On ne retirera jamais à l’âme basque ce goût de la fête et du jeu. Les fêtes de villages de notre enfance qui correspondaient alors à la célébration du Saint patron de la commune, ajoutait à l’ordinaire de l’année un lot singulier de célébrations animées, que les programmes garnis et répétés de ces dernières décennies ont quelque peu terni dans leur modestie.
Il y avait un Comité des fêtes au village de la jeunesse recrutée après le service militaire, par le maire et ses édiles, et les quelques animateurs locaux zélés. Nombre d’entre eux artisans-paysans de leur état, généreusement conviés à l’organisation avec peu de moyens techniques, des bras robustes et de la volonté.
Les salles communales, trinquets et autres lieux de convivialité n’existant qu’en chefs lieux de cantons, la plaza centrale du village, servait d’espace d’accueil, flanqué de quelques bars, troquets et restaurants distribuant vin, boissons gazeuses et alcoolisées avec quelque libéralité, plus contraintes depuis par l’autorité communale.
Si la messe festive du jour donnait le ton à deux ou trois jours de liesse villageoise, la partie de pelote sur le fronton du village réunissait tous les habitants des quartiers périphériques du lieu, peu habitués de ces rassemblements.
Pour quelques uns c’était le jour J, le jour unique d’un tel rassemblement communautaire.
Les chefs de famille pouvaient inviter bien souvent chez eux leur parenté, les ouvriers agricoles et le personnel attaché à leur ferme pour le repas de circonstance.
Le nombre des mets pouvant abonder de victuailles et de viandes, poules au pot, canards et oies, agneaux de lait...
Peu de poisson et de légumes, la viande primait sur le menu et demeurait le plat de la fête.
Mouton, volaille, et gâteaux basques, aux recettes domestiques se pratiquaient dans la plupart des familles.
Chaque cuisinière faisant en ce cas preuve de prouesse pour alimenter l’ordinaire de ces extra culinaires, exceptionnels.
année durant.
Certaines bouteilles étaient gardées pour ce moment festif annuel.
Nos anciens s’enquéraient d’adresse et de goût pour obtenir ce sésame âpre que gardait le parfum de vigne de la maisonnée.
Selon la saison le vin nouveau n’ayant encore été récolté, on répétait l’opération avec les mêmes dispositions pour l’année suivante.
Le repas étant prolongé par le chant, la versification de l’oralité en basque pour les talentueux, on prenait le temps et se préparait enfin à rejoindre le reste des villageois sur la place pour la traditionnelle partie de pelote.
Le répertoire de ces chants empruntait à Xalbador, Esponde et quelques autres versificateurs dont on connaissait les mélodies comme des cantiques religieux.
Certains noms figuraient sur l’affichette des fêtes, imprimée pour la circonstance dans l’imprimerie cantonale avec les moyens du bord ne disposant en ce temps là d’appareils d’impression qui se sont développés depuis.
Sur le fronton le rituel semblait intangible, l’Agur Jaunak était entonné par un villageois aux cordes vocales robustes et chacun se dressait bien droit comme un portique, pour saluer les joueurs, l’arbitre et les autorités communales invitées de fait à partager ce temps de retrouvailles.
On regardait le ciel, et si l’orage pouvait menacer comme ce pouvait être le cas bien souvent, on pressait la décision du jeu que rien ne pouvait entraver sinon le risque d’averse et de mauvais temps.
Les fortes chaleurs de l’été habituelles dans ce pays pyrénéen avaient coutume d’engendrer des orages passagers et imprévisibles.
On se tenait sur le qui vive !
Les joueurs arborèrent selon les époques des tenues différentes.
Jusqu’au blanc pantalon et chemise, le dernier modèle en cours avec ces espadrilles en coton tressé et coloré parfois.
Mais sur de vieilles photos on note ces pantalons larges sombres amples et d’un seul tenant, qui pouvait convenir à la dextérité de joueurs en mouvement ininterrompu.
Les prêtres –pelotaris nombreux en ces années arboraient leur vêture noire, point de pantalons ni de shorts jugés inappropriés selon la tradition pour une telles démonstration publique non conforme au règlement.
Le chantre du village, appelé à d’autres fonctions ecclésiales, proclamait encore en chantant les résultats.
Dans une ambiance bon enfant, simple et spontanée.
Pour toute partie de pelote à la main nue, on prenait soin de protéger quelque peu la paume et les doigts de la main, avec du calcaire, car les carrières de kaolin étant proches, on prévoyait la médication la plus spartiate pour le jeu.
La fierté de quelques villages était de faire valoir certains joueurs issus des rangs de la commune.
