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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena

| Jean-Louis Requena 593 mots

La critique de Jean-Louis Requena

« Adieu les cons » - Film français d’Albert Dupontel – 87’

Dans une pièce sans fenêtre, un homme fébrile, JB (Albert Dupontel) s’affaire devant plusieurs écrans d’ordinateurs. De son bureau, grâce à de multiples terminaux, il intervient directement sur des ascenseurs, des portiques, des caméras de surveillances, etc. Dans son univers, il est une sorte de « deus ex machina » qui régule la vie effervescente du building où il exerce son métier d’informaticien avec une redoutable efficacité.

Suze Trappet (Virginie Efira) patronne d’un salon de coiffure, est en consultation chez son médecin (Bouli Lanners). Ce dernier lui annonce, avec un humour noir, qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre : ses poumons ont été rongés par le « spray » des laques qu’elle a, durant des années, administrées à ses clientes. Suze est effondrée par la nouvelle. Sa mauvaise conscience refait surface : elle est submergée par l’émotion en se remémorant son passé. A 15 ans, contre l’avis de ses parents, elle a accouché d’un garçon qui lui a été retiré de force immédiatement après sa naissance. Avant de mourir, elle veut retrouver, à tout prix, son garçon aujourd’hui trentenaire. Esseulée, elle part à la recherche de son dossier « né sous x » dans le maquis administratif …

JB est convoqué par son supérieur hiérarchique qui lui fait comprendre que son statut d’informaticien omnipotent va changer : il sera encadré par d’autres employés plus jeunes que lui quand bien même ils seraient moins compétents. Abasourdi par l’annonce, seul, sans famille, JB déprime. Il envisage le suicide …

Suze et JB vont faire connaissance d’une manière improbable. D’un commun accord, ils partent à la recherche du fils perdu de Suze. Chemin faisant, ils rencontrent d’autres personnes tout aussi fantasques : Blin (Nicolas Marié) un archiviste aveugle, le docteur Lint (Jackie Berroyer) médecin amnésique, une brigade policière agressive, etc.) …

Durant leur enquête, des évènements, de plus en plus saugrenus, s’érigent sous leurs pas…

Adieu les cons est le septième film d’Albert Dupontel (56 ans). Le réalisateur/scénariste nous propose un long métrage trépidant, au format court (87’), ou il développe à nouveau, son inclinaison individualiste, anarchiste, avec des touches burlesques. Il attaque allègrement les institutions que tout bon anarchiste se doit d’abhorrer : la police, la religion, la justice, la politique. Albert Dupontel nous décrit un monde répressif (la police, les administrations, les entreprises, etc.), également anxiogène (les tours de verre domotisées avec ses milliers d’employés, la furie immobilière destructrice de paysages urbains, etc.). Tout un maelstrom incessant qui empêche la relaxation et la réflexion : ses personnages sont tendus, excités, comme englués dans un « mouvement brownien ». 

Albert Dupontel grand admirateur du film Brazil (1985) de Terry Gilliam (courte apparition en clin d’œil dans le récit) décrit à merveille le monde déshumanisé, trop vide ou trop plein, que les deux protagonistes, Suze et JB, bientôt rejoints par l’archiviste aveugle, monsieur Blin, parcourent à toute allure : c’est la course haletante de trois pieds nickelés dans un univers kafkaïen.

Soulignons le travail magnifique du chef opérateur, Alexis Kavryrchine, qui éclaire le film en nous proposant des fulgurances visuelles, avec ici et là, des mouvements d’appareil, jamais gratuits, qui bonifient les séquences, un peu à la manière baroque d’Orson Welles (1915/1975).

Le film est dédié à Terry Jones (1942/2020) un des deux cinéastes des Monty Python (sa trilogie burlesque : Sacré Graal -1975, La Vie de Brian – 1979, Le Sens de la Vie – 1983) référence absolue pour Albert Dupontel. Depuis son premier opus (Bernie – 1996) ce réalisateur à part (production, scénario, tournage) dans le cinéma français, développe une veine artistique très personnelle et méritoire.

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