrière-grand-mère Zita, dernière impératrice d'Autriche-Hongrie ayant trouvé refuge avec ses enfants en 1922, grâce au soutien du roi d’Espagne Alphonse XIII, au palais Uribarria à Lekeitio, sur la côte de Biscaye / son séjour avait été relaté dans notre "Lettre du Pays Basque" du 1er mai 2020 :
https://baskulture.com/article/zita-la-dernire-impratrice-dautriche-au-pays-basque-3032
D'ailleurs l'impératrice reconnaîtra toujours que «sans aucun doute, les sept années les plus heureuses de mon long exil de 67 ans ont été les sept ans que j'ai passées à Lekeitio».
Alexandre de La Cerda avait ensuite évoqué deux grandes figures parmi les fondateurs de ce concours particulièrement estimé, et d'abord Pierre Espil, poète et critique dont la plume légère et talentueuse avait maintes fois embelli l’œuvre des créateurs, Pierre Espil qui avait durablement marqué un siècle en étant le témoin et l'acteur privilégié d'un incomparable foisonnement littéraire et artistique.
Titulaire de plusieurs décorations et lauréat de nombreux prix littéraires, dont un de l'Académie française, il se dépensa sans compter pour celui des Trois Couronnes.
En "connivence de plume" avec l'ancien sous-préfet de Bayonne, Pierre Daguerre, qui avait déjà esquissé ses "Croquis au pied des monts" et brossé le "Roman d'une Infante", et avec le préfet Gabriel Delaunay - qui affirmait volontiers que ces amitiés littéraires étaient de "celles qui lui tenaient le plus à coeur", Pierre Espil réunit ainsi pendant quarante ans le monde des Lettres pour "remarquer les différents talents s'intéressant à notre région". Alexandre de La Cerda fut du nombre...
C'était à l'heure où des inquiétudes littéraires et une éloquence fleurie embrassaient encore l'esprit de quelques grands commis de l'Etat qui, nonobstant les devoirs de leur charge, "laissaient faire" aux muses. Louis Ducla, fondateur de l'Académie Pyrénéenne que dirigera plus tard Michel Fabre de Beauchamp, et la princesse Galitzine, personnalité bien connue dans le monde biarrot, les avaient alors rejoints. Sentant son heure venir, Pierre demanda à Alexandre d’être son continuateur.
L'évocation du président des Trois Couronnes concerna également un autre fondateur du prix littéraire : le marquis Pierre d'Arcangues qui fut maire de son village pendant 40 ans (1929-1969). Il embellit le coeur historique du bourg avec la participation des artisans du Pays Basque - construisit les écoles, entreprit la réfection du clocher de l’église, l’agrandissement de la mairie, l’aménagement du cimetière, la construction des Maisons des Sœurs - et on lui doit le Théâtre de la Nature avec un grand décor peint (en 1968) par Ramiro Arrue : récemment réaménagé, ce théâtre mériterait assurément de porter son nom, mais comme le rappelle avec raison son petit-fils Michel d’Arcangues, « il est vrai que nul n’est prophète en son pays » !
Président du Comité du Tourisme et des Fêtes de Biarritz, il organisa pendant les Années Folles de l’Entre-deux-guerres des fêtes, bals, et galas auxquels se rendirent toutes les célébrités de l’époque. Ramiro Arrue participait d’ailleurs souvent à ces festivités en dessinant des décors et des costumes.
Pierre d’Arcangues avait continué la tradition d'accueil des souverains initiée par ses aïeux, particulièrement le roi d'Espagne Alphonse XIII pour qui il organisa en 1922 une des plus somptueuses fêtes jamais donnée sur la côte, "Le bal Second Empire" mis en scène par Worth, Poiret, Jean-Gabriel Domergue, etc.
