1 – Par un jour d’avril de foire au jambon
On raconte à la veille d’un déroulé littéraire à Bayonne que le roi Léon a connu un triduum pascal difficile lors de la foire au jambon de cette année. Ses sujets venus le célébrer en oublièrent l’origine dans un défilé ininterrompu de manants présents pour la fête de soirée et pour des libations plus liquides.
La trame d’un roman serait en cours de la part de quelques plumiers exercés pour raconter les déboires du bon roi Léon rabelaisien bayonnais caché par de féériques lanternes venues le garder, le préservant de la sorte de la rue, de ses emportements et de ses excès. Le cacher dans le dit quartier de la Nive le temps de cette incartade impensable fut envisagé un temps.
Les confrères de bouche, des métiers d’excellence alertés par la ruée des passants en surnombre décidèrent d’élever des barricades pour protéger leurs produits des agissements de la rue. Il fallut s’armer de couteaux de cuisine pour éviter les incivilités, le ton et le sang montant d’un cran, l’insécurité d’une foule enflammée pouvait à tout instant déchainer passions et désagréments
Le roi Léon n’avait pas prévu une telle affluence dans sa ville, des rues jonchées de cannettes d’alcool, des défilés ininterrompus aux vespasiennes empruntées en file indienne, en somme un trop plein conso aux allures improvisées !
Les lanternes du ciel venues en nombre ne suffisaient encore à contenir les pressions des manifestations de rue, il manqua de vin, de bière, de verres calibrés de Fêtes de Bayonne.
Un état des lieux qui alerta les édiles de la cité, que la pression irrésistible des penas ne permettaient à elles seules de contenir.
On manqua de vin mais point par défaut, davantage par trop plein.
Le manque du jour ne fut consacré de jambon ou d’omelettes de complément alimentaire par défaut mais par un horaire contenu de soirée cafetière, invitant les uns à baisser le rideau et les passants à rejoindre leurs voitures pour une courte nuitée à la belle étoile pour la plupart !
Le roi Léon était mécontent. La réputation de sa ville, la quiétude de son balcon soumise aux assauts de la rue ininterrompus menaçait les digues fragiles d’une concorde de Confréries du jour venues pour exposer leurs produits d’excellence et confondues par la présence numérique des festayres d’une autre étoile !
La réputation d’une ville valant davantage que le lot de conteneurs de bouteilles achevées de la fête, on décida donc d’un Chapitre nouveau celui-ci du Léon roi de la concorde ou de la paix civile pour penser l’avenir du concours du Jambon de Bayonne et panser encore les multiples incartades observées par des riverains exaspérés par les infortunes de ces trois journées sans retenue !
Le roi Léon en disgrâce aurait dit-on demandé à ses lanternes d’éclairer sa décision future. Rester au coeur de la ville avec ses confrères habitués ?
Choisir comme ses aïeux le campement saint Léon, la foire et ses abords aux portes d’entrée de la ville ? Changer de date et renoncer à ce triduum pascal mais pour quel jour de mai suivant au milieu de fériés continus ?
Les lanternes devenues des muses conseillères décidèrent d’un conclave nouveau dans les caves d’une pena, l’Ibai – Ona, dont le récit romanesque ajoute qu’elle serait le site préféré du roi Léon, pour connaitre l’avis de ses oracles et de sa bien aimée secrète, pour décider !
2 – Les anxiétés d’Ibai Ona.
Rejointe dans sa garçonnière par Léon, Ibai Ona parut contrariée par ce visiteur inattendu.
On le pensait sur son trône et le voilà escorté de ses suivantes, toutes confinées dans des manteaux rouges, venues nuitamment trouver refuge chez sa bien aimée.
Le cortège à peine caché par les toiles hissées pour la foire en cours, fit son entrée privatime dans cette pena peu couverte sur la rue, disposant d’un patio intérieur avantageux où se dressaient quelques tables et tabourets de passants.
Léon ne paraissait rasséréné par le peu de commodité accordée à sa souveraine majesté. Un pied de bois taillé sur un bloc de tronc brut, et des verres en plastique incassables disait-on, pour éviter bris de glace et des accidents domestiques.
