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Histoire
Guerre d’Algérie : le paradoxe d'hommages "contrastés"
Guerre d’Algérie : le paradoxe d'hommages "contrastés"

Guerre d’Algérie : le paradoxe d'hommages "contrastés"

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La chasse aux Européens à Oran le 5 juillet 1962 ©
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Encadrés par les militants du FLN, les Européens marchent vers leur supplice ©
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Le Dr Pierné à Oran ©
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Le maire de Saint-Jean-de-Luz, Jean-François Irigoyen, déposera une gerbe ce samedi 5 décembre au Monument aux morts dans le cadre de la Journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Malheureusement, conformément aux directives préfectorales, cette cérémonie se déroulera à nouveau en format très réduit, sans la présence des associations d’anciens combattants et sans public, afin de tenir compte des consignes sanitaires. Quant à l'agglomération Bayonne-Anglet-Biarritz, c'est au monument aux morts d’Anglet que se déroulera la cérémonie, ce même jour à 11 heures, toujours sans public et en présence d’un nombre très restreint de personnalités.
Or, à peine quelques semaines auparavant, à l'issue de son déplacement au Maghreb conclu en Algérie, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n'avait-il pas déposé une gerbe aux couleurs françaises devant le "Mémorial du Martyr", un monument érigé en 1982 pour les 20 ans de l’indépendance algérienne et rendant hommage aux « martyrs » du FLN et aux « chahids » (anciens combattants) qui se sont battus contre la France. Une expression reprise mot pour mot par le ministre de l'Intérieur, dans un tweet publié dans la foulée : « Mémorial du Martyr. Hommages aux martyrs de la guerre »
On serait donc en droit de s'interroger de quels martyrs il s'agit : en tous cas, certainement pas des milliers d’Européens d’Algérie qui avaient été enlevés dans la plus grande indifférence des donneurs de leçons patentés, de Rachid Bouchareb à Roger Hanin, dont les films dénoncent volontiers les pauvres maghrébins victimes d'infâmes racistes... Certes, tout n’était pas rose dans l’Algérie « française » mais, du témoignage de Robert Pierné et de beaucoup d’autres rescapés, en 1962, les relations entre musulmans et européens étaient encore correctes malgré les incertitudes du lendemain pour ces derniers.

A ce propos, la date du 19 mars, anniversaire des Accords d'Evian en 1962, est encore célébrée de nos jours par certaines associations dans l'ignorance (ou l'oubli) qu'en fait d’armistice, lesdits "accords" furent suivis d’horribles massacres de la population civile livrée sans défense aux égorgeurs du FLN. Comme à Oran le 5 juillet 1962.
Le docteur Robert Pierné, bien connu à Biarritz où il a exercé après ces événements, et à Baïgorri où il avait sauvé et restauré avec son épouse le château d’Etxauz, était alors un médecin-biologiste âgé de 33 ans. Le souvenir de la tragédie est encore vif chez ce neveu de Gabriel Pierné (compositeur de la « Fantaisie basque pour violon et orchestre » et de la musique de scène « Ramuntcho »)  : « J’ai été braqué par un jeune de 11 ans avec un pistolet colt 43 - je lui montre le caducée sur mon pare-brise - dix secondes d’incertitude - il me laisse passer » !

A Oran, cette grande ville de près de 400.000 habitants en grande majorité européens, le FLN avait décidé de monter une grosse opération d’intimidation. « Dès le matin, des convois remplis de jeunes musulmans armés de fusil et de couteaux convergèrent de la périphérie vers le centre : un car remplis de tueurs précédait un camion-benne où étaient entassés les cadavres et un autre chargé de vieux pneus afin de les brûler. Près de 1.800 victimes furent ainsi massacrées : ils tiraient à bout portant dans les rues, entraient dans les maisons. Le mur de la poste dégoulinant de sang mérita son nom de « mur des fusillés ». Mon infirmier suisse reçut une balle en pleine tête mais survécut par miracle. Mon ami médecin ORL put reconnaître après coup quelques charniers sur la demande des autorités françaises, les militaires français ayant été maintenus cantonnés dans leurs casernes sur ordre du général Katz ». Surnommé « le boucher d’Oran », cet officier appliqua à la lettre les instructions de Paris en laissant s’accomplir le génocide (une plainte à son encontre déposée par 47 familles de victimes du massacre d'Oran pour « complicité de crime contre l'humanité » sera déclarée recevable mais couverte par la prescription). 
« Beaucoup de suppliciés terminaient leur agonie dans les chaudières des bains maures », se rappelle encore Robert Pierné, resté sur place quelques mois après ces tragiques événements car le jeune médecin ne voulait pas abandonner la pharmacie de son père : « nous nous sommes un jours retrouvés une dizaine face à 2.000 arabes dont le chef nous annonça qu’ils allaient égorger de nombreux… (quelques instants de silence)… moutons ! T’as eu peur, ajouta-t-il en riant ».