Mais surtout, parcouru lui-même par la fibre littéraire, auteur de plusieurs recueils de poésie, de comédies musicales, de pièces de théâtre et de divertissements costumés, typiques de l’esprit léger et joyeux de l’après guerre (la première), qui furent représentés avec succès sur les scènes nationales, il fera de son château un salon où se retrouvent toutes les gloires artistiques, Rostand, Loti, Ravel, Stravinsky, Guitry, le basse Chaliapine, le chorégraphe Balanchine, et bien d'autres dont on voit les signatures autographes exposées sous vitrine dans un des salons du château. Sans oublier le compositeur Ermend Bonnal avec qui il eut des liens très étroits, et Cocteau avec qui il organisa en 1949 un "festival du film maudit"..
Six lauréats faisaient partie du palmarès, et en hommage à Pierre Espil, Alexandre de La Cerda fit d'abord remettre par le député Vincent Bru le prix de poésie à Jacques Le Gall pour son "Georges Saint-Clair, féeries intérieures" paru aux Presses universitaires de Pau Aquitaine. Le lauréat, auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux poètes pyrénéens (Jean Giono, sa thèse, Jules Supervielle, Paul-Jean Toulet, Francis Jammes et dernièrement, le très beau livre sur Georges Saint-Clair.
Mais le jury avait voulu également récompenser à titre d’encouragement un très jeune poète bayonnais, Arnaud Campagne, actuellement expatrié pour son travail à Taiwan - sa mère a lu une lettre de remerciements du lauréat.
Et c'est l'archiduc Imre qui fut ravi de remettre le Prix de l’essai « société » au Général Pierre Gillet, marcheur, randonneur et pèlerin depuis des décennies suri nos terres pyrénéennes, auteur de « Qui est comme Dieu ? » aux Éditions Sainte-Madeleine : en partant du postulat que la vie est un combat spirituel, ce général de corps d'armée a conçu un abécédaire qui s’intéresse aux qualités du chef, les replace dans la tradition chrétienne, et en propose une application concrète.
Le député Vincent Bru a ensuite remis le Prix des Trois Couronnes pour l’ensemble de son oeuvre à Olivier Ribeton, Bayonnais « cap et tout » dont la trajectoire s’enracine dans une authentique généalogie bayonnaise et qui a remarquablement mené la restauration et la réouverture du Musée Basque avec de magnifiques expositions accompagnées d'écrits non moins remarquables, dont l'ouvrage consacré au peintre Ramiro Arrue.
Un Prix de l’essai historique a ensuite été attribué à Marie Agnès Domin pour ses livres consacrés à certains personnages fascinants de la famille impériale russe et très liés à notre côte basque, en particulier la figure extraordinaire d’Alexandre Mikhaïlovitch de Russie, le grand duc visionnaire et mystique, car c’est dès son adolescence que l’auteur a nourri sa passion pour la Russie et les Romanov.
Enfin, pour rajeunir le palmarès des Trois Couronnes, le jury avait décidé d’attribuer un prix de l’audiovisuel qui a été décerné cette année par Michel d'Arcangues au cinéaste Philippe Calderon, fixé à Arcangues et réalisateur, entre autres, des films : « Washoe, le singe qui parle avec les mains », « Retrouver Byzance », « Lorsque le monde parlait arabe », « Michel Foucault par lui-même », « La citadelle assiégée » « John von Neumann prophète du XXIème siècle » et « 1984 ou Meilleur des Mondes ? » diffusé l'année dernière sur Arte.
Après un savoureux buffet apprêté par Pierre Oteiza et arrosé des meilleurs millésimes du château Miller La Cerda, l'archiduc Imre a donné une conférence très suivie sur la « Finance éthique : investir et développer son patrimoine en temps d’incertitude » - traitée dans notre Lettre du 25 mars dernier :
https://baskulture.com/article/arcangues-larchiduc-imre-de-habsbourg-prsentera-linvestissement-thique-et-prsidera-le-prix-littraire-des-3-couronnes-4684