A - La basilique mariale de Rome
Merveille des origines chrétiennes de la cité sainte. La basilique papale fut érigée au Vème siège sous le pontificat de Célestin Ier et consacrée le 5 août 434 à la Vierge Marie par le pape Sixte III. Elle est l'unique basilique romaine à avoir conservé une structure paléochrétienne malgré les ajouts architecturaux postérieurs de l'histoire. Elle est l'une des plus anciennes églises de la ville, consacrée à la Mère de Jésus à la suite du concile d'Ephèse qui proclama en 431 le dogme de "Marie Mère de Dieu".
Erigée sur le mont de l'Esquilin, "le plan adopté évoque le modèle de la Rome impériale, faisant ce lien patent entre l'empire et la Rome des chrétiens avec sa haute et large nef et son abside semi circulaire", disent les architectes. On y découvre les plus anciennes mosaïques de la ville du Vème siècle, rappelant l'importance de Marie dans les cycles bibliques représentés. L'impression première domine de l'immensité de l'espace rencontré en la jonction de ces deux mondes.
La façade du XIIème siècle refaite au XVIIIème comporte une loggia utilisée pour les bénédictions papales avec à l'arrière du bâtiment un clocher-tour, qui est le plus haut de la ville, ajouté au XIVème siècle. Lieu de guerres et d'hostilité religieuse, on y découvre un canon renversé surmonté d'une croix, il fut érigé par le pape Clément VIII pour célébrer la fin des guerres de religion en France. Telle la présence continue de la France dans la ville sainte et des figures mariales omniprésentes dans la religion et la cité civile en Gaule antique et dans les temps plus actuels. La récurrence de Marie en Marianne et toujours de Marianne et Marie !
"En visitant la basilique vers l'abside Marie est omniprésente et tout converge vers elle. Car c'est "Théotokos", la mère du fils de Dieu qui accueille le pèlerin dont le couronnement par le Fils rayonne dans la mosaïque réalisée en 1295 au dessus du maitre-autel par Jacopo Torriti sur un fond de ciel étoilé".
Un autre trésor unique de Marie est attaché à cette basilique, c'est l'icône de la Vierge à l'Enfant vénérée depuis des siècles sous le vocable de Salus populi romani (Salut du peuple romain) car elle aura protégé la ville de la propagation de la peste. La Vierge de cette icône dont les couches premières des peintures datent des VIIème et XIIIème siècles serait celle peinte par saint Luc sur la table en bois de la Sainte Famille de Nazareth rapportée à Constantinople par la mère de Constantin au IVème siècle. La Foi le permet, et à Rome, la Foi en Marie sauve !
En 593, la peste ravage la cité sainte. Le pape Grégoire le Grand la fait porter en procession à travers la ville et ordonne sept processions en direction de Sainte Marie Majeure pour apaiser la colère divine et implorer la figure mariale comme protectrice du peuple en souffrance.
Alors viennent en sus des légendes si denses autour de Marie en ce lieu. Selon une légende médiévale, la basilique doit sa construction à un songe. Dans la nuit du 4 août 356, la Vierge serait apparue au Pape Libère et à un riche romain du nom de Jean pour leur demander d'ériger un sanctuaire marial là où il avait neigé en plein août à Rome ? Ainsi naquit selon la légende la basilique du nom de "Liberiana de Santa Maria ad Nives" sur la colline de l'Esquilin, ou "Sainte Marie aux Neiges", premier nom populaire au XIVème siècle qui donnerait le nom de Sainte Marie Majeure tel que rapporté par le Missel de 1568 à 1969 en la date liturgique du 5 août selon la tradition !
Sainte Marie Majeure fut encore appelée Sainte Marie de la Crèche à cause des fragments du berceau du Christ rapportés par les pèlerins de retour de Jérusalem. Autant de reliques vénérées dans la crypte de la dite basilique où la maternité divine domine et le récit légendaire, la foi des fidèles et le visage de Marie.
Et pour le récit, il faut mentionner encore la légende de la grosse cloche de la Sperduta qui, tous les soirs à 21 heures, sonne en souvenir d'une bergère qui, faisant paître son troupeau, se serait perdue à la tombée de la nuit malgré les cloches. Voilà pourquoi la bergère égarée continue d'entendre la dite cloche de la basilique Sainte Marie Majeure, depuis si longtemps !
La voix de la dévotion des humbles et des modestes qui vénèrent Théotokos comme leur mère éternelle. Les papes réservent à cette basilique les offices du 15 août chaque année !
B - La Porte Sainte s'ouvre au monde.
Pourquoi ce rite et cet usage ? Les historiens s'interrogent et recherchent dans les chroniques du temps des ressources et des explications.
Le premier récit du genre viendrait de Jean Burckard, cérémoniaire du pape Alexandre VI Borgia en 1500.