Le martyre des suppliciés

Jeune militaire appelé originaire du Sud-Ouest, André Aussignac fut enlevé le 21 juillet 1962, soit quatre mois après la signature des accords d'Evian. Enfermé dans une briqueterie dont les fours étaient remplis d'Européens, puis emmené au fond d’une mine où un ministre algérien en visite lui donna un coup de pied au visage parce qu'il ne s'était pas levé assez vite, il arriva à s'évader malgré les tortures infligées : ongles des orteils arrachés et jambes brisées. 

Divers témoignage font état de nombreuses femmes enlevées pour la prostitution, certaines livrées aux maisons closes, d'autres « attribuées » à des officiers de l'armée algérienne ou vendues à des trafiquants internationaux et acheminées vers le Maroc, le Congo ex-belge et même l'Amérique du Sud.

Parmi les suppliciés, un sort effroyable fut réservé aux harkis auxquels leurs coreligionnaires du FLN coupèrent les mains et crevèrent les yeux dans le meilleur des cas, ou les attachèrent à des poteaux plantés sur les places publiques pour les écorcher lentement à coups de canifs, les jetèrent vivants dans des chaudrons d’eau bouillante. Partout on fusilla après avoir torturé, on mura dans des bâtisses de pierres, on enterra vivant, on brûla sur des bûchers, on flagella, on égorgea, on roua de coups des victimes enfermées dans des sacs, membres liés. Dans le Constantinois, des femmes tuèrent même des captifs à coup de dents !

Après ces massacres, les bateaux furent pris d’assaut. Claudine Peyrou se souvient « d’avoir attendu trois jours sur les quais avant de pouvoir embarquer pour une traversée qui en dura cinq, en raison du refus des ports de Marseille, Sète et Port-Vendres d’accueillir les fugitifs. Finalement, la Marine nationale les hébergera à Toulon » ! Présidente des Rapatriés de la Côte basque réunissant quelques 600 familles, Claudine Peyrou était alors une lycéenne de 16 ans, fille d’un ingénieur des Eaux et Forêts.

Dans son livre « Ma guerre d’Algérie racontée à mes enfants et petits-enfants » (Elkar), Etienne Edme-Zamora projette le regard de l’appelé de métropole qui en voulait autant aux Pieds-Noirs qu’à certaines absurdités inhérentes au service militaire qui lui faisaient perdre de précieuses années de jeunesse loin de son Pays Basque, et pourquoi ? Cependant, comme beaucoup d'autres, lui aussi ignore l'autre versant des événements, celui des « Heures atroces d’Oran » que le journaliste Dominique Couty avait vécues et relatées dans l’hebdomadaire « Carrefour » du 18 juillet 1962 : « Plusieurs centaines de jeunes musulmans devenaient les maîtres de la rue, préparaient une guérilla dont plus tard ils rejetteront la responsabilité sur ceux qui en furent les premières victimes. Les Européens ont compris que leur place n’est pas dans la rue et prennent la fuite. Les jeunes musulmans « blousons noirs » les rattrapent, les fouillent, les font avancer les mains sur la tête ou en l’air. Sur un simple soupçon, sur un geste maladroit, on tire et on tue. C’est le cortège vociférant d’une meute qui attend qu’on lui livre les prisonniers. Ces compatriotes humiliés, injuriés, marchent au supplice, c’est évident. Dans une caserne encore française, les militaires les regardent passer sans lever le petit doigt. Pendant que la fusillade atteint son paroxysme dans les quartiers européens, en ville musulmane, les Européens prisonniers sont éventrés, égorgés, décapités, torturés. Il y a des civils qui sont condamnés pour non assistance à des personnes en danger de mort avec moins de preuves accablantes » !

Asmeghitarra, ala ez ?

Répondre à () :

Jean louis LONGETTI | 04/12/2020 15:33

Qui est l'auteur de l'article "le paradoxe d'hommages contrastés" ? Merci

BOTELLA | 05/12/2020 12:22

Vice Président de l' APNCB

Suzanne de Beaumont | 06/12/2020 21:15

Je n'arrive pas à atténuer la douleur que je ressens de mon arrivée à Marseille, seule avec mes trois enfants, menacée d'être rejetée à la mer. Je suis bien une criminelle contre l'humanité pour tous les français et j'en souffre

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