Il prit place dans cette cour intérieure à la lueur de quelques lanternes, celles qui n’avaient toutes été consumées en cette folle nuit allant.
Ibai ona lui servit de la brioche bayonnaise de maÏs et de condiments épicés, version piment rouge et chocolat chaud que l’on offrait d’ordinaire aux invités du premier cercle..
Léon affamé d’une si longue privation et demandant sans répit un complément alimentaire, ne se lassa de consommer ce diner de ferme inachevé d’une journée passée à saluer des passants moins retenus que lui et passablement repus de boissons aromatisées, peu disposés à consommer de l’alimentaire de céréales quelconques.
On demanda donc à Ibai Ona d’apporter toutes les réserves disponibles de sa remise. On trouva quelques baguettes boulangères, des patates frites chaudes en attente de clientèle, des conserves et charcutailles, boudins, saucisses, et tranches d’agneaux laissés sur les tables par des clients pressés de boire et peu en quête de manger.
La table dressée pour sa majesté le Roi Léon fut à son palais. Il en convint et selon son habitude en fit sa mature et son festin.
Les plats se succédant sucrés, salés, épicés et franchement arrosés, on convint à ses demandes et l’appétence bien assise et consumée, on le pria de trouver quelque répit à sa faim pour en assurer le suivi de soirée.
La nuit semblait toucher à sa prochaine fin et le programme qui l’attendait lui demanderait de l’énergie pour mener à terme ses missions souveraines.
Un lit d’infortune fut dressé par Ibai Ona dans l’angle même du patio à même le sol pour une pause réparatrice. Un socle de paille et une litière de coton grossier comme il en existe ailleurs dans ces refuges de montagne pour une nuit provisoire.Les lanternes toutes épuisées et privées de lumière décidèrent le repli.
Elles quittèrent donc la pena de Ibai Ona leur souveraine, et disparurent dans la nuitée.
Ayant accompli leur mission de la nuit auprès du roi Léon, Ibai Ona leur accorda congé. Jusqu’au lendemain car le jour qui suit attendait ces fées du logis pour perpétuer dans le temps le passage de Léon en d’autres sites de la ville où l’attendaient encore d’autres obligées.
3 – Un rendez-vous d’importance
Dès le jour suivant on attendait en effet le roi Léon en un autre lieu mémorable de la ville, du côté de ce que les gens du lieu appellent Neureki.
Un lieu famé de marchés, de victuailles toute l’année, de salaisons et de maraichages.
Mais s’y rendre à midi était laborieux. Les lanternes ayant opté d’observer la garde de nuit du roi, il faudrait engager une noria de portage du jour bien armés de pieds et de bras pour déplacer le souverain qui renonçait à tout autre moyen de locomotion que la chaise à porteur capitonnée.
On recruta dans l’urgence une bonne douzaine de coolies saisissez dans le parler local, altxa gizon, pour déplacer le dais royal, et frayer la voie sur un passage occupé en surnombre de manants, de gens fatigués de la nuit et de ceux qui poussent encore leur motricités à pédale, pour fendre la foule et trouver le chemin.
Sur les recommandations d’Ibai Ona on décida de l’entreprise.
Le cortège fut ample, large aux entournures, imposant comme le voulaient les assurants.
Le roi Léon ne souffrait d’aucune privation dans ses déplacements inédits mais désirés par ses adulateurs.
On observa que l’avancée du roi ne laissait personne indifférent.
Les uns lui offrant des victuailles, casse croutes déjà fignolés, des bouteilles ou parfois quelques douceurs sucrées distribués sur son parcours, le roi avançait mais à pas de fourmi.
L’instant en était unique.
Pour la première fois de mémoire bayonnaise le souverain empruntait le pavé et quelques rues adjacentes le conduisant à Neureki. Un aréopage d’hommes et de femmes costumées de rouge, d’étoiles lumineuses serties sur les manteaux, et de lanternes agrafées sur leur tunique attendaient sa majesté le roi des ibai - onais pour un moment exceptionnel.
On appela l’instant gustatif pour la cour et ses hôtes.
Une table dressée de victuailles choisies et sélectives attendait le visiteur.