Le pape vint lui même à la Basilique Saint-Pierre le 18 décembre 1499, l'ancienne basilique du temps de Constantin, agrandie depuis lors, à partir de 1506, par le pape Jules II. Or, Alexandre VI voulait voir in situ la porte que le cérémoniaire appelle "la porte d'Or" qui, selon la tradition, demeurait fermée pendant un siècle durant le Jubilé terminé. Les chanoines lui désignèrent une place dans la chapelle dite "de la Véronique". Lorsque les maçons commencèrent à ouvrir la porte, ils découvrirent qu'il n'y avait jamais eu de porte en cet endroit sinon les vestiges d'un ancien autel. Si porte il y eut, il fallait selon le cérémoniaire "ne pas troubler la croyance que le peuple portait à la dite porte". Et le pape rédigea la Bulle d'édiction du jubilé proclamé solennellement le 4ème Dimanche de l'Avent, à l'heure de la messe. Le carme qui devait prononcer le sermon n'étant pas présent, il n'y eut pas de sermon de circonstance, ce qui pour le cérémoniaire n'était pas pour déplaire à l'assistance, habituée à ces rituels souvent longs et fastidieux. Les esprits auraient-ils changé aujourd'hui ? Les offices religieux ne sont jamais trop courts pour ceux qui en disposent à leur guise !
On trouvait dans la bulle et ceux qui pouvaient la lire des conseils au pèlerin pour mieux se comporter avec Dieu et son prochain, à s'abstenir de mauvaises actions, et à satisfaire Dieu par la douceur de la pénitence, l'esprit d'humilité et le sacrifice d'un cœur contrit, somme toute bien suffisant pour le commun des immortels en quête de grâce et de salut lors de ce périple romain qui devait être à l'époque aventurier au milieu de tous les risques pris pour parvenir en Italie par des routes peu carrossables et la mer. On imagine mal le voyage !
Pape et cérémoniaire travaillent ensemble aux dispositions prises pour ouvrir la Porte d'Or du Jubilé lors des premières vêpres de la Nativité, On dit que Johannes Burckard, maître des cérémonies sous Alexandre VI, avait combiné un service liturgique de versets de psaumes appropriés à cette situation insolite. "Ouvrez moi les portes de Justice, j'entrerai et je rendrai grâce au Seigneur", Psaume 117-19. avec une oraison pour conclure.
Le jour venu, le pape - arborant un marteau de maçon debout devant la porte - œuvrait faisant tomber quelques briques fermant le passage. Dépouillé, simple et sans fioriture ! Le pape assis attendait le travail entrepris par quelques maçons romains, en chantant avec ses fidèles quelques antiennes de circonstance. Aucun pas même un ouvrier le pouvait franchir le seuil sinon le pape le jour dit, en suivant un rituel qui semble encore observé. Le pontife s'agenouille - si sa santé le permet - et entre, un cierge à la main, dans la basilique, suivi de ses assistants dans une ambiance assez italienne, spontanée et joyeuse !
Tandis que le pape se réservait la basilique Saint-Pierre, les autres cardinaux exécutaient dans la ville sainte la même tâche dans les trois autres basiliques. Un cardinal bien intentionné en ouvrit trois en une de ces basiliques, ne sachant laquelle était dévolue à cette fonction jubilaire ! Et le sachant, le cérémoniaire se plut à raconter le récit avec l'humour de la curie, "il n'y a que la foi qui sauve", O que vrai que de le croire !
Lors de ce jubilé de 1500, disent les chroniques, eut lieu le 9 août, en plein été romain, une procession mariale conduisant d'une basilique vers une autre une antique icône de la Vierge. Le pape ordonna en ces jours que l'on sonne à midi les cloches de toutes les églises romaines pour dire l'Angélus ou Ave Maria et prier pour la chrétienté. S'ajoutant à la sonnerie déjà instituée le soir au coucher du jour, dès lors à midi. Cela semble être l'une des origines de l'Angélus !
Le cérémoniaire semble dans ses chroniques avoir pu disposer de quelque liberté pour faire son enquête médiatique d'époque auprès des confesseurs du jubilé en la basilique Saint-Pierre, et livre selon les témoins, quelques commentaires dignes de la prose de Rabelais, version française des libéralités que l'on a peu l'habitude de trouver dans les textes religieux d'un jubilé.
Pour se rassurer, le cérémoniaire trouva quelque excuse en se plaçant chez les Borgia, papes de père en fils "qui engagèrent la Réforme", puis encore par la suite, la Contre-Réforme dans l'Eglise. Un temps lancinant de l'histoire religieuse qui ne doit pas faire oublier les fragilités humaines jusque dans des conduites spirituelles dissipées ! Aller à Rome et recevoir une indulgence plénière n'était pas un billet de voyage informel. Le jubilé valait bien une confession et le pardon des fautes, une récompense bien éternellement assurée !