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Histoire
L’abolition des privilèges le 4 août 1789 : villes et provinces perdent leurs libertés
L’abolition des privilèges le 4 août 1789 : villes et provinces perdent leurs libertés
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| Alexandre de La Cerda 1333 mots

L’abolition des privilèges le 4 août 1789 : villes et provinces perdent leurs libertés

La pastorale « Domingo Garat » sera rejouée ce dimanche 4 août à Pagolle. Consacrée aux frères Garat qui ont joué un rôle important pendant la Révolution, elle a rassemblé la grande foule pour sa première représentation dimanche dernier et suscité les commentaires enthousiastes de maints spectateurs, parmi lesquels le maire de Béguios Didier Irigoin qui y assistait en compagnie du souletin conseiller régional Marc Oxibar : « immense succès pour cette première à Pagolle ! 10h : Messe dans une église bondée ! Des chants hauts en couleur comme savent les interpréter les Xiberotars ! 15h30 : début de la pastorale, 3h30 de spectacle, un immense bravo à ces talentueux acteurs, chanteurs, danseurs, avec une mention particulière (c'est mon côté chauvin) à notre Behauztar Chantal Maitia qui jouait le rôle de la maman de Domingo Garat ! Une excellente journée ! Pour tous ceux qui n'ont pas pu venir dimanche dernier, une 2ème et dernière présentation dimanche prochain (4 août ) ! Pastorala bizi bedi, Xübero osoan gaindi » !

L’occasion de revenir sur un épisode décisif qui avait précisément « occupé » les frères Garat et dont je traite dans mon livre « La Déportation des Basques sous la Terreur » (éditeur Cairn) :
Qualifiée abusivement de « loi de l’égalité de tous », la nuit du 4 août 1789 représenterait aux yeux de certains l’acte le plus important de la période révolutionnaire, quand les représentants du peuple votèrent « l’abolition des privilèges ». La séance fut même « suspendue à deux heures après minuit » sur un dernier hommage rendu à la personne royale : « Messieurs, au milieu de ces élans, au milieu de ces transports qui confondent tous nos sentimens [sic], tous nos vœux, toutes nos âmes, ne devons-nous pas nous souvenir du roi ; du roi qui nous a convoqués, lorsque les Assemblées nationales étaient interrompues depuis près de deux siècles. [...] Je propose qu'au milieu de cette Assemblée nationale, la plus auguste la plus utile qui fut jamais, Louis XVI soit proclamé le restaurateur de la liberté française ».
On le voit déjà : « la » liberté à la place « des » libertés, car cet acte vit en réalité la suppression des « privilèges » particuliers des provinces et des villes, autrement dit des libertés ou statuts particuliers des villes et des provinces lors de la folle nuit du 4 août 1789 – ce qui déclencha un tollé général en Labourd et fit crier aux frères Garat, sur l’injonction du Biltzar, le fameux « Ma province proteste » ! opposé à la fusion des Basques et des Béarnais au sein d’un même département.
Plus généralement, la nuit du 4 août 1789, qualifiée dans tous les livres d'histoire depuis la IIIème république jusqu'à nos jours d’« événement fondamental de la Révolution française, puisque l'Assemblée constituante proclamait la fin du régime féodal et de ses privilèges », sonna en réalité le glas de tous les us et coutumes propres à chaque province du royaume. Le système féodal n’avait-il point été supprimé peu de temps auparavant, entre le 20 juin 1789, date du serment du jeu de paume, et le 27 juin, lorsque les trois états s’étaient réunis en Assemblée nationale ? Or, les souverains français avaient coutume de considérer, par opposition au « peuple français » cher aux idéologues révolutionnaires, « les peuples de France », en fonction de la diversité des traditions, des langues et des cultures des provinces de France. Et des « Privilèges », étymologiquement « lex privata », ou lois privées. Chaque décision royale devait-elle ainsi être enregistrée par les Parlements provinciaux pour avoir force de loi localement, selon un système prétendant à un certain équilibre malgré d’inévitables abus et la progression d’un certain centralisme dans l’air du temps.
Le 4 août 1789, l’abolition de ces « gardes fous » avec la suppression des parlements, des statuts particuliers, des franchises, libertés et coutumes provinciales infligea à tout le pays les décisions parisiennes : s'ensuivirent, entre autres, l’éradication par la violence des langues régionales – malgré une traduction occasionnelle en basque, du moins au début de la Révolution, des dispositions les plus importantes de la nouvelle législation - et un nouveau découpage administratif faisant fi de l'histoire locale et des bassins de vie.
Débutée par la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 qui vit une poignée d'émeutiers sanguinaires, brutes avinées, assassins et terroristes dans l'âme, massacrer et promener dans les rues au bout de piques les têtes de la poignée de militaires casernés dans la forteresse et auxquels ils avaient promis liberté et vie sauve, cette tragédie en engendra beaucoup d’autres : « avec les transports de l'effervescence, ce fut un crime d'être gentilhomme », rapporte « La Gazette Nationale ou Le Moniteur Universel » du 4 août 1789 dans sa « Relation des événements qui ont suivi la prise de la Bastille » ! Et de citer : « M. de Montesson fut fusillé au Mans après avoir vu égorger son beau-père. En Languedoc, M. de Barras fut coupé en morceaux devant sa femme près d'accoucher. En Normandie, un seigneur paralytique fut abandonné sur un bûcher dont on le tira les mains brûlées. A Caen, Belsunce fut tué par des brigands qui le mangèrent (*). Le chevalier d'Ambly, trainé sur un fumier, vit danser autour de lui les furieux qui venaient de lui arracher les cheveux et les sourcils ». D'autres furent jetés dans un étang. Tout cela était encore peu de chose. Selon le même « Moniteur », plutôt favorable à « l’effervescence révolutionnaire » dont il excusait « les forfaits » comme « une suite nécessaire des secousses d’une grande révolution », dans le Mâconnais et dans le Beaujolais, 72 châteaux furent la proie des flammes. Et avec le seigneur, « l'ensemble des propriétaires et des fermiers furent les victimes de la rapacité de milliers de scélérats prompts à ravager leurs terres. Les députés d'une certaine opinion n'étaient pas davantage respectés »... Et ce « passage du mal au bien, souvent plus terrible que le mal lui-même », comme le reconnaissait si aisément « Le Moniteur », débouchera sur la Terreur, le génocide vendéen, les noyades de Nantes, la destruction de Lyon et la déportation des Basques en février 1794. Pourtant, c’est bien de ces crimes horribles que la « glorieuse » tradition républicaine et notre actuel Système prétendent débuter l’histoire de notre pays…
Alexandre de La Cerda

