Il y a 410 ans, le 14 mai 1610, Ravaillac assassinait Henri IV... Il n’est pas inutile de rappeler quelques traits de ce souverain aussi mal connu qu’il était devenu éminemment populaire, trop souvent réduit, cependant, aux clichés folkloriques du roi de la « poule au pot » ou du « panache blanc ».
Parmi les innombrables ouvrages consacrés à Henri IV, on distinguera particulièrement celui que Jean-François Bège a consacréà« Ravaillac, l'assassin d'Henri IV »(éditions Sud Ouest).
Analysant ce « roman d’amour et cette légende », notre confrère remarque qu’elles ont été forgées après l’assassinat par Ravaillac: « Les français se sont rendus compte de ce qu’ils ont perdu, soit vingt années de paix et de prospérité retrouvée »…
Il est vrai que cette popularité était moins palpable du vivant du souverain, en particulier dans son royaume de Navarre, c’est-à-dire en Basse-Navarre et en Soule livrées aux guerres de religion depuis que sa mère Jeanne d’Albret avait embrassé ostensiblement la religion réformée en tentant de l’imposer de force à ses sujets. Cependant, la situation religieuse fut « assainie » à la mort de Jeanne d’Albret grâce à l’esprit tolérant de son fils Henri III de Navarre qui montera sur le trône de France sous le nom d’Henri IV (il refusera jusqu'à sa mort de "confondre" l'administration de la France avec celle de son royaume de Navarre auquel il conservera toujours ses propres fors & coutumes). Il y eut encore le sinistre épisode de la sorcellerie au Labourd « instrumenté » par une lettre d’Henri IV de janvier 1609 nommant le conseiller au Parlement de Bordeaux Pierre de Lancre à la tête de la commission d’enquête (c'était en partie pour détourner les marins basques de la traite des peaux avec les amérindiens, privilège qu'Henri IV destinait à ceux qui devaient renforcer la population du Québec menacé par les Anglais. Or les procès en sorcellerie instruits en Labourd contre des femmes basques firent revenir leurs maris "toutes voiles dehors" en leur faisant lâcher prise au Canada et libérant ainsi le terrain aux "protégés" d'Henri IV).
Période correspondant également à la floraison des Lettres basques : depuis la traduction de la Bible en basque par le pasteur protestant Joannes Leizarraga de Briscous jusqu’aux travaux de Jean de Sponde, homme politique protestant et agent d’Henri III de Navarre dont il suivit l’exemple en se convertissant au catholicisme… Et même en matière de danse, le chorégraphe Claude Iruretagoyena de constater des similitudes frappantes entre le répertoire pré-baroque et celui des danseurs basques, peut-être dû aux artistes italiens venus se glisser à la cour du roi de Navarre, via les Médicis…
Quant à Jean-Pierre Babelon, de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, il évoquait cet aspect méconnu du bon Roi Henri qu’était la passion du bâtiment, le goût de construire, en particulier à Paris la Place Dauphine, la Place des Vosges (dont les chaînages de briques et de pierres avaient visiblement inspiré la "Maison de l'Infante" à Saint-Jean-de-Luz), les finitions du Pont-Neuf ou encore les réaménagements du Louvre, ainsi que ceux des châteaux de Fontainebleau et de Saint-Germain-en-Laye. Et de citer « Le Mercure français » qui écrira après la mort du Roi en 1610 : « Quant à la magnificence de ses bâtiments, nul de ses devanciers ne l’a égalé, aussi était-ce ce qu’il affectionnait le plus ». La masse bâtie excède probablement celle qui fut élevée sous François Ier et le dispute à celle qu’élèvera Louis XIV. Henri IV y mit un plaisir individuel de propriétaire, aiguisé par le souci de financer la marche des chantiers par tous les moyens. « C’est pour mes maçons », dit-il avec une satisfaction évidente en empochant ses gains au jeu de paume, et il va effectivement surveiller ses maçons et les gratifier. Cette passion est de toute évidence un atavisme. Les Albret, sa famille maternelle, comme les Valois étaient des princes bâtisseurs. Dans sa jeunesse, Henri IV avait vécu, à Pau et à Nérac, dans des châteaux médiévaux remis au goût du jour par ses ancêtres…