Pour célébrer la Journée Internationale des Grottes Touristiques et du Monde Souterrain le mardi 6 juin prochain, les Grottes préhistoriques d’Isturitz-Oxocelhaya dans les Pyrénées-Atlantiques ont préparé une journée riche en découvertes et en émotions.10h30 – Visite grand public
11h – Accueil de Christian Normand, préhistorien, en charge des recherches contemporaines d‘Isturitz
11h30 – Visite d’Isturitz en sa compagnie, après Isturitz, Florian Berrouet vous fera découvrir Oxocelhaya14H00 à 17H00 – Visites grand public toutes les heures
14h30 à 16h30 – Accueil de Florian Berrouet préhistorien sur l’esplanade couverte du site. En sa compagnie, vous pourrez découvrir les projections de films/reportages de Franck Urkia, sur les campagnes de fouilles contemporaines ainsi que le film de Virtual Ware sur « l’Art Rupestre d’Oxocelhaya !
17h – l’année 2023 a vu le lancement du thème de recherche : « Patrimoine Sonore des Mondes Souterrains » par Pierre Estève compositeur et musicologue : Le projet – Ses recherches – Les collaborations
17h30 – Visite « Sonore et Sensitive » des 2 grottes en sa compagnie, découverte de ses créations sonores tout au long du parcours.19H00 – Pour conclure, un moment de partage, d ‘échanges et d‘amitié entre Sapiens : Un Pot de l’amitié vous sera offert !!!
Entre Périgord et Asturies, les moyennes montagnes basques et leurs vallées ont toujours bénéficié d'un climat océanique relativement modéré, propre à retenir les populations de chasseurs des rennes émigrant vers le sud au temps des glaciations.
Parmi les sites préhistoriques du Pays Basque, les grottes d’Isturitz et d’Oxocelhaya constituent certes l’un des plus riches gisements du paléolithique en Europe et plus ancien témoignage de l’arrivée d’Homo sapiens en Europe de l’Ouest.
Aux temps les plus reculés, la légende y situait déjà, sous la colline de Gaztelu, « des amoncellements d’ossements rougeâtres ».
Au début du XIXe, on en retirait du « guano », un engrais d’origine organique (oiseaux) préféré à l’époque au fumier d’étable.
Ces lieux reçurent en 1867 la visite de Napoléon III et d’Eugénie, précurseurs en matière de tourisme comme en tant d’autres.
Plus tard, les archéologues Passemard et Saint-Perrier mirent à jour un inépuisable gisement d’art préhistorique, os sculptés et gravures ou peintures pariétales.
Dans les années trente, l’ethnologue Gilberte Reicher croyait déjà déceler la « manifestation d’un culte à la déesse-mère, personnification de la terre nourricière » dans l’image découverte dans cette grotte d’une « femme au pied de laquelle se tient un homme en posture d’imploration ». Il s’agit d’une côte de renne arrondie et gravée sur les deux faces qui servait à lisser des peaux.
« Le goût du Basque pour les formes géométriques » et les lauburu, ces croix à branches coudées, on a cru également le retrouver dans les extraordinaires baguettes au décor de spirale sans fin, caractéristiques de l’époque magdalénienne dans cette grotte et dans quelques autres sites de la chaîne pyrénéenne ; Barandiaran y voyait les marques personnelles des chasseurs. Les artisans bijoutiers basques en déclineront d’ailleurs la symbolique dans leurs créations.
Et parmi les plus vieux instruments de musique préhistorique découverts à ce jour, les flûtes d’Isturitz (dont la plus ancienne est de 32 000 ans) occupent une place singulière.
Actuellement…
Des dizaines de milliers de visiteurs parcourent chaque année ce site emblématique du Pays Basque que son propriétaire André Darricau avait ouvert au public en 1953 après classement et aménagement.
Je me souviens que le 50ème anniversaire de leur ouverture au public célébré il y a vingt ans avait enthousiasmé Oteiza, dont une sculpture intitulée « Isturitz » avait été inspirée par la découverte au début des années 80 d’une gravure de cheval semblant porter un licol, preuve éventuelle de la domestication de l’animal dès le Magdalénien. Le grand plasticien basque venait alors de fêter ses 94 ans en accordant d’emblée son patronage à l’événement...
Et le remarquable art mobilier d’Isturitz est le plus étudié au musée des Antiquités de Saint-Germain-en-Laye où plusieurs chercheurs se consacrent à la collection d’objets qui en ont été extraits (45 000 pièces dont 3000 objets d’art).
Patrimoine naturel géologique exceptionnel préservé & accessible, les sites où l’art rupestre est visible in situ sont de moins en moins nombreux et seules des répliques du reste fort onéreuses sont désormais visibles. Les grottes ornées d’Isturitz et d’Oxocelhaya sont accessibles, leur conservation suivie avec la plus grande attention.
