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Histoire
In Memoriam : le père Junes Cazenave Harigile
In Memoriam : le père Junes Cazenave Harigile
© Institut culturel basque

| Jean-Louis Davant 909 mots

In Memoriam : le père Junes Cazenave Harigile

Junes Cazenave Harigile vient de s’éteindre à 94 ans. Originaire de Sainte-Engrâce / Santa Grazi en Soule, né d’un père béarnais garde-forestier et d’une mère souletine, il parlait les deux langues et s’était passionné pour l’étude du souletin.

A dix ans, il rejoint le collège tenu par les Pères de la Congrégation du Sacré Cœur de Bétharram fondée par Michel Garicoits pour y faire ses études et choisir d’y devenir prêtre.

Il sera ordonné prêtre à Bethléem où les pères de Bétharram dirigèrent un établissement scolaire jusqu’en 1948, l’année de la proclamation du nouvel Etat d’Israël. A partir de cette année et jusqu’en 1981, le père Junes Cazenave Harigile reprit son enseignement à Bétharram, puis à Limoges et à Saint-Palais où il dirigea le collège Etchecopar de la Congrégation de Bétharram dont l’ancien bâtiment datant de l’époque du Père Auguste Etchecopar  avait été reconstruit au même endroit.

Nous y fûmes l’élève d’un professeur atypique, curieux de tout, aimant conter aux enfants les mythes et les légendes qui essaimaient dans le pays. Ses récits nous subjuguaient car, si peu habituels, ils racontaient des histoires que nous aimions entendre, rares, exquises et documentées.

Le père directeur travaillait la langue souletine et basque pour ses publications futures, ses pastorales atteignant la vingtaine au terme de sa vie, sa grammaire souletine, et l’histoire de la province de ses origines pyrénéennes.

Un esprit délicieux, entreprenant qu’il entretint par la suite comme curé de Larrau puis d’Alçay pendant 27 ans.

Il revint à Saint-Palais en 2010 pour rejoindre la communauté de quelques Pères Bétharramites retirés comme lui, mais toujours au service de l’Amikuze / Pays de Mixe, en Basse-Navarre.

De son père garde-forestier, il apprit la culture des plantes et la pratique des soins de la peau, fabriquant des pommades pour soigner les angines et le zona. Il était le guérisseur patenté de gens qui venaient à lui pour soulager leurs affections. Et c'est au Père Cazenave Harigile que Laurent de Coral fit appel il y a quelques années pour organiser ses plantations et expositions des "plantes qui guérissent" au château d'Urtubie à Urrugne. 

Junes Cazenave fut un adepte du yoga toute sa vie. Il aimait déstresser les plus anxieux en leur apprenant les rudiments de la décontraction physique.

L’homme merveilleusement plaisant, radieux, chantant et joyeux. On ne saurait oublier ses livrets d’enseignement de l’étude de la langue basque pour débutants qui ravirent les « néo-basques » de plus en plus nombreux en quête de méthodes d’étude de l’euskara en ses multiples expressions.

L’Académie de la langue basque Euskaltzaindia en fit un membre de droit, un des derniers prêtres à figurer dans le panel des élus de l’institution parmi d’autres souletins de même origine.

Junes Cazenave s’en est allé parmi les siens à Bétharram où ses obsèques ont été célébrées mercredi dernier.

Nous n’oublierons pas la richesse imaginative qu’il déployait pour raconter la vie des gens du pays dans la veine des contes et légendes qu’il affectionnait comme la transmission orale et littéraire des autochtones depuis les temps les plus anciens !

François-Xavier Esponde

Agur Aita Junes

Bref hommage rendu par l’académicien d’Euskaltzaindia Jean-Louis Davant au Père Casenave à la fin de la messe d'obsèques mercredi 26 septembre après-midi.

Le Père Junes Casenave Harigile n'est pas en exil ici, en terre de Béarn, au pays natal de son père, à la limite de la Bigorre, car il sait que nous tous et toutes, Basques, Béarnais et autres Gascons, nous sommes de la même origine, descendants des anciens Aquitains ou Vascons, différenciés linguistiquement sur le tard par une latinisation plus ou moins poussée suivant les lieux, plus intense ici à l'est que là-bas vers l'ouest. Père Junes, vous reposez donc en paix chez vous.

Au nom de nos amis basques ici présents et plus nombreux ailleurs, j'ai l'honneur de vous dire un grand merci pour tout ce que vous avez fait en faveur de la langue, de la culture, de l'histoire vivante des Basques. Notamment vous avez donné ses lettres de noblesse à notre théâtre basque de Soule par vos dix pastorales de haut niveau dont l'une, celle de 1994, célébrait votre saint fondateur des Pères de Bétharram, Michel Garicoitz, en son village natal de Saint Just-Ibarre en Basse-Navarre. Désormais vous êtes en sa compagnie sur la montagne éternelle.

Au revoir, Junes ! Mais je ne peux prendre congé de vous sans vous adresser quelques mots dans notre langue maternelle :

Aita Junes, zure boz handia isildu zaigu Zuberoan eta Euskal Herri guzian. Segurki, ez zinen oihu egile bortiz haietarik, ele apala zenuen, baina zure hitzak indar bazuen, argi eta klar baitzen, Ahüñe gainetik Urdatx / Santa Grazira jaisten den aire kristala bezain sotila eta espirituz betea. Haatik zure oroitzapena hor dugu, etsenplu ona ere bai, utzi dizkiguzun obra guziekin, irakaspenekin gainera, bereziki zure trajerien arartez. Pastoralari eman diozu merezi zuen goratasuna, eta bide horretarik

aitzina joaitera lehiatu behar dugu, nahiz ez den errex izanen.

Euskaltzaindiak ere agurtzen zaitu. gogoan hartuz idazle oparoa izatearekin batera, ohorezko euskaltzaina zinela, ohorezkoa soilik erran badaiteke, osoko tokirik hutsik gertatzen ez zelako Zuberoako aulki bakarrean, eta hori enegatik, horrela erraten ahal bada, gazterik aulki horretan jarria baininduten, zu ez zinelarik oraindik ezagutua, Santa Grazi trajeriaren aitzinetik gertatua baitzen. Gaur Bilbotik etorri beharra genuen Andres Urrutia euskaltzainburua, haatik oztopo bat eduki du, eta Bizkaitik agurra luzatzen dizu.

Beraz, eskerrak zuri, Junes, eta ikus arte, betiereko bortu goran : bortuaz beste paradisurik ezin dut asmatu, bereziki euskaldun batentzat. Agur jaunak eta andereak, agur t'erdi !

Jean-Louis Davant

 

 

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