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Nos disparus
In Mémoriam : cinq ans sans le Cardinal Etchegaray...
In Mémoriam : cinq ans sans le Cardinal Etchegaray...

| Alexandre de La Cerda 1177 mots

In Mémoriam : cinq ans sans le Cardinal Etchegaray...

Il y a exactement cinq ans, le 4 septembre 2019, disparaissait le cardinal Etchegaray.
Il fut pour moi un modèle d'attachement à sa terre natale, au Pays Basque, que j'ai suivi depuis mes premières publications journalistiques et historiques dans ma jeunesse.

N’avait-il pas admis, au cours de ses innombrables missions à travers le monde, « emporter collée à la semelle un peu de cette terre natale où se reconnaissent quelques grains basques » ? C’était lors de sa réponse au Grand Chancelier de l’Ordre de la Légion d’Honneur qui lui attribuait sa haute distinction...
Son appartenance active à sa communauté d’origine, le cardinal la considérait comme « un relais nécessaire à l’authenticité de notre aspiration à la communauté européenne et universelle ».
Et, à la suite du cardinal Etchegaray dans sa préface à la réédition en 1981 des « Paroisses du Pays Basque pendant la période révolutionnaire » de l’Abbé Haristoy, j’ai toujours considéré que ces quelques grains d’histoire basque contribueraient à nous « rendre contemporains de notre passé, témoins voire solidaires d’événements et de personnes qui avaient forgé l’âme basque ». 
Engageant les lecteurs « à suivre le même itinéraire – celui des contrebandiers de la foi au risque de leur vie et des habitants des villages labourdins déportés et internés par milliers », le cardinal ezpeletar formulait en conclusion le souhait que « de jeunes chercheurs viennent poursuivre et approfondir l’œuvre d’un curé obstiné qui avait le privilège d’écrire à une époque où les traditions orales et les souvenirs locaux commençaient à peine à s’estomper.
Maintenant, il nous faut plus de courage mais autant de ferveur. La Révolution a marqué chez nous un tournant, davantage encore une cassure dans notre histoire basque. Je suis bien convaincu qu’une meilleure connaissance de cette période dramatique nous aidera, peut-être, à mieux comprendre nos racines humaines et spirituelles ».
C’est le chemin que j’ai suivi personnellement, en particulier en publiant, parmi mes différents ouvrages, celui que j’ai consacré à « La déportation des Basques sous la Terreur » (réédité récemment chez Cairn).

Roger Etchegaray était né le 25 septembre 1922 à Espelette où il est revenu, pendant des années, passer le mois d’août avant de retrouver son appartement à Rome. Car, son village natal d’Espelette lui avait toujours tenu à cœur, avant qu'il ne jouisse, en compagnie de sa chère sœur (dont le décès l'avait beaucoup affecté), du calme - mérité – d’une maison de repos à Cambo où lui avaient rendu visite le Cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat du Vatican, et l’évêque de Bayonne, Mgr Aillet.

Je me souviens que quatre ans avant son décès, beaucoup d’Ezpeletar avaient profité, comme à l’accoutumée, du traditionnel séjour estival du cardinal Etchegaray dans sa maison « Choko maitea » pour lui rendre visite ou le voir présider le Forum annuel à l’église Saint-Etienne d’Espelette et le retrouver lors du pot convivial qui a suivi au restaurant d’Euskadi, chez ses amis Darraïdou.

Aussi, lorsque j’avais échangé quelques mots avec lui, la veille, au téléphone, c’est en priorité à ses compatriotes ezpeletar et basques qu’il avait voulu adresser ses saluts les plus chaleureux à travers ma chronique dans la presse locale : « Izarra kopetan, selon la formule paternelle, au nom de cette étoile d’espérance qui a guidé les Mages, qui indiquait le chemin, en signe de fraternité et d’amitié » (sa sœur Maïté m’avait indiqué que leur père Jean-Baptiste les embrassait, enfants, chaque soir sur le front en utilisant cette image de l’étoile, izarra, en guise de baiser).