Horaires des visites jusqu’au 8 juillet : 10h30, 11h30, 14h, 14h30, 15h, 15h30, 16h, 16h30 et 17h (dernière visite)
- Attention : Le nombre de visiteurs étant limité, il est recommandé d’arriver au moins une demi-heure avant l’heure de la visite.
Tarifs : Adulte 12,50 € / Enfant (4/11 ans) 5 € / Adolescent (12/17 ans) 8 € / Étudiant / Demandeur d’emploi / Carte invalidité 10 € / Spécial famille 2 adultes & 3 enfants payants (4-11ans) 35 € / Informations : tél. 05 59 29 64 72 / Réservation sur : https://www.grottes-isturitz.com/
Rappel sur les recherches dans les grottes d'Isturitz et d'Oxocelhaya par leur responsable scientifique Christian Normand
Les fouilles intensives qui s'y sont déroulées dans la première moitié du XXe siècle, d'abord par Emmanuel Passemard puis par René et Suzanne de Saint-Périer, y ont en effet révélé des occupations humaines quasiment sans interruption pendant plusieurs dizaines de millénaires.
Les travaux archéologiques ont repris en 1996 afin de déterminer si l'intérêt des couches archéologiques encore à fouiller était suffisant pour justifier de nouvelles recherches.
Les résultats ont été particulièrement positifs dans deux secteurs : l'un dans la salle d'Isturitz où un sondage (sondage n°7) réalisé en 1998 sous la direction de Christian Normand a permis la découverte de plusieurs restes de jeune mammouth, dont une scapula, associés à une couche très riche en os brûlés et datée au alentours de 32 000 ans avant le présent ; l'autre dans la salle de Saint-Martin où ont été repérés de riches ensembles attribués à une période appelée l'Aurignacien.
C'est dans ce dernier secteur qu'une fouille a été entreprise en 1999 par une équipe franco-espagnole puis entre 2000 et 2010 par une équipe internationale comprenant une trentaine de spécialistes sous la responsabilité de Christian Normand (alors archéologue au Service régional de l'Archéologie d'Aquitaine). Les multiples vestiges découverts - notamment des dizaines de milliers de silex taillés et de restes de gibier (cheval, bison, renne...) mais également des centaines d'éléments de parure (perles, coquillages...) - attestent que des groupes humains ont occupé intensément la grotte entre 43 et 37 000 ans avant le présent, période qui a vu Homo sapiens s'installer définitivement en Europe occidentale après la disparition des Néandertaliens.
Les résultats obtenus sont majeurs et font désormais de la grotte d'Isturitz un site clef pour la compréhension de ce moment fondamental pour notre (pré)histoire.
Entre 2011 et 2017 les recherches se sont orientées vers l'étude des œuvres d'art pariétal existant dans cette même grotte mais également dans le réseau d’Oxocelhaya sous la direction de Diego Garate (université de Santander). Outre l'étude des peintures et des gravures, représentant en particulier des chevaux et des cervidés, ces travaux ont permis de repérer de très nombreux marquages de peinture rouge et des os fichés dans des fissures de la paroi. Les différentes données montrent que ces cavités avaient un important rôle au cœur de l'aire pyrénéo-cantabrique il y a 15 000 à 18 000 ans.
Par la suite, le temps de la publication des résultats des recherches précédentes, les opérations ont été axées sur d'autres problématiques :
- fouille en 2015 d'une importante zone funéraire du Néolithique final (vers 2 300/2 100 ans avant notre ère) dans la salle de Saint-Martin avec la découverte de restes dispersés d'une trentaine d'individus (responsable : Patrice Dumontier) ;
- sondage en 2021 dans la même salle. La découverte de coquillages utilisés comme parure y atteste pour la première fois de liens avec la Méditerranée il y a 17 000 ans (responsable : Christian Normand) ;
- agrandissement en 2021 du sondage n°7 par une équipe de l'université du Pays Basque qui a confirmé et précisé les données acquises en 1998 / responsable : Aritza Villaluenga / voyez notre article : https://www.baskulture.com/article/nouvelle-fouille-dans-la-grotte-disturitz-un-site-archologique-unique-en-euskal-herria-3855
- recherches en 2022 dans une troisième salle (celle dite des Phosphates). Y a notamment été déterminée une probable utilisation comme refuge à la fin de l'Antiquité (responsable : Christian Normand).
Cette année, outre la fin de l'opération d'agrandissement du sondage n°7 par la même équipe qu'en 2021, des spécialiste du Department of Evolutionary Anthropology de l'université de Vienne (Autriche) viendront faire des prélèvements de sédiments dans l'une des coupes dégagées lors des fouilles 2000-2021 afin d'y chercher des ADN humains. Leur séquençage aura comme objectif de définir précisément l'identité génétique des humains ayant fréquenté alors la grotte (responsable : Christian Normand).
Il est également à noter que plusieurs pièces découvertes lors de ces mêmes fouilles sont présentées dans l'exposition sur l'art préhistorique actuellement au Musée d'Aquitaine à Bordeaux / voyez notre article : https://baskulture.com/article/manifestations-activits-culturelles-5965