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Jazz
Kaléidoscope, le premier album d’Alba Obert, par Michel d'Arcangues
Kaléidoscope, le premier album d’Alba Obert, par Michel d'Arcangues

| Michel d'Arcangues 1075 mots

Kaléidoscope, le premier album d’Alba Obert, par Michel d'Arcangues

RespireJazz Albertine Obert (violon), Sylvain Leray (claviers), Nicolas Fleury (basse), Léo Tochon (batterie).jpg
"RespireJazz" : Albertine Obert (violon), Sylvain Leray (claviers), Nicolas Fleury (basse), Léo Tochon (batterie) ©
RespireJazz Albertine Obert (violon), Sylvain Leray (claviers), Nicolas Fleury (basse), Léo Tochon (batterie).jpg

J’ai eu le grand plaisir de découvrir la jeune violoniste Alba OBERT à l’occasion de son récital au dernier festival « Respire Jazz » à l’Abbaye de Puypéroux en Charente, et j’avais été très impressionné par sa forte personnalité, sa grande virtuosité, son énergie communicative et sa parfaite aisance avec son instrument assez rare dans le Jazz.

Rappelons que cette tradition du violon Jazz est solidement ancrée dans la musique française, on peut même dire qu’il y a véritablement une longue et belle école française du violon Jazz, avec bien entendu pour commencer le pionnier Stéphane GRAPPELLI (1908-1997), pilier du célébrissime Hot Club de France avec Django REINHARDT (1910-1953), et qui fit par la suite une carrière internationale éblouissante en solo, on se rappelle de Michel WARLOP (1911-1947), moins connu, fougueux contemporain de GRAPPELLI au son âpre et à la sensibilité à fleur de peau, qui explora des chemins plus aventureux avec son sextette avant de disparaître prématurément, Jean-Luc PONTY (1942), mondialement connu, dans un registre qui tend vers le Jazz-Rock électrique, Didier LOCKWOOD (1956-2018), Pierre BLANCHARD (1956), Dominique PIFARELY (1957), Aurore VOILQUE (1978), et bien entendu les violonistes de l’école manouche si présente en France.

Son premier album intitulé KALEIDOSCOPE est sorti récemment, constitué essentiellement de ses propres compositions – 9 thèmes de sa plume plus un du batteur Léo TOCHON - sauf erreur de ma part. 

Alba OBERT s’en explique elle-même dans la note biographique qui a accompagné l’envoi du disque : « Ces compositions sont faites pour évoluer dans le temps, c’est une des choses incroyables du Jazz, c’est une musique en mouvement, et les morceaux même les plus écrits doivent continuer d’être l’objet de surprise et d’offrir ces plages de liberté ».

Les influences qu’Alba OBERT revendique sont multiples et éclectiques, depuis la chanteuses islandaise BJORK, Thom YORKE, chanteur compositeur et guitariste du groupe RADIOHEAD, la musique manouche et celle des Balkans, la tradition classique, le rock, le punk, et Léo FERRE…

L’album a donc une tonalité qui penche beaucoup plus vers le Jazz-Rock de Jean-Luc PONTY que vers la tradition plus classique de Stéphane GRAPPELLI.

Née dans une famille musicale - sa mère était pianiste - Alba OBERT a commencé l’étude du violon à l’âge de 6 ans avec l’instrument de son grand-père, et a fréquenté pendant trois ans un ancien squat où elle a rencontré tout une population de musiciens, intermittents du spectacle, travaileurs sociaux, artistes divers dont certains émigrés du Sénégal et de Syrie.

Elle passe ensuite le concours du conservatoire de Strasbourg, et intègre le Centre des Musiques Didier Lockwood (CMDL) quelques mois après le décès soudain de son très regretté fondateur Didier LOCKWOOD (1956-2018).

Le livret du disque permet à la violoniste de préciser sa démarche artistique : « Le kaléidoscope est un objet qui réfléchit la lumière extérieure en la transformant à l’infini. L’œil humain peut alors regarder ces facettes et en observer le résultat. J’ai trouvé de la poésie à reprendre cette image, en la comparant aux diverses esthétiques musicales et artistiques qui m’ont bercée jusque là. C’est par elles que ce disque est né. Au sein de cet album, j’ai essayé de faire cohabiter mes influences les plus variées, allant du jazz à la musique classique, en passant par le rock alternatif.
Je me suis également inspirée des artistes que j’ai eu la chance de rencontrer. Sortant du simple rôle de sideman,  les musiciens qui jouent sur mon album sont des amis proches, avec lesquels nous échangeons sur nos visions de la musique et du travail de groupe, créant ainsi une synergie et une cohésion qui contribuent aux fusions esthétiques de l’album ».

On ne saurait mieux expliquer le concept artistique de l’album et les choix particuliers de la violoniste.

Elle est fort bien accompagnée par un trio d’amis qui la suivent depuis un certain temps : Gaspard BERTON au piano, Nicolas FLEURY à la contrebasse et basse électrique, Léo TOCHON à la batterie, et Martin FERREYROS à la guitare pour 2 plages.

Neuf compositions de la violoniste, une du batteur Léo TOCHON, pour un disque très réussi, très original, très énergique.

« Alpha Cloud » la première pièce donne le ton entre un Jazz très électrique et des interventions acoustiques, suivi par « Les Roses » avec une partie chantée par elle-même sur un poème de sa plume avec un tempo d’enfer (j’ignorais qu’elle avait aussi un talent de chanteuse avec une fort jolie voix), avec une guitare électrique très hard rock ; « La terre est plate » troisième thème avec des inflexions tsiganes, très lyriques, fait la part belle au violon, avec un court solo de batterie ; « In my Head » plus rapide débute au piano électrique avec des vocalises et des pizzicati au violon et un solo au piano ; « Fenêtre sur le Puit », une ballade qui prend des allures funk avec des distorsions et un solo de guitare décidément rock ; « Contraste » expose une mélodie au piano rejoint par le violon avec un solo de basse électrique, suivi par un intense solo de violon d’une grande agilité ; « Lazarsko Horo » (une mélodie de Bulgarie ?) plus mélancolique puis carrément dansant rend hommage aux musiques des Balkans ; « Shakti Spirit » - le féminin sacré - débute en arpèges avec un long solo de violon très virtuose, suivi par le piano qui monte en intensité, retour aux arpèges pour le final ; « Les Naines Bleues » de Léo TOCHON sur un poème de lui même est chanté par la violoniste avec des voix en overdub suivi par un solo de piano et de violon très lyrique ; « Light and Shadow » débute par une mélodie calme qui s’emballe, suivi par un long solo au piano ; « MOSC » dernier thème pour conclure l’album sur un tempo médium.

Alba OBERT sait nous surprendre par sa grande maîtrise technique de l’instrument, sa belle énergie, son immense virtuosité, sa fougue et son dynamisme, son intensité, ses contrastes de styles, entre acoustique et électrique, ses inspirations variées, elle sait aussi partager avec ses accompagnateurs qui ont la part belle tout au long d’un album d’une grande tenue musicale avec beaucoup de variétés d’un morceau à l’autre , des atmosphères et des tempi changeants à l’intérieur même des compositions.

Un album très réussi et très intéressant, hautement recommandable, un premier essai qui nous l’espérons sera bientôt suivi par d’autres, peut-être – pourquoi pas - dans une version plus acoustique, plus classique, en suivant la tradition de ses illustres prédécesseurs ? Une belle carrière qui s’offre à une musicienne de grand talent et à qui nous souhaitons le meilleur.

CD : Alba OBERT. Kaléidoscope. Art District Music. 2022.

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