Cette fresque de 1517 est longtemps restée cachée sous le plâtre de la restauration faite après l'effondrement de la voûte (ce qui en explique la relative fraîcheur à sa redécouverte), indétectable jusqu'en1993, date à laquelle Charles Blanc, le regretté président de la Société de Borda, me signala son existence, alors que j'étais en poste diplomatique à Kingston (Jamaïque) depuis deux ans, en me précisant que les armes de ma famille y figuraient et que je ferais bien d’aller la voir rapidement dès mon prochain retour pour congés estivaux en France. Le blason lozangé d'or et de gueules, qui figure dans la partie haute à gauche et que l’on retrouve en esquisse sur le mur opposé, est commun aux deux maisons alliées de Marsan de Cauna (à Cauna) et de Poyloaut (en Larbey) originaires de lieux et seigneuries voisines en Chalosse, ainsi qu'à leurs proches parents de la maison de Saint-Aubin de Poyaler. Ce qui laisse envisager une souche commune par alliance féminine dans la maison de Cauna issue de des vicomtes de Marsan. La communauté d'armes des deux familles est bien antérieure dans la mesure où le lozangé d'or et de gueules est aussi présent dès 1349 sur la fresque surmontant la tombe d'Arnaud de Poyloault, « écuyer de notre sire le roi d’Angleterre », ancêtre des d’Agès, barons de Saint-Magne (aux armes brisées en losangé d'or et d'azur, et alliés aux d’Ornon (de Villenave) et aux d’Oro, dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale Saint-André (dite aussi Pey Berland) de Bordeaux.
Outre les deux personnages représentés de part et d’autre, on remarque d’abord le nom de Poiloaut, coupé en deux, et une inscription dans l’encadré central qu’on peut lire ainsi :
L'an mil cinq cens et XVII fo frete [feyte, fut faite] la
pnt [présente] vote par maître Pierre do Beu
lac [lettres illisibles] [de] Born Joha [Johan] da Marque
Armanan [Armand] de La Borde et Pion [Pierron]
de Boloui
La fresque, qualifiée de « vote », fresque votive donc, est placée en hauteur au flanc gauche du chœur de l’église en partant de l’entrée. Elle correspond bien effectivement à la définition générale de l’objet votif, ainsi placée dans un lieu cultuel spécifique très fréquenté, une puissante église fortifiée sur le chemin de Saint-Jacques, et paraissant matérialiser une transaction avec une puissance spirituelle supposée agissante en ce lieu, en l’occurrence les lointains seigneurs de la baronnie de Poyloault, créée en 1448 par le roi d’Angleterre et confirmé en 1462 par le roi de France, dont le siège était à Magescq comme en témoignent encore les armes de la ville dont le chef porte lozangé d'or et de gueules. La date de 1517, associée au terme Poiloaut qui nous donne la prononciation française du nom, pose le cadre chronologique permettant l’identification des personnages représentés dans des costumes d’époque du temps de François Ier. L’homme au chapeau à gauche est le baron Etienne de Cauna et la dame à la capuche ornée d’une plume est Eléonore de Poyloault.
L’histoire nous apprend en effet qu’Eléonore de Poyloault, dame baronne de Poyloault et Magescq, Sert, Téthieu, Hinx, Caufourn, Pouy (Poy-sur-Acqs), Buglose, Herm, Gourbera, Lahontan..., et dernière héritière de sa maison qui s’était fondue dans celle de Balensun en Béarn, au pays de Larbaigt, avait épousé en 1503, encore mineure, le Noble et puissant seigneur, mossenhor Esteben (Messire Estienne) de Cauna, baron de Cauna et Mauco, Mugron et Poyaler, seigneur de Meillon, Angos, Boeil, Aressy, Assat et Astis en Béarn, de Toulouzette, Mellan, Segas, Labarthe, Poy, Hauriet..., etc., en Chalosse.
On ne sait à quelle occasion exactement cette fresque a été réalisée par Mître Pierre de Beulac et ses compagnons pour rendre hommage au nom de toute la communauté à ces puissants seigneurs tutélaires en cette extrême limite (« Hinx », du latin finis, comme le village voisin qui leur appartenait aussi) de leur seigneurie de Poyloault dont le centre était à Magescq et dont dépendait notamment sur place le moulin de Lauletar et à coup sûr l’antique forteresse du Pouy, aujourd’hui aux Lalande d’Olce. Il faut penser qu’il s’agit sans doute d’une première, et rare, visite rendue à leurs fidèles sujets du lieu. Eléonore testa le 22 janvier 1524 et mourut peu après, et son mari lui survécut vingt ans, se remariant successivement avec deux autres parentes proches, Françoise de Lur d’Uza et Jeanne d’Abzac de La Douze, pour avoir au total cinq filles et un seul garçon.
Pour l’occasion du mariage d’Eléonore et d’Etienne, on fit frapper (à Dax ou aux forges de Buglose ?) un sceau portant leur blason commun, un écu losangé d'or et de gueules, et la mention LEO. CENS PAPA DECIMUS [« par décret de Léon X, pape » – compte tenu du très proche degré de parenté et consanguinité], accompagné sur le champ des lettres B d C [Baron de Cauna]. Cette médaille fut remise en 1882 à la Société de Borda par le docteur Sentex, de Saint-Sever. On n’arrive pas à savoir aujourd’hui ce qu'elle a bien pu devenir, malgré de multiples et vaines demandes auprès de la Société qui renvoie au Musée de Borda et inversement ! Et pourtant, on conserve bien en vue dans l’hôtel de Saint-Martin d’Agès de la rue Cazade à Dax, dans le premier cadre que l’on y voit en entrant, la gravure du portrait de l’un des derniers possesseurs de la baronnie par mariage avec l’héritière de la branche cadette de Hinx, Me Gabriel Du Sault, époux de Louise de Poyloaullt de Hinx, d’une branche collatérale cadette, « dame de Hinx, Magescq et Talence, comme ayant succédé à feue la duchesse de Ventadour ».
