Les mélomanes biarrots et bordelais gardent encore à l’esprit les remarquables manifestations musicales menées de main de maître par Micheline Banzet-Lawton, hélas disparue à la fin de la semaine dernière à l’âge de 97 ans.
« Apporter du bonheur et le plaisir de la découverte à l’auditoire des Fêtes Musicales ! », tel était l’objectif de cette manifestation biarrote dont Didier Borotra lui avait confié les rênes dès 1990.
Micheline Banzet-Lawton avait su auréoler de sérieux la manifestation musicale biarrote, en débattant des programmes et des cachets sans se laisser circonvenir, même par les plus grandes célébrités, ni sous-estimer la valeur des jeunes artistes invités, gagnant ainsi la confiance des uns et des autres... Et lorsque son infatigable directrice artistique en faisait le bilan, elle soulignait combien le festival musical avait familiarisé le public avec des chefs-d’œuvre du XXème siècle, tels « Alexandre Newsky » de Prokofiev, « Les Noces » de Stravinsky, des compositions de Bartok ou la transcription de « Carmen » par Rodion Schedrin.
C’était même l’un des attraits de cette manifestation, dans un climat général où « la programmation des grands media n’était pas très formatrice en matière de musique classique », regrettait-elle (hélas, encore moins aujourd’hui, ndlr.). Sans jamais se départir de cette étincelle amusée dans le regard, reflet d'un temps heureux où, partageant avec sa sœur aînée la même passion de la musique, elles quittaient toutes deux subrepticement leur lit d'enfant sage pour écouter, derrière la porte, les disques 78 tours de Rachmaninov passés par leurs parents. Ou encore, lorsque leur chirurgien de père recevait des musiciens qu’il avait soignés et qui, en guise de remerciements, offraient un concert : « on nous couchait, ma sœur et moi, après la première partie, mais nous redescendions pour écouter la suite derrière la porte ».
Et je me souviens que Micheline Banzet-Lawton était d’autant plus heureuse de participer pendant des années à une expérience de sensibilisation du jeune public de l’enseignement primaire. N’avait-elle pas ainsi, à l’occasion de la venue des chanteurs du théâtre Mariinsky, initié à la connaissance du chant russe quelques 130 enfants de l’école des Thermes Salins ? « Moi-même, j’ai des petits-enfants auxquels j’essaie de faire connaître la musique et, à l’occasion des concerts, lorsque je vois les petits mélomanes se précipiter vers moi pour me dire bonjour ou m’embrasser, je suis pleinement comblée » ! J’avais d’ailleurs eu l’occasion de donner plusieurs fois des conférences sur sa demande, dont une dans des conditions assez « risquées » au point de vue horaire, peu de temps avant le départ de mon avion que je réussis toutefois à attraper grâce à la « diligence » des collaboratrices de Biarritz culture qui m’accompagnèrent prestement à l’aéroport !
Une violoniste virtuose
N’avait-elle pas commencé dès l’âge de cinq ans l’apprentissage du violon, couronné par un premier prix à seize ans et assorti de ceux d’harmonie, de contrepoint et de fugue ? Et Micheline Banzet perfectionnera l’analyse avec Olivier Messiaen, la composition avec Darius Milhaud – « c’est lui qui m’a le plus appris », reconnaît-elle – pour devenir soliste de la Société des concerts du Conservatoire sous la direction de Charles Munch.
Elle se souvenait encore d’avoir conduit toute sa famille jusqu’à Arcachon pendant la débâcle de 1940.
Mariée très jeune avec Hubert Cruse, Micheline Banzet était restée veuve avec trois enfants à l’âge de 27 ans : « J’ai abandonné le violon pour trouver un travail à la radio. Il fallait gagner sa vie »… Avant de se remarier avec Hugues Lawton, de la famille des négociants bordelais.
Cofondatrice avec Marius Constant de la chaîne France-Musique, elle produira plus de 1.200 émissions avec Maria Callas, Karajan, Rubinstein… En parfaite harmonie des goûts, des couleurs et des sons, cette Franc-Comtoise que son alliance avec une grande dynastie bordelaise avait fixé dans le Sud-Ouest mena d’une même baguette décidée le célèbre « Mai de Bordeaux » et la populaire série télévisée de « La Cuisine des Mousquetaires » sur France 3. Alexis Weissenberg et Pierre Amoyal lui demandèrent également de participer à la création de l’Académie de Musique de Lausanne, une activité dont elle ne s’est jamais départie pour y voir « l’opportunité de nombreuses et intéressantes rencontres… »
Je me souviens entre autres de la médaille de chevalier des Arts et Lettres que le directeur de l’Opéra de Bordeaux, Thierry Fouquet, lui avait remise, une distinction amplement méritée par cette « amatxi mélomane et gourmet » qui n’avait jamais cessé de prodiguer urbi et orbi son goût et sa passion des belles musiques. R. I. P.