Jambons, sandwichs, saucisses et omelettes double XL lui furent de bonne grâce.
Les grands prêtres de service tendaient les plats, et le digne souverain mettait la main et la bouche à la merci de ces biens du royaume.
Pour chaque sujet un mot de bienvenue et un coup de langue pour qualifier la nature de ces compositions gustatives.
Le mot le plus emprunté par le Maitre des lieux invité d’honneur des horloges cuisinières était “trés bon, parfois succulent, pour d’autres mêts encore délicieux”.
Quand vint le moment de prononcer le verdict final de cet échange , on présenta à l’illustrissime passant trois plats déjà sélectionnés pour en décider du meilleur.
Jambon aux épices, boudins aux amendes, saucissons aux chataignes ?
Un temps fort de délibération, un silence d’appréhensione, enfin le verdict !
Et devinez un instant ce qu’il en fut ?
Le souverain aux goûts éclectiques décida de ne décider par lui même du premier choix et renvoya à la noble tablée de notables du lieu le libre arbitrage de ce moment.
Outrage de palais, disparité de senteurs, mixité des genres contenus dans ces préparations, il en faudrait donc faire appel à l’excellence des dégustateurs autorisés pour une telle délibération décisive !
4 – La poursuite du voyage
Au terme d’un arbitrage chargé de sa tâche de ce jour, on fit savoir au souverain l’opportunité de lieux habités de mémoire de sa ville où l’attendaient ses sujets lors de cette visite inespérée de sa part.
Des lieux d’histoire du passé avaient emprunté à son antécédent connu Léo d’Ibaia, le dit d’une source miraculeuse pour le cas.
Placée dans l’ entrée de la ville emmurée, l’eau y coulait à flot, les femmes de la citadelle y puisaient la ressource à profusion pour leurs utilités quotidiennes.
Ibaia ne manquait pas d’eau, car de toute part telle était la disposition de sa terre voulue des dieux d’avoir ainsi pourvu la ville de cette ressource abondante. L’eau se répandait dans ses rivages de toutes provisions.
On décida donc de conduire Léon le nouveau dernier de la lignée, jusqu’à ce point d’eau vénérable qu’un temple singulier perpétuait pour ses adeptes de demandes diverses.
Les blanchisseuses y puisaient à la fontaine adossée au lieu.
La population en quête d’eau quotidiennement y couraient au lever du jour par grappes succédantes, pour recueillir la précieuse ressource parfois bousculée par la cohue bruissante et disputante des premières et des suivantes quêteuses d’eau.
Le roi Léon en avait appris l’existence mais son statut de souverain lui ôtait d’avoir ainsi à se pourvoir lui même en eau courante de ses sujets attelés à la besogne.
Sa surprise fut immédiate.
Une femme dont on connaissait le nom dans la vie, Axina y exerçait des fonctions de guérison continue.
On lui amenait ainsi des enfants affectés de fièvre diverse, de toux bronchitique, d’exéma ou de maladies de peau sur lesquels elle déversait cette eau venue de la terre, et de ses antres portés par des dieux .
Lors de sa venue en ces lieux occupés tout le jour par des allers - retours incessants de porteuses d’eau, Léon fut témoin des actions bénéfiques d’Axina.
Implorant des forces invisibles par des paroles inconnues, “garbi dezazun, libra dezala, ezindua xutik,” elle exerçait de la sorte ses vertus guérisseuses sur des attentes inespérées de gens de passage.
On fit savoir au roi en effet qu’un lieu propre appelé autel des retours avait été érigé d’antan, mémoire du temps d’avant, pour demander à la fontaine de ne jamais tarir en eau, de soulager de douleurs intérieures, de purifier les blessures et délivrer des sortilèges courants de la cité.
Connue alentour Axina attirait à la source les attentes de nombreuses jeunes filles dédiées dans et aux faubourgs de la ville à la tâche des pourvoyeuses en eau.
Elle leur prédisait les destinées les plus heureuses des unes, les ensorcèlements indigestes des autres, en somme des augures qu’on pouvait en espérer ou des craintes dont il fallait se méfier.
