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Société
Jean Baptiste de La Salle, un précurseur
Jean Baptiste de La Salle, un précurseur

| François-Xavier Esponde 1363 mots

Jean Baptiste de La Salle, un précurseur

Collège La Salle St-Bernard à Bayonne.jpg
Collaborateurs du collège La Salle St-Bernard à Bayonne ©
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On se souvient en 2020 de la conférence donnée en Mairie de Bayonne par Jacques d’Huiteau supérieur des Lassalliens de France. Elle fut  l’occasion de relater deux siècles de présence de cette communauté éducative à Bayonne.

Les élèves et anciens de l’institution entretiennent toujours la flamme de cette vocation dans la ville. Pour ne citer que le docteur Bernard Grenet ancien élève de La Salle Saint Bernard, où on ne compte plus de frères enseignants mais des enseignants unis par le sens éducatif transmis par leur fondateur.

On ne peut oublier les derniers du nombre, Frère Goikoetxea  pour plusieurs générations, frère Michel, et bien d’autres qui instruisirent des garçons puis la mixité advenue garçons et filles dans leur collège.

1 –Jean Baptiste de La Salle, un précurseur

Fêté ce vendredi 7 avril, saint Jean Baptiste de La Salle est né à Reims en 1651 et mort à Rouen en avril 1719. Il connut les agréments et désagréments habituels d’un pionnier sur le thème de l’école pour tous en France.
L’homme est singulier, issu de la noblesse, tourné vers les enfants des plus simples, "Avez-vous regardé jusqu’à présent le salut de vos élèves comme votre propre affaire ?",  dit-il aux maîtres recrutés pour leur scolarité.

Sous le règne de Louis XIV le contraste est criant entre ces écoles sous équipées de l'institution religieuse et le luxe des plus aisés confiés aux précepteurs du royaume.
Mais en 1684, en fondant les Frères des Ecoles Chrétiennes, la réponse vient de son camp.
Une résistance ardue contre le projet de cet individu atypique, indépendant et peu en phase avec les usages de son temps se lève contre lui.

Ordonné prêtre à Saint Sulpice à Paris, il appartient au monde ecclésiastique selon les codes acquis de la vie religieuse de ce temps.  Il revient à Reims sa ville natale, et prend en charge sa propre famille après la mort subite de ses parents.
Un choc psychologique qui le marque à jamais.

En 1679, Il y rencontre un dénommé Adrien Nyel, maître d’école qui se soucie de la condition analphabète et inculte des enfants de la ville.
Le jeune prêtre a 28 ans ; il est saisi par l’état d’abandon de cette enfance livrée à elle même par leurs propres parents, dans l’errance sociale, et souvent dans le dénuement.
Il voudra l’école gratuite et accessible à tous, et pour tout être totalement donné "à l’oeuvre où Dieu semble vouloir l’engager”, selon ses propos.
Il décide de créer dans sa maison familiale avec quelques maitres la première école de la future congrégation.

Sa famille s’oppose, et il refuse la fortune qui lui est destinée par ses origines aisées, renonce encore au titre de chanoine de la cathédrale de Reims dans laquelle il est établi depuis ses seize ans.
"L’éducation des enfants est oeuvre de salut pour lui et pour eux", dit-il !
Une source spirituelle constante dans le projet de cette vocation d’enseignement et d’éducation chrétienne de la jeunesse.

Lors de la conférence donnée à Bayonne Jacques d’Huiteau rappela les origines de l’école lassallienne dans le lieu dit des cloitres de la cathédrale, où ce furent les enfants de la rue de ce temps qui firent leur entrée dans cette école improvisée qui n’en était encore qu’à ses origines et se développa par la suite en divers lieux de la ville avant de s’établir dans le quartier actuel des Arènes.

Jean-Baptiste De La Salle est novateur dans l’instruction.
Ses intuitions sont durement contestées de la part des ecclésiastiques, et entre 1691 et 1712 firent l’objet de calomnies obscènes de la part de ses propres frères..
Rien ne l’arrête, les menaces, les brimades, les humiliations, l’intérêt de l’enfance prime sur tout autre intérêt.
Enfants sans instruction, corvéables et à la merci de la société régnante, la scolarisation de l’enfance était totalement étrangère au mode de penser et de vie de la noblesse, et pour le cas aussi de l’église qui réservait ses conduites morales et spirituelles à ses propres sujets.