Malgré son emploi du temps très chargé, le cardinal m’avait reçu, avec Anne, il y a une douzaine d'années, dans son appartement de l’édifice San Callisto, cette enclave de l’Etat du Vatican sur les hauteurs du populaire quartier du Trastevere parcouru de petites ruelles bruyantes et encore peuplées, paraît-il, de « vrais » Romains… Depuis la galerie couverte qui borde l’étage, la vue est magnifique sur la colline du Vatican couronnée de la coupole de Saint-Pierre conçue par Michel-Ange.

Dès l’entrée, une chistera et un makila évoquaient le pays natal du maître des lieux.

Grande silhouette et visage aux yeux bleus qu’éclairait à l’occasion un large sourire juvénile, dans son costume « clergyman » noir, à peine courbée par le poids des ans et son col du fémur brisé l’année précédente au cours d’une « bousculade » à Saint-Pierre, je me souviens de son accueil : « je passe mon temps à recevoir, des religieux, de simples fidèles, également des chefs de gouvernement. Depuis que j’ai été appelé au Vatican par Jean-Paul II, j’ai beaucoup bourlingué et des hommes d’Etat de passage à Rome viennent me voir, mais ça peut être une femme de ménage, et j’apprends toujours beaucoup »

Une photo avec Fidel Castro rappelait que Roger Etchegaray avait préparé les voyages des papes à Cuba : « J’ai passé des soirées, jusqu’à deux heures du matin, avec Castro. C’est un être complexe, il a été baptisé et n’a jamais expulsé le nonce (ambassadeur du Saint-Siège, ndlr.), dans le fond il est croyant, mais il vieillit mal et sa visite au Vatican fut son chant du cygne »
Premier évêque catholique entré dans la Chine de Mao il y a trente ans, « tous les pays m’intéressent, mais la Russie où je suis allé plus de vingt fois reste mon centre d’intérêt ».

Ami très proche du patriarche de Russie qu’il avait, en tant que responsable de la Conférence épiscopale d’Europe, rencontré dès 1969 à l’Escurial près de Madrid, le cardinal Etchegaray avait représenté le pape Benoît XVI aux obsèques d’Alexis II, puis au sacre de son successeur Cyrille qu’il connaissait également très bien. 
Il avait même reçu chez lui, à Espelette, le père Alexandre Siniakov, alors responsable des relations publiques et œcuméniques de l'église orthodoxe russe en France qui avait assisté à l’ordination de Mgr Aillet. Dans sa pourpre cardinalice dont la tonalité s’apparentait à l’éclat vif des solanacées de son village natal, coiffé d’une mitre arborant sur ses deux rubans arrière le lauburu (croix) basque, le cardinal s’était alors enthousiasmé à propos du nouvel évêque de Bayonne : « C’est un évêque qui est vraiment pasteur. J’ai senti, dès son premier contact, qu’il a conquis les cœurs, le peuple de mon diocèse. Le diocèse est entre de bonnes mains ».

Son Pays Basque natal ? « Jusqu’à 80 ans, mes tours du monde ne me laissaient que huit jours par an à Espelette… Je suis toujours allé dans les pays pauvres : quand on a une vie pour les autres, on ne calcule pas » ! Et de réaffirmer « qu’il était urgent de travailler à donner aux populations l’espoir qu’ici aussi on peut vivre sans s’exiler ».

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Les conférenciers autour du Cardinal Etchegaray ©
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Les conférenciers et quelques amis réunis il y a six ans à l’issue du colloque de Cambo autour du cardinal Etchegaray : 
de gauche à droite, l’abbé François-Xavier Esponde (organisateur), les conférenciers : Dominique Quinio, Jean Claude Petit (derrière Mgr Molères), l’organiste Raphaël Tambyeff (devant l'abbé Joachin Jauregui, curé de Cambo), Florence Delay de l’Académie française, ainsi qu'Alexandre de La Cerda de l'Académie des Jeux Floraux.

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L'hommage au Cardinal Etchegaray, cathédrale de Bayonne, 2020 ©
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