Frédéric Mitterrand, neveu de l'ancien Chef d'Etat, s'est éteint jeudi à l'âge de 76 ans, des suites d'un cancer.
En mars 2012, j'avais eu le plaisir de le rencontrer à Saint-Palais, entre Bayonne et Pau où il effectuait une visite officielle en tant que ministre de la Culture.
A cette occasion, il m'avait confié avoir acquis plusieurs de mes biographies (je crois me souvenir qu'il s'agissait de "La Tournée des Grands-ducs" et de "Nathalie de Serbie, la reine errante") qu'il transmettait également à sa mère, passionnée d'histoire.
Et je me souviens des remarquables épisodes de sa série documentaire « Les Aigles foudroyés » qu'il avait réalisée en 1997 pour la chaîne "France 2" et consacrée aux dynasties européennes (Romanov, Hohenzollern et Habsbourg) avant et pendant la Première Guerre mondiale. N'avait-il pas déclaré quelques années auparavant : « La monarchie, c'est une idée de famille, l'idée de quelque chose qui ne finit pas »...
Précisément, ce sera l'ancienne impératrice d'Iran Farah Diba (membre à titre étranger) qui remettra son épée à Frédéric Mitterranden tenue d'académicienne des Beaux-Arts, dont elle est un ) depuis 1974 avait remis à l'ancien ministre de la Culture.
Or, déjà en 2009, Frédéric Mitterrand m'avait fait visiter à Rome ses appartements à la Villa Médicis au cours d'un congrès des consuls d'Europe dont j'étais alors vice-président...
Frédéric Mitterrand de Bayonne à Saint-Palais, de ville rêvée en jardin franciscain
Il semble que Frédéric Mitterrand ait souvent mis à profit les fins de semaine pour effectuer des visites des sites culturels de France… Et de Navarre ! Il les avait multiplié avant les échéances électorales, comme pour s’assurer du caractère pérenne des nombreux chantiers enclenchés pendant sa présence au ministère de la rue de Valois. Entre l’inauguration à Tarbes du musée des Hussards, accompagnée de la basilique de Lourdes, en début de mois, et la réfection du beau théâtre de Pézenas avec à la clef le cinquantenaire de Jean Vilar à Sète, il y eut place pour un samedi entièrement consacré à Bayonne et à la Navarre des Albret, de Saint-Palais à Pau en passant par Navarrenx. Pénétré de la vitalité du tissu culturel régional et de l'engagement de ses acteurs, le ministre de de la Culture l’avait affirmé maintes fois, et répété à Bayonne, « en ces temps d'incertitudes, la culture est un outil de développement économique et d'attractivité qui aide à construire le vivre ensemble ».
C’est donc avec un plaisir – presque gourmand – qui tranchait avec l’habituelle distance due à ses fonctions que Frédéric Mitterrand avait d’abord parcouru le chantier du Musée Bonnat et admiré quelques chefs-d’œuvre ainsi que le récolement que lui avait présenté la conservatrice Sophie Harent, soulignant « la qualité des œuvres, en particulier le cabinet des dessins, la baigneuse d’Ingres ou le portrait du Duc d’Osuna par Goya, et celle du travail effectué à l'époque ».
Une visite qui l’avait encore « plus motivé de soutenir l’action de la ville de Bayonne auprès de Bercy (le ministère des Finances, ndlr) afin que la dation qui permettrait l’extension du musée puisse se faire dans les meilleures conditions ».
Non sans manifester un regret : le manque de temps pour visiter le Musée Basque dont il avait entendu beaucoup d’éloges de la part de Catherine Tasca qui l’avait son précédé au ministère.
Venu à Bayonne pour signer la convention d’art et d’histoire, Frédéric Mitterrand félicita encore la municipalité du Dr Grenet « d’avoir su préserver les visages multiples du riche patrimoine de la ville en fédérant les énergies afin d’en faire un atout culturel, social, économique et historique ». Il avait également relevé les mérites de Dominique Burucoa, alors directeur de la Scène nationale Bayonne - Sud Aquitain à laquelle l'État avait attribué une importante subvention. Devant les micros des radios et télés locales, Frédéric Mitterrand réaffirma que « les langues régionales appartenaient aux langues de France et devaient être protégées » (à propos de quelques difficultés éprouvées par des sites d’information sur Internet en basque et en gascon).
Avant de continuer son périple en terre basque, le ministre avait pu embrasser d’un coup d’œil la cathédrale de Bayonne au pied de laquelle devait alors s’établir un Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine et la perspective de quelques découvertes complémentaires de ses trésors.
Regrettant sa méconnaissance de Bayonne – « une ville rêvée » - malgré plusieurs séjours au Pays Basque durant son enfance (il avait cité un texte de Victor Hugo en préambule à son discours) Frédéric Mitterrand prenait le chemin de Saint-Palais, accompagné du Préfet, du Sous-Préfet et du nouveau directeur régional des Affaires Culturelles en Aquitaine, Jean-Paul Godderidge, heureux de découvrir la région.
Chez les anciens rois de Navarre
Dans l’ancienne capitale des Etats de Navarre sous les Albret, l’atmosphère revêtit une atmosphère d’authentique et chaleureuse intimité, à l’image de l’ancien couvent des franciscains appelé à devenir un centre culturel sur les chemins de Saint-Jacques.
Accueilli par Michèle Alliot-Marie – à l’origine de cette escapade bas-navarraise -, le maire, Jean-Jacques Loustaudaudine, le député Jean Lassalle, le conseiller général, Barthélémy Aguerre et le président de la Communauté de communes d’Amikuze, Eric Narbaitz-Jauréguy, le ministre de la culture avait beaucoup apprécié le jardin du cloître promis à un audacieux plan de remodelage sous les auspices d’un architecte paysagiste reconnu.
Avec beaucoup d’humour, il a promis l’aide de l’Etat avant de se voir offrir un makila fabriqué par Pierre Harispuru d’Ibarolle.
Chez Gaston Febus
Et Frédéric Mitterrand, grand amateur de « puros », avait encore pu marquer une étape à la Maison du Cigare de Navarrenx où s'était installée une fabrique de cigares, rare en Europe, avant d’arriver au château de Pau où il inaugura l'exposition « Gaston Fébus, Prince Soleil, armas, amors e cassa (armes, amours et chasse). On y découvre un riche ensemble de manuscrits, objets d'art, sculptures, tissus et documents d'archives qui reflètent la magnificence et le raffinement de cette cour princière de réputation européenne.
Pendant ces diverses visites basco-béarnaises, Frédéric Mitterrand n’a jamais manqué d’apprécier ce territoire, la beauté de ses paysages et la richesse de son patrimoine bâti, dans un esprit de rééquilibrage entre Paris et les régions, en particulier grâce au « plan Musées » en régions lancé en 2010.
Et, partout, il s’est promis de revenir afin de voir les chantiers culturels achevés. « Mais, je ne sais pas à quel titre je serai là », précisera-t-il avec philosophie…