L’histoire racontée de l’implantation des Frères des Ecoles Chrétiennes à Bayonne est de ce point de vue instructive, car de Saint Esprit, puis vers le Grand Bayonne, traversant le pont dit de Saint Esprit, le monde n'est plus le même, le changement de lieux, d’implantation de l’école s’inscrivait dans le déroulé de l’histoire de la ville et de sa population qui au fil du temps devint réceptive au travail réalisé par “les maitres de l’institution” au bénéfice des plus simples, d'enfants livrés à eux mêmes !

Si aujourd’hui à trois siècles du déroulé historique de cette congrégation on la compte en 77 pays du monde, les écoles lassaliennes appelées aussi écoles françaises, un million de jeunes sur les cinq continents partagent les intuitions et la pédagogie de cet homme, pionnier de cette vocation d’enseignant pour toutes les populations du moment.

Le secret de cette vocation se retrouve dans ses propos : “Si nous sommes obligés de croire et de savoir les principaux mystères de notre religion, nous devons par conséquent faire de temps en temps, et souvent des actes de foi sur ces divins mystères.
Il y a même quelques occasions particulières dans lesquelles on ne peut pas s’en dispenser, ce sont principalement celles-ci : quand on commence à avoir l’usage de la raison, quand on reçoit quelque sacrement et à l’article de la mort, il est aussi à propos d’en faire lorsqu’on est tenté contre la foi.
Il n’est pas nécessaire que ces actes de foi soient prononcés de bouche, à moins que nous voulions nous en servir pour rendre un témoignage public de notre foi.
Il suffit que le coeur les formule et les conçoive, parce que c’est à Dieu que nous les adressons et que c’est du coeur que nous lui parlons“.

Le coeur ayant sans doute ses raisons que la raison ne connaît pas encore, Jean-Baptiste de La Salle poursuivit sa vocation singulière au-delà de bien des raisons évoquées pour l'en dissuader ou le compromettre dans ses projets !

2 – Instruction et éducation en France

Dès la Révolution française 1789, on évoquait déjà le rôle de l’Etat pour l’enseignement de la jeunesse. Le temps de l’Empire créa l’Université Impériale le 10 mai 1806, organisée par Décret du 17 mars 1808.
Il s’agissait de fonder une sorte de Corporation avec le Grand Maitre de l’Université à sa tête, un Conseil formé de maîtres d’où la première mention de ce temps d’un “corps enseignant”.

La Restauration voulut démanteler ce système jugé trop indépendant et du trône et de l’autel. On proposa la Commission de l’Instruction Publique en 1815 sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur.
On décida de cette transformation  du Conseil royal de l’Instruction Publique de peu de temps, puisqu’en 1820 on rétablissait le pouvoir du Grand Maitre dès 1822.

Le premier titulaire de cette mission fut Mgr Freyssinous , ministre des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique devenu un ministère à part entière en 1822. Aujourd’hui anachronique sans doute mais à l’image de la France et du déroulé de son histoire passée !
En 1828 l’instruction publique devient désormais un ministère dont les titres des titulaires sont conservés jusqu’en 1850 par “courtoisie régalienne “ à leur égard, sous l’autorité du Grand Maître de l’Université.
L’administration des cultes y sera attachée, s’ajoutera celui des Beaux Arts à l’Instruction publique.

Le changement interviendra en 1932 en adjoignant l’instruction publique à celui de l’éducation nationale.
Anatole de Monzie en porta le premier le titre après 1920.
Le régime de Vichy redessina le rapport de l’instruction et celui de l’éducation, mais dès 1941 on restaura le titre de l’éducation nationale.

Ce sera le président Giscard d’Estaing qui retira le qualificatif “nationale” au Ministère de l’Education qui prévalait dans l’intitulé officiel de ce ministère ! Secrétariats d’Etat s’y ajoutant, le ministère avait sa propre signature et sa reconnaissance institutionnelle dans l’Etat français.

Jeunesse et Sports un temps attaché à l’Education prit sa propre autonomie, mais le débat demeurait toujours entre l’instruction et l’éducation  dans un monde moderne ouvert aux influences extérieures de l’école, du numérique, des réseaux sociaux, des médias aux effets directs sur la jeunesse.

Un sujet passionnant et contraignant à moulte raisons pour ce métier à nul autre pareil !

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