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Rétrospective
Guerre 39-45 : le chapitre cathédral de Bayonne
Guerre 39-45 : le chapitre cathédral de Bayonne

| François-Xavier Esponde 1031 mots

Guerre 39-45 : le chapitre cathédral de Bayonne

Il y avait à la cathédrale de Bayonne un Chapitre, composé de chanoines se réunissant deux fois chaque jour pour l’office divin.

Les derniers du nombre appartenaient pour la plupart au temps de la guerre de 39-45, vieux soldats dotés d’une expérience difficile au cours de ces années de jeunesse en Allemagne ou à la frontière polonaise.

Le profil de certains d'entre eux, les chanoines Darraidou, Lahetjuzan, Dufau, Barnèche, Eyharts, Cours, Recaborde, Soubelet est incomplet mais l'évocation de ces noms rappelle leur fonction de prêtre paroissial, pour la plupart aguerris par l'épreuve du soldat contraint à rejoindre le STO (service du travail obligatoire institué par les forces d'occupation allemandes), les camps de prisonniers, déracinés dans ces premières années de sacerdoce...

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Le chanoine Sallaberry ©
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D’autres comme Etienne Sallaberry, Dassance à Saint Amand, vivaient hors du champ canonial en d’autres sites du diocèse.

 Le “cercle canonique” partageait leur repas au réfectoire, disait-on, de la place Mgr Vansteenberghe à Bayonne à proximité de la cathédrale.
Le nom de cet évêque mort en 1943 pendant l’occupation allemande, illustre résistant parmi les quelques uns les plus engagés, appartenait à ce nombre mais ils ne le connurent bien souvent que peu, étant en ces années de guerre en Allemagne.

Le réfectoire était composé de trois - quatre tables, les deux premières réunissaient ce collège des illustres compagnons, autour du Président Pierre Puchulu qui pour le cas n'avait pas participé à la guerre, et résident bayonnais de longue origine. @@Les tables suivantes étaient pour les autres membres du clergé, vicaires, prêtres attachés aux services administratifs de l'évêché, le vicaire général, le chanoine Goity administrateur économe de la cantine sacerdotale.

La hiérarchie et le prestige de ces vénérables était contenu dans cette répartition protocolaire observée, car quiconque entamerait ce partage était rappelé à l’usage..
Le collège capitulaire avait ses conversations. Les unes politiques, les autres plus religieuses.
Les anciens combattants de la dernière guerre n’avaient guère renoncé à porter leur voix au concert des échanges et de débats soutenus par ces hommes octogénaires, dotés d’un fort caractère, expérimentés et courageux.
Car chacun avait fait le choix patriote d’obéir à l’autorité militaire et rejoindre le Sto, les camps de prisonniers plutôt que de traverser la frontière et chercher refuge de l’autre versant pyrénéen. Avec l’assentiment de l’évêque car aucun d’eux, soumis à l’obéissance épiscopale n’eut entravé la décision souveraine de cette tutelle.

On cite parmi eux Roger Etchegaray qui préféra se retirer en Navarre/Guipuzkoa pendant ces quelques mois difficiles dans la région occupée par les allemands.

 Ces hommes rudes, avaient occupé à leur retour d’Allemagne, des postes ecclésiastiques parmi les plus notables.
A Biarritz, Anglet, Bayonne, ils fondèrent des paroisses, bâtirent des églises, se consacrèrent corps et biens pour les payer, comme des pierres d’angles d’un édifice qui portait leur souvenir après celui de leur engagement patriote de cette guerre.
Prêtres, soldats de coeur, ils composaient le cénacle apprécié des évêques, conseillers discrets de ces épiscopes en fonction qui, pour la plupart d’entre eux, appartenaient à la génération suivante, et pour Mgrs Gouyon, Vincent, Molères, représentaient des "bastides" efficaces des réseaux d’influence auprès d’une génération aux affaires à leur retour de la guerre.

- Michel Dufau avait appris l’allemand dans ces camps et comprenait quelque peu les conversations en polonais.
D’autres moins disposés avaient renoncé et continuaient à parler français, basque lorsque l’occasion de rencontres avec des autochtones le rendaient possible.
- Henri Barnèche, désigné comme un aumônier itinérant entre ces camps de l’exil, sillonnait avec son vélo, un brassard au bras, les habitations de fortune, y rencontrait les volontaires désireux d’un temps de dévotion, soulageait les lassitudes et les douleurs psychologiques de la distance, de la solitude de ces jeunes soldats déracinés par la guerre.
- Le prêtre Cours, musicien mélomane, cultivait le chant liturgique et grégorien et organisait dans ces camps ces temps de ressourcement avec les moyens du lieu, sans instrument, avec les quelques objets liturgiques autorisés  pour le faire.
- Etienne Sallaberry s’inspirera de ces souvenirs en Allemagne en ses pointes sèches du journal Herria, chroniques redoutées par certains, car le professeur de philosophie de Villa Pia rappelait par le fait même les postures adoptées par certains confrères lors de la guerre, courageuses... ou un peu moins !

A la Table du Seigneur et du chapitre cathédral, ces messieurs - reconnus et reconnaissables à leur profil - jouissaient d’un respect entretenu.
Dignité oblige, peu rappelaient la faim, la maigreur de leur constitution, l’épreuve de la solitude endurée, pour incarner une noblesse d’âme qui revenait à leur courage et leur contribution au service de la patrie.

Un échange vif eut lieu un jour entre l’un d’eux quittant le chapitre pour raison d’âge, revenant à  Arditeya à la maison de retraite des prêtres âgés, et le président du chapitre exaltant les qualités du camarade démissionnaire : il fut prié d’interrompre le discours sur le champ.
Le devoir de réserve, la dignité suprême de ces soldats de la réserve ne permettait l’improvisation ou la reconnaissance postérieure d’un vécu qui leur appartenait en premier et ne souffrirait de quelque récupération possible.

Henri  Barnèche, tout au long de sa vie, entretint au sein des associations d’anciens combattants des relations étroites avec les “copains” disait-il. Il occupa le poste de secrétaire actif de section, organisait des rencontres, des rassemblements de camarades, unis en temps de paix comme en temps de guerre...

Dans les dernières années de leur vie, ces vétérans occupèrent des fonctions d’aumôniers de cliniques, Paulmy-Lafargue-Lafourcade-Delay, désormais disparues, ainsi qu'au sein des maisons de retraite de la région.
Vieux soldats aguerris, rudes parfois mais bien souvent d’humanité sensible, ils furent les témoins malgré eux de la seconde guerre mondiale du temps de leur jeunesse entravée par cette histoire.

Des témoins admirables, redoutables parfois, actifs jusqu’à la limite de leurs forces.

Hommes intrépides, dont le souvenir demeure auprès des générations les plus anciennes, car ils seraient pour la plupart désormais centenaires.
Le crédit accordé par la guerre leur fut la reconnaissance acquise de leur ministère.
La fraternité partagée avec les camarades du front leur fit accéder à la réputation des braves serviteurs de la Nation en ces années 40 de mémoire contemporaine pour les anciens !

Photo de couverture : aumônier militaire dans un camp de prisonniers

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