Jesus Guridi Bidaola est né le 26 septembre 1886 à Vitoria/Gasteiz dans une famille de musiciens. Sa mère est violoniste, son père pianiste et ses grands-parents et arrières grands-parents étaient également musiciens. Toute sa famille tient à lui inculquer une solide éducation musicale dès son plus jeune âge.
Il apprend le piano, le violon mais aussi l'harmonie très tôt, et dès l'âge de onze ans le jeune Guridi commence à composer ses premières pièces. Très doué, il donne à seize ans un concert important en tant que pianiste à la Société Philharmonique de Bilbao.
C'est à cet âge qu'il commence l'apprentissage de l'orgue.
Deux ans plus tard, il se rend à Paris pour poursuivre ses études à la Schola Cantorum où il sera l'élève de Vincent d'Indy. C 'est dans la capitale française qu'il rencontre pour la première fois José Maria Usandizaga qui n'a que six mois de moins que lui et qui deviendra comme Guridi un des compositeurs centraux du Pays Basque bien qu'il soit décédé à 28 ans.
Après avoir également étudié à Bruxelles et Cologne, Guridi revient au Pays Basque pour devenir organiste de la Basilica del Señor Santiago de Bilbao et dirige également la Sociedad Coral de la ville.
Norberto Almandoz Mendizabal, grand organiste espagnol et critique musical de la génération de Guridi reconnaissait le talent pur d'improvisateur de Guridi ; Il écrit : « Guridi fut l'un des plus grand maître de la musique religieuse et un organiste vraiment fabuleux. J'aimais entendre ses improvisations ; ses œuvres créées au détour d 'une phrase quelconque auraient mérité une place parmi des compositions durables. Elles ne semblaient pas être que d 'éphémères échantillons d'improvisations ».
C'est à cette période que Guridi compose pour orgue et pour la voix des œuvres dans lesquelles l'âme basque est omniprésente. Notons sa Fantaisie pour grand orgue, œuvre magistrale de vingt minutes composées en 1909 avec laquelle il remporte la médaille de l'exposition régionale de Valence. II compose également le Triptyque du bon pasteur et les 9 Variations sur la chanson populaire basque Itxasoa laiño dago ( Il y a du brouillard sur la mer) qui seront très souvent jouées en concert.
Il se montre aussi fin mélodiste écrivant de magnifiques pages pour la voix. Notons les chansons castillanes et de nombreux chants populaires basques.
Guridi compose aussi pour orchestre : un poème symphonique Don Quichotte, les pièces Légende basque et Dans un bateau phénicien, ainsi qu'une symphonie dite Pyrénéenne.
Notons surtout ses Dix mélodies basques qui représentent une composition capitale de son œuvre et l'une de ses partitions favorites dont voici le titre des pièces : Narrativa, Amorosa, Religiosa, Epitalamica, De ronda, Amorosa, De ronda, Danza, Eligiaca et Festiva.
Je vous propose d'écouter la dernière des 10 pièces, Festiva :
https://www.youtube.com/watch?v=Ltj0HscQ3SM
C'est également en 1909, qu'il compose sa première grande œuvre lyrique et scénique, une pièce d'opéra intitulée Mirentxu sur un livret de Echave y Nazabal et Arozamena, qui sera créée un an plus tard. Guridi y fait preuve d'une grande technique alliant à la fois une sorte de simplicité et de variété musicales ainsi que d'un réel sens de la théâtralité. Il s 'agit d'une sorte de grand poème lyrique et pastoral dont l'action se déroule en Guipuzcoa.
Dix ans plus tard, il compose Amaya basé sur une légende navarraise du sanctuaire de San Miguel.
Mais c'est avec l'opéra El Caserio (La ferme) située dans un village fictif basque et créé le 11 novembre 1926 au Théâtre de la Zarzuela de Madrid que Guridi entre dans la cour des grands compositeurs espagnols et des compositeurs basques incontournables.
El Caserio est une zarzuela sur un livret de Guillermo Fernandez Shaw et Federico Romero qui respire le Pays Basque et ses saveurs. L'œuvre vise ici à faire des particularismes locaux (les coutumes, le folklore, les valeurs traditionnelles basques) un grand spectacle.
Sur le plan stylistique, on pourrait dire que El Caserio s'inspire davantage de Dvorak que des années vingt influencées par le Jazz.
Etant donné que le Guridi basque a été aussi sûrement inspiré que son précurseur tchèque par un dévouement passionné à son pays, cela n'est guère surprenant.
Pourtant, malgré tout son conservatisme, El Caserio est une expression remarquable de l'esprit et du mode de vie basques. Le succès de l'œuvre fut de suite au rendez-vous et l'œuvre fut extrêmement appréciée tant par le public que par les critiques.
Joaquin Turina écrira : « Guridi sait chanter l'âme de sa patrie sans avoir recours aux foxtrots et aux charlestons. Au lieu de cela, nous avons des danses basques indigènes comme le zortico ou l'espata dantza ».
El Caserio est à l'époque considéré comme un grand chef d'œuvre signé par un compositeur totalement habité par la passion de ses racines basques.
Ecoutons l'ouverture (dit ici Prélude) d'El Caserio composée de trois danses particulièrement entraînantes, que j'aurai d 'ailleurs le plaisir de diriger lors du prochain concert de l'Ensemble Orchestral de Biarritz à la Gare du midi de Biarritz dès que possible.
https://www.youtube.com/watch?v=O_OyvJw6pag
Après cela, Guridi composera de nombreux opéras et deviendra un maître en la matière en signant Meiga (livret des mêmes auteurs), La Cautiva créée en 1931, Mandolinata en 1934, Mari-Eli petite opérette basque (texte de E. Carlos et Arniches Garay) en 1936, ou encore La Bengela, Penamariana, Acuarelas Vascas.
En 1922, Guridi devient professeur d'orgue et d 'harmonie à l'institut de musique de Biscaye, puis professeur au Conservatoire Royal de Madrid avant d'en devenir le directeur en 1956. Il fut le titulaire des orgues des églises San Manuel et San Benito de Madrid.
Yves Bouillier
Notre photo : José María Usandizaga entouré d'amis de la Société chorale, parmi lesquels Jesús Guridi (en arrière-plan à droite) et certains des membres de la compagnie "Gorgé" qui ont créé leur œuvre "Las golondrinas" à Bilbao, le 11 juin 1914