"Bernard Pivot, le roi Lire n'est plus. La littérature a perdu son pivot". J'ai repris ce titre chez mon collègue et ami Félix Dufour et sur le JDD...
Comment ne pas se rappeler cet extraordinaire entretien de Bernard Pivot avec Alexandre Soljenitsyne sur le plateau de l'émission "Bouillon de culture" sur la deuxième chaîne Antenne 2 le 17 septembre 1993 ? (notre photo de couverture) Et sa visite à Biriatou en novembre 2011, lors d'une réunion en mémoire de l'écrivain Jorge Semprun ; mon collègue "le piéton" du quotidien "Sud Ouest" se souvient que Pivot "s’était extasié devant la beauté du petit village basque, qu’il découvrait :
« J’en parlerai un jour dans l’une de mes émissions », avait-il lancé. Son entourage l’en avait dissuadé, pour conserver intact le charme de ces lieux"...
Le poète Daniel Ancelet, résident biarrot, l'avait connu :
"J'apprends avec chagrin la disparition de Bernard Pivot, l'ami des livres.
J'ai eu le privilège de le rencontrer une dizaine de fois, ayant réussi à me faire inviter parmi le public restreint admis dans ses émissions de télévision.
Elevé dans le même lycée Ampère de Lyon, qui avait vu passer Lamartine et Baudelaire, je lui avais montré un tableau d'honneur qui m'avait été remis alors que j'étais un jeune gone qui ne faisait que des gognandises.
Il m'appelait le "poète érudit" car entre autres, je lui avais dégoté une strophe de Raoul Ponchon qui célébrait le "bouillon de culture", le même Ponchon qui, comme lui, avait été élu à l'académie Goncourt sans avoir publié un ouvrage notable.
Après ses émissions, nous étions conviés à boire un verre avec les auteurs présents, et c'est ainsi que j'ai pu parler poésie avec Jean-Claude Trichet, gouverneur de la banque de France, François Bayrou, alors ministre de l'Education nationale, Catherine Deneuve, Amélie Nothomb, Jean Tardieu, Jacques Roubaud.et quelques autres.
Il passait parmi nous en murmurant "bienvenue" avec un grand sourire chaleureux.
Je me souviens qu'il avait un vieux cartable couturé et fatigué, gonflé comme une besace et dont aucun de nos enfants gâtés n'aurait voulu.
Il aimait les mots, qui le lui rendaient bien, et la dernière fois que je l'ai vu, avec son assistante Anne-Marie Bourgnon, au Centre national des Lettres où il remettait la bourse Goncourt de la poésie à Jean Pirotte, nous avons échangé sur les mots "avenant" et "grimaud" qu'il affectionnait particulièrement.
J'ai une lettre de lui, à en tête de "Bernard Pivot, de l'académie Goncourt e de la cave coopérative de Quincié en Beaujolais"... mais il faudrait que je la retrouve !
Mon plus beau souvenir, c'est lorsque devant mes yeux émerveillés, il avait rappelé à Jean d' Ormesson que ce dernier l'avait viré du Figaro et, qu'avec son indemnité de licenciement, il avait fait creuser une piscine dans sa propriété du Beaujolais avec apposition d'une plaque : "piscine Jean d'Ormesson".
Sera-t-elle assez grande pour contenir nos larmes? J'en doute !
Daniel Ancelet
