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Critique
La critique de Jean Louis Requena
La critique de Jean Louis Requena
© DR

| Jean-Louis Requena 1085 mots

La critique de Jean Louis Requena

Grâce à Dieu - Film français de François Ozon 137

2014, Lyon, capitale des Gaules. Alexandre Guérin (Melvil Poupaud) est cadre supérieur dans une banque. Catholique pratiquant, il vit avec sa grande famille, sa femme Marie (Aurélia Petit) et ses cinq enfants dont les deux premiers doivent faire leur confirmation à la Cathédrale de Lyon. Cest un chrétien fervent, paisible, bon époux, père de famille aimant, qui découvre par hasard le retour du Père Bernard Preynat (Bernard Verley) dans le diocèse. Désemparé par la réapparition de ce prêtre qui a abusé de lui quand il était scout, il sen ouvre à un ami lui aussi agressé par le même prédateur sexuel. Ce dernier lincite à ne rien tenter. Néanmoins, Alexandre écrit de nombreuses missives dalerte à larchevêché et finit par rencontrer Régine Maire (Martine Erbel) secrétaire du Cardinal Philippe Barbarin (François Marthouret), archevêque de Lyon et primat des Gaules (2002). La hiérarchie épiscopale, malgré de nombreuses relances écrites dAlexandre Guérin, met à l’évidence une mauvaise volonté à répondre aux injonctions de plus en plus pressantes de celui-ci.

Finalement, une entrevue a lieu entre Alexandre et le Père Preynat en présence de Régine Maire. La réunion est glaciale et tout en reconnaissant les faits, lecclésiastique refuse de demander le pardon, seule exigence dAlexandre qui seffondre en pleurs à la fin de lentrevue

Quelque temps plus tard, lors dune messe à laquelle la famille Guérin assiste, Alexandre, à sa grande stupéfaction, saperçoit que lofficiant est le Père Preynat entouré denfants de cœurDouloureusement affecté par tant de laxisme de la part des autorités ecclésiastiques, par la « course de lenteur » que celles-ci lui ont fait subir, il réunit un dossier quil envoie au Procureur de la République de la ville

La réponse ne se fait pas attendre : une enquête est diligentée par le Capitaine Courteau car plusieurs plaintes, classées sans suite, ciblaient le Père Preynat.

La parole circule. Des adultes autrefois victimes des agissements du pédophile se font connaître : François Debord (Denis Ménochet) dabord hésitant puis très décidé, Gilles Perret (Eric Caravaca) chirurgien de son état très organisé, Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud) à la personnalité perturbée, sujet à des crises dangoisses. Une association est créee « La Parole Libérée » par ce quatuor auxquels viennent sagréger dautres victimes du Père Preynat La vérité est en marche Les autorités ecclésiastiques, en premier lieu le Cardinal Philippe Barbarin, louvoient La bataille sannonce rude

Le scénario de François Ozon est subtil, car il sattache à suivre les quatre personnages principaux : en premier lieu Alexandre, le lanceur dalerte, puis François, le fonceur couplé à Gilles, le modérateur, et enfin Emmanuel, la victime sacrificielle rejetée aux marges de la société. François Ozon réussit dans son récit à tenir ces quatre fils scénaristiques quil développe, puis mêle harmonieusement, lors de la naissance du groupe de travail et de contestation des victimes du Père Preynat. Ce quatuor dinvestigateurs a un environnement familial qui les enracine dans la société complexe de leur temps. De ce fait, ils ne sont pas hors-sol : tous les acteurs de ce drame sont imprégnés dauthenticité, de véracité et d’émotions.

Le film a un tempo rapide malgré sa longueur (2h17) et les entrelacs de lhistoire : il est structuré comme un thriller haletant ne nous laissant aucun répit. Depuis des années, nous sommes informés par la presse de cette regrettable histoire, de bien dautres similaires dans dautres pays, qui entachent le message universel de lEglise.

François Ozon (51 ans Promotion Femis 1994) qui affirme être, sans fard, catholique et homosexuel, nous démontre a nouveau, pour son dix huitième film (en 20 ans !), une grande maîtrise tant scénaristique, ici particulièrement réussie, que dans la direction dacteurs. Ceux-ci sont tous irréprochables, tant ils nous paraissent à l’écran investis dans leurs rôles.

 

« Grâce à Dieu » est une œuvre dune brûlante actualité (Sommet du Vatican du 21 au 24 février 2019 sous lautorité du Pape François, visiblement ulcéré par ce lancinant problème). Nonobstant, elle est traitée par le réalisateur/scénariste avec pudeur, respect des faits, mais sans atermoiements : un pédophile est un prédateur sexuel, même sil est revêtu dun habit sacerdotal et si, de surcroît, il sappuie sur son « ascendant moral » pour intimider enfants et parents.

Ce sont ces douloureuses questions que souligne le dernier opus de François Ozon qui était présenté en janvier dernier à la Berlinale 2019 où il a obtenu le Grand Prix du Jury.

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