(*) Extrait de mon livre « La Déportation des Basques sous la Terreur » (éditeur Cairn) : Henri de Belsunce, le fils du vicomte Dominique de Belsunce et de Méharin qui fut bailli du pays de Mixe et colonel d'infanterie, était né en 1765 au château que sa famille possédait à Méharin en Basse-Navarre. Major en second du régiment Bourbon-infanterie en garnison à Caen, il dut faire face à une véritable guérilla orchestrée par les « clubs » révolutionnaires de la ville qui voulaient s’emparer des drapeaux de son régiment. Protégeant au péril de sa vie les convois de grains assaillis par des bandits pour protéger la subsistance des habitants – ce qui n’était pas bien compris de la population ameutée par les agitateurs révolutionnaires -, il fut victime le 12 août 1789, sur la foi d’une provocation, d’une meute hurlante de voyous et de femmes en fureur qui le couvrirent d’insultes et le frappèrent, avant de tomber, atteint d’une douzaine de balles. Mais ce n’était pas assez : on continue de tirer sur son corps inerte, dont on coupe la tête afin de la promener au bout d’une pique, une jambe qui atterrira dans un tombereau, et divers « morceaux » qu’un apothicaire placera dans un bocal d’alcool. De « dignes citoyens » continueront de s’acharner sur le corps de Belsunce pour ouvrir sa poitrine et en arracher le cœur qu’une furie aurait mangé, selon ce que relatera dans ses mémoires le futur général Dumouriez. Et il n'y eut pas jusqu'à un paysan sans doute aviné qui n’apportât à un cabaretier un petit morceau de la chair du supplicié pour la lui faire cuire… Mais le tenancier de la gargote, mis au courant, chassa le cannibale qui se réfugia chez une certaine « dame Laforge où il put consommer son atroce rôti – à moitié cru – en l’arrosant d’une chopine de cidre », comme il ressort des interrogatoires des coupables.

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