Leur fils, « Noble Jacques de Cauna, chevalier, baron de Cauna et de Poyloault, Mauco, Lahontan, Magescq... seigneur cavier de Téthieu », décédé pour certains vers 1544, peu après son père, ou, pour d'autres, de son vivant, est habituellement qualifié de « baron de Poyloault », titre sous lequel il soutient, à partir de 1538 avec son père, un très long procès contre les habitants de Bayonne et autres villes (jusqu’à Hastingues et Oeyregave), au sujet de péages établis « dans les paroisses de Magescq, qui est de la terre de Pouillouault, Nauvieilh et Gebern (Gourbera), Poy et Lahontan ».
Etienne serait donc mort avant le 11 août 1543 et Jacques après le 28 avril 1544. Il avait épousé en 1525 Alyse-Marguerite de Ségur dame de Bétailhe, près Bodeaux, dont il n'eut qu'un fils unique, Claude de Cauna, qualifié de « baron de Poyloault, seigneur cavier de Téthieu », ort lui aussi prématurément et sans mariage ni postérité, qui eut pour héritière et sa sœur Françoise de Cauna qui devint ainsi « dame de Cauna, Poyloault, Magescq, Téthieu, Poy, Herm, Gourbera, Lahontan, Saint- Michel… etc », et transmit sa fille unique, Marguerite de Caupenne, épouse du fils du fameux maréchal Blaise de Monluc, le capitaine Peyrot, mort au siège de Madère. Plus tard, Suzanne de Thélines-Monluc, héritière naturelle et légitime des biens par le sang, fut la première fondatrice, par un don de terre de sa seigneurie du 26 octobre 1629, de la chapelle de Notre-Dame de Buglose, en sa qualité de dame de Poyloault et du dit Buglose, contre promesse par les religieux lazaristes de faire figurer ses armes aux côtés de l’effigie de la Vierge et de donner et tenir à perpétuité tous les sept janvier « une messe haute prodefuntis pour les âmes de ses aïeux seigneurs et dames des maisons de Poyloault, maison de Caupenne et maison de Cauna », et « le dixième jour de chaque mois d’avril pour les âmes des défunts seigneurs et dames des maisons de Monluc, de Montsallier et de Thémines de glorieuse mémoire ». La lignée s’acheva dans la célèbre duchesse de Ventadour, gouvernante des Enfants de France, qui avait fort à faire à la Cour et céda la baronnie de Magescq aux Lalande d’Olce en 1664.
Les Lazaristes de Buglose finirent par acquérir la baronnie de Poy, dont dépendait Buglose, avec notamment une « prairie appelée à Pouillao » [sic] à Magescq. Et en 1755, leur supérieur, Jean-Baptiste de Vignes, « baron de Poy et seigneur cavier de Téthieu » revendiquait le droit de haute justice dans les hameaux de Pouilloaut, Tauziet et Riquet, en contestation avec les bourgeois de Dax. Pendant qu’en Chalosse, en 1772, Mathieu de Basquiat, baron de Lahouze, seigneur du Haut-Larbey et du Haut-Baigts, tenait encore plusieurs fiefs dans le quartier de Pouilhouaud.
Disparue bien avant la Révolution, à l'exception de la survivance du titre de baron, la seigneurie de Poyloault, dispersée en plusieurs tenants sur une étendue considérable entre les environs de Castets (moulin de Saint-Michel Escalus), jusqu’aux abords de Bayonne (moulin d’Arrensède, rive droite) et aux faubourgs de Dax, Saint-Paul-lès-Dax, Saint-Vincent-de-Paul, Buglose et Hinx, reste entourée de mystère. Le nom qui se prononce en gascon Poulouaout, du latin de Podio alto, le somment élevé, serait celui d’une maison d’origine écossaise que l’on va donc pouvoir supposer dans les Highlands pour rester cohérents dans un clan porteur d’un tartan aux carreaux rouges et or bousculés dans leur sage ordonnancement par les chevauchées guerrières ! Plus sûrement, on en trouve les dernières traces sur ses lieux de son origine chalossaise, dans un lieu-dit de Caupenne nommé la Lande de Poulouaout, ou à Larbey, pour un quartier, ou à la grotte de Poulouaout (ou de Bourg-Arman, rappel du mythique « roi » Armand de Poyloault de la légende, au pont de Poulouaout sur le Louts, et, non loin du panneau indicateur Poulouaout placé sur la route, dans le dernier vestige de la motte féodale, au lieu-dit lou mouta, derrière la ferme de Candelous (camp de Louts), emplacement de l’ancien château ruiné de Pouilhouald porté sur la carte de Cassini.
Quant à la fresque, plus on l’observe, plus on y découvre de mystérieux détails réfractaires à l’interprétation classique, des inscriptions dans une langue rappelant le latin mais aussi le basque, voire l’araméen : Beriia Tiera, Mor Odora, EOB…, des figures et dessins curieux et inattendus, et notamment de petits oiseaux finement dessinés, et pour couronner le tout, l’esquisse sur le mur opposé de ce qui ressemblerait à des tentatives de dessins du blason losangé ainsi qu’une inscription totalement illisible, l’ensemble faisant penser à une sorte de feuille de brouillon préparatoire que l’artiste aurait omis d’effacer après avoir fini son travail.