« Alice et le maire » - Film français de Nicolas Pariser – 105’
Paul Théraneau (Fabrice Luchini) est maire socialiste depuis 30 ans de la ville de Lyon, Capitale des Gaules (520.000 habitants). Il se déclare à court d’idées, à sec comme « une berline sans carburant ». Entouré d’une multitude de collaborateurs, tous fort compétents qui travaillent sur de multiples projets, il a le sentiment qu’il n’avance plus, qu’il patine, fait du sur place… Une jeune femme, la trentaine, Alice Heimann (Anaïs Demoustier), normalienne, est embauchée à l’essai pour apporter des idées au maire. Elle a une courte entrevue d’embauche avec ce dernier qui la laisse désemparée. Elle hérite d’un petit bureau. Isolée au milieu d’une perpétuelle agitation du personnel politique, de conseillers de toute sorte, elle affiche un détachement, une placidité qui détonnent : elle ne semble adhérer à aucune opinion ou proposition politique. Elle ne sait que faire, dit-elle… Elle ne s’intéresse pas à son avenir professionnel…
Dans son bureau exigu, elle rédige une note sur le thème de la modestie à l’attention du maire soumis à un « mouvement brownien ». Entre deux portes, il la félicite pour la note et lui demande de continuer à le faire réfléchir… Il décide tout à trac de l’inclure dans une commission sur le devenir de la Capitale des Gaules : Lyon 2500 ! Alice est amusée, quoique effarée par le verbiage de ce comité « Théodule » piloté par un gourou, Patrick Brac (Thomas Chabrol).
Elle saborde le « machin » par quelques remarques censées. Du coup, le maire lui accorde une promotion : il veut la rencontrer plus souvent ; il est friand d’idées simples et argumentées… Elle devient la quasi confidente d’un politicien surmené (réunions, discours, inaugurations, etc.) un peu froid, policé et distant. Elle s’en accommode. Sa soudaine complicité avec le maire est jalousée par l’entourage de celui-ci. Elle émigre dans un immense bureau…
Alice, philosophe, spécialiste de Spinoza, happée dans un tourbillon politico-médiatique, adoubée par le maire qui la convoque à toute heure, semble détachée des ces contingences journalières.
Elle reste sereine, à bonne distance critique de l’agitation… Ses adversaires veillent…
Le cinéma français, si riche dans sa diversité, est avare de films politiques. En un quart de siècle, trois long-métrages sont à retenir : « L’arbre, le maire et la médiathèque » (1993) d’Éric Rohmer, « Pater » (2011) d’Alain Cavalier, et « L’exercice de l’Etat » (2011) de Pierre Schoeller… C’est fort peu ! Reconnaissons que l’exercice est difficile : quel point de vue prendre ? Celui des politiques, souvent décriés ? Celui des administrés, jamais satisfaits ? Mixer les deux dans des affrontements verbaux interminables, insupportables dans l’art cinématographique ?
Nicolas Pariser (45 ans), réalisateur et scénariste a trouvé la bonne distance : les deux personnages principaux, Paul Théraneau, le maire pragmatique, et Alice Heimann, la novice intellectuelle, ne s’opposent pas mais se complètent, l’un avec appétence, l’autre avec distance. De fait, l’auteur-réalisateur a créé un moteur narratif a deux pistons qui tourne rond et qui nous entraîne ainsi dans l’univers compliqué de la politique ou le langage (écrit, verbal) est le véhicule du succès.
Le récit se dévide entre l’avenir vide/trop plein du maire socialiste poussé par son entourage avide de postes, et le détachement amusé/assumé d’Alice qui observe le microcosme politique s’agiter.
La mise en scène est efficace, nerveuse : courtes séquences avec raccords secs qui amplifient le perpétuel émiettement du temps ou chaque micro évènements chasse l’autre dans l’instant : pas de recul, pas de réflexion, il faut répondre immédiatement a des pulsions numériques (téléphones portables, tablettes, etc.).
Les acteurs sont tous épatants : Fabrice Luchini, en maire en panne, a un jeu contenu et Anaïs Demoustier, avec sa frimousse mutine, a l’air de bien s’amuser.
« Alice et le maire » a été présente à la « Quinzaine des Réalisateurs » du dernier Festival de Cannes où il a obtenu le Label Europa Cinémas. Il a également été projeté dans la section « Perlak » lors du dernier Festival International du Film de Saint-Sébastien.
Légende photo : Paul Théraneau (Fabrice Luchini) et Alice Heimann (Anaïs Demoustier)