Certaines ayant produit des pépites et des acteurs de talent qui s’illustreront dans le jeu et le chant au cours de leur jeunesse et feront la promotion de leur origine dans les communes alentour.
Michel Etcheverry, Pampi Laduche et bien d’autres encore seront du nombre.
Le sens de la compétition demeurait constant. Tel ou tel représentait sa commune et son quartier.
On ne pouvait ignorer de la sorte la fierté de cette terre et du nom de la maison dont on demeurait issu jusque la cancha ou la plaza de la pelote !
L’heure ouverte des paris existait.
On choisissait donc le meilleur selon ses goûts, car si le résultat était favorable, on pouvait disposer de quelque sou pour les dépenser dans le bar au terme de la compétition.
Quelques parties de pelote sont restées dans la mémoire collective mémorables, par leur durée, la qualité du jeu et des engagements acharnés de ces jeunes gens sur-motivés par leur propre public, leur famille et les admiratrices du moment.
Les aînés accomplissant leur devoir de présence avec le coucher du jour, il fallait quitter le lieu pour accomplir les travaux fermiers du quotidien à l’heure de l’angélus du soir que la benoite actionnait à main.
Car le verdict du ciel primait encore sur la météo et le chrono pour s’accomplir de la tâche.
Venait donc la troisième étape du jour, le bal de la jeunesse où l’on pouvait guincher un peu, savourer la musique d’une accordéoniste, bien souvent la même qui renouvelait tous les ans sa présence et répétait un répertoire de guinguette qui avait la faveur du public et de la jeunesse.
Les moyens de diffusion de l’époque de musique étant encore parcimonieux, les classiques sur magnétophone avaient la faveur du public.
Les plus modernes diffusaient sur le réseau installé pour la circonstance ces disques traditionnels comme ambiance de ce jour.
Une célèbre Mimi de son nom d’artiste, dans sa chevelure blonde ou brune selon les saisons, coiffée peut etre d’une perruque de soirée animait le tour de distribution des nougats, bonbons kréma, arachides ou cacahuètes, et ces réglisses légendaires noirs au goût prononcé. Les premières glaces en bâtonnets voyaient le jour. La maison Boncolac confectionnait déjà ces délices sortis de chambres froides des débits de boisson, et pour les enfants l’accès à ce supplément de fête faisait leur régal.
Mimi faisait partie du spectacle, et sa prestation durait quelques heures, peu ou prou minuit avec une prolongation possible, mais jamais sans doute en ces années jusqu’au petit matin où les gens de la terre reprenaient leurs marques et leurs travaux. de peu de répit.
Un moment de liesse et de compagnie tous les ans, et comme une tradition obligée entre les générations.On racontait selon la transmission orale qu’en ces temps là désormais datés monsieur le curé recommandait aux jeunes filles exposées à la faveur des jeunes gens, de rentrer chez elles au coucher du soleil.
Les forains ou les acteurs de la fête étaient encore peu nombreux dans ces retrouvailles estivales.
On ajoutait les jeux de lancer sur des boites, pouvait pêcher à la canne des lots sur un parterre de sable, un exercice somme toute précaire car les bénéfices de la pêche restaient modiques pour leurs acteurs.
L’heure fatidique de la nuit tombante et les heures du cadran de l’église servant d’annonciateur de fin de partie, nombre des assistants reprenaient le chemin du retour à la maison à pied pour la plupart, car le peu de commodité des déplacements réservait aux mieux lotis un véhicule à moteur, un luxe encore pour l’époque.
Les jeunes se conformaient à ces usages. Ce qui semblait la règle mais pas pour tous, qui obtenaient de leurs parents la possibilité de rejoindre leurs amis au village le temps de ces rencontres prolongées.
Point en ces années de dancings à l’horizon, il fallait franchir Dancharinea pour s’y rendre, et les moyens en solex ou en vélo étaient encore aléatoires pour faire le chemin.
En ces années 60 il y a désormais 60 ans de plus l’ordinaire et l’extraordinaire de cette fête était dans un déroulé d’animations conformées ) ce que l’on appelait la tradition basque.
Depuis ce temps, de nouvelles pratiques de la fête ont vu le jour.
Zikiros, repas sous tente, pièces de théâtre et charivari ont vu le jour, en basque confortant ce goût grégaire de célébrer ces moments de diversion populaire une fois ou plusieurs l’an.
Jokolari, kantari, musikari, pelotari l’irrédentisme de la population locale conserve encore ce sens de la fête que l’on appelle d’un voeu d’authenticité propre venue d’un riche passé !