Grâce à Dieu - Film français de François Ozon – 137’
2014, Lyon, capitale des Gaules. Alexandre Guérin (Melvil Poupaud) est cadre supérieur dans une banque. Catholique pratiquant, il vit avec sa grande famille, sa femme Marie (Aurélia Petit) et ses cinq enfants dont les deux premiers doivent faire leur confirmation à la Cathédrale de Lyon. C’est un chrétien fervent, paisible, bon époux, père de famille aimant, qui découvre par hasard le retour du Père Bernard Preynat (Bernard Verley) dans le diocèse. Désemparé par la réapparition de ce prêtre qui a abusé de lui quand il était scout, il s’en ouvre à un ami lui aussi agressé par le même prédateur sexuel. Ce dernier l’incite à ne rien tenter. Néanmoins, Alexandre écrit de nombreuses missives d’alerte à l’archevêché et finit par rencontrer Régine Maire (Martine Erbel) secrétaire du Cardinal Philippe Barbarin (François Marthouret), archevêque de Lyon et primat des Gaules (2002). La hiérarchie épiscopale, malgré de nombreuses relances écrites d’Alexandre Guérin, met à l’évidence une mauvaise volonté à répondre aux injonctions de plus en plus pressantes de celui-ci.
Finalement, une entrevue a lieu entre Alexandre et le Père Preynat en présence de Régine Maire. La réunion est glaciale et tout en reconnaissant les faits, l’ecclésiastique refuse de demander le pardon, seule exigence d’Alexandre qui s’effondre en pleurs à la fin de l’entrevue…
Quelque temps plus tard, lors d’une messe à laquelle la famille Guérin assiste, Alexandre, à sa grande stupéfaction, s’aperçoit que l’officiant est le Père Preynat entouré d’enfants de cœur…Douloureusement affecté par tant de laxisme de la part des autorités ecclésiastiques, par la « course de lenteur » que celles-ci lui ont fait subir, il réunit un dossier qu’il envoie au Procureur de la République de la ville…
La réponse ne se fait pas attendre : une enquête est diligentée par le Capitaine Courteau car plusieurs plaintes, classées sans suite, ciblaient le Père Preynat.
La parole circule. Des adultes autrefois victimes des agissements du pédophile se font connaître : François Debord (Denis Ménochet) d’abord hésitant puis très décidé, Gilles Perret (Eric Caravaca) chirurgien de son état très organisé, Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud) à la personnalité perturbée, sujet à des crises d’angoisses. Une association est créee « La Parole Libérée » par ce quatuor auxquels viennent s’agréger d’autres victimes du Père Preynat… La vérité est en marche… Les autorités ecclésiastiques, en premier lieu le Cardinal Philippe Barbarin, louvoient… La bataille s’annonce rude…
Le scénario de François Ozon est subtil, car il s’attache à suivre les quatre personnages principaux : en premier lieu Alexandre, le lanceur d’alerte, puis François, le fonceur couplé à Gilles, le modérateur, et enfin Emmanuel, la victime sacrificielle rejetée aux marges de la société. François Ozon réussit dans son récit à tenir ces quatre fils scénaristiques qu’il développe, puis mêle harmonieusement, lors de la naissance du groupe de travail et de contestation des victimes du Père Preynat. Ce quatuor d’investigateurs a un environnement familial qui les enracine dans la société complexe de leur temps. De ce fait, ils ne sont pas hors-sol : tous les acteurs de ce drame sont imprégnés d’authenticité, de véracité et d’émotions.
Le film a un tempo rapide malgré sa longueur (2h17’) et les entrelacs de l’histoire : il est structuré comme un thriller haletant ne nous laissant aucun répit. Depuis des années, nous sommes informés par la presse de cette regrettable histoire, de bien d’autres similaires dans d’autres pays, qui entachent le message universel de l’Eglise.
François Ozon (51 ans – Promotion Femis 1994) qui affirme être, sans fard, catholique et homosexuel, nous démontre a nouveau, pour son dix huitième film (en 20 ans !), une grande maîtrise tant scénaristique, ici particulièrement réussie, que dans la direction d’acteurs. Ceux-ci sont tous irréprochables, tant ils nous paraissent à l’écran investis dans leurs rôles.
« Grâce à Dieu » est une œuvre d’une brûlante actualité (Sommet du Vatican du 21 au 24 février 2019 sous l’autorité du Pape François, visiblement ulcéré par ce lancinant problème). Nonobstant, elle est traitée par le réalisateur/scénariste avec pudeur, respect des faits, mais sans atermoiements : un pédophile est un prédateur sexuel, même s’il est revêtu d’un habit sacerdotal et si, de surcroît, il s’appuie sur son « ascendant moral » pour intimider enfants et parents.
Ce sont ces douloureuses questions que souligne le dernier opus de François Ozon qui était présenté en janvier dernier à la Berlinale 2019 où il a obtenu le Grand Prix du Jury.