La rencontre imminente d’un garçon avenant pour la suite, les aménités d’un partenaire riche, corsé de fortune, lui faisant promesse de destinée heureuse..
Axina de la lignée des Laminxa portait dans la tradition orale et mal contenue cette fonction que l’on qualifiait prédictive, thérapeutique ou au mieux libératoire .
Axika avait du métier disait-on, et la visite de Léon en son domaine de prédiction lui assurerait un renom inespéré.
Elle s’enquit donc de lui conter la main, les oraisons jaculatoires de ses intentions, et de pouvoir le croiser un instant dans ses fonctions prenantes du jour.
La rencontre eut lieu.
Elle s’enquit de le rejoindre présentement avec une réserve bien remplie d’assortiments de plantes, de boissons fermentées et lui proposa de le récompenser de sa visite.
Mais le souverain peu familier de tels breuvages coutumier de ces visites renonça à ses avantages.
Il lui demanda cependant en retour d’en faire porter à Ibai Ona pour ses exercices.
Axina ne renonçant pleinement à quelque fin de non recevoir, lui procura alors une crème de graisse de lard dont elle avait coutume de frictionner les hommes souffrant d’affections de la peau ou de douleurs dorsales continues, de ces maux internes tripinak en parler local qui réclamaient la médication immédiate et soulagement rapide.
Léon ne s’y refusa et confia à ses obligés ce précieux curatif pour ses propres usages.
La visite en cet endroit sourcier dura plus longtemps que prévu.
On y trouvait en effet des troupeaux de moutons conduits aux points d’eau, des hommes aux faciès primaires, sous un poil de visage hirsute garni, en somme des populations exotiques pour le souverain qui ne frayaient dans sa ville avec ces gens et habitaient dans ses quartiers.
Un éliacyn du nombre exerçant le travail du cuir et de vêtures de peau animale le convia en son atelier prosaïque.
Il en fut surpris et curieux à la fois, et décida de le suivre.
Ce qui semblait en somme une visite d’usage devint visite d’Etat et se continua le long d’une rivière que l’on appelait en la ville, Urxuna
L’eau y coulait abondamment, et des barques plates, conduites à la rame par des bras vigoureux transportaient des paquets d’objets odoriférants, de peaux animales venues de la campagne alentour.
C’était donc des résidus de moutons, chèvres, veaux, vaches acheminées par le canal courant que des jeunes hommes habitués déversaient de leurs embarcations et posaient sur des plan inclinés au soleil du jour pour ce que l’on appelait le temps d’épuration.
Avec une forte provision de sable, on grattait tout d’abord les arrivages, puis de couteaux acérés épilait les volumes, avant de les exposer bien souvent suspendus à des pieux et des cordages pour ce que ces gens de métier appelait la préparation.
Léon le souverain régnant ne semblait en connaitre la procédure, mais il parut conscient d’un labeur continu qu’il fallait assurer au préalable pour purger ces peaux animales avant quelque autre destination.
Le lieu portait loin par le nombre d’habitations rudimentaires disséminées le long des abords de la rivière, on y vivait semble-t-il de peu, d’un foyer fumant de bois cueilli alentour, et d’un sommier de nuit à même le sol.
Se nourrissant de poissons abondants du cours d’eau, la viande paraissant parcimonieuse, et le pain de farine de seigle un condiment alimentaire coutumier.
Quelques filets tendus en continu dans ce vivier sauvage recueillaient les espèces aquatiques prises par imprudence au temps de la marais.
5 – Une autre destination encore
Le visiteur curieux en sa majesté royale semblait prendre goût aux agréments imprévus de ses visites.
La journée lunaire de ce mois commençant à poindre à l’horizon, on conseilla à la noble confrérie de chercher refuge, dans un lieu encore peu fréquenté par sa seigneurie.
Situé sur une altitude modeste somme toute, de quelques arpents de montée, on fit savoir à Léon qu’un lieu habité d’histoire ancienne logeait des unités de ses hommes assurant la sécurité de sa cité.
Il pouvait s’agir de soldats armés, entourés de bandes de gens indociles à leurs lois, en somme un monde qui ne lui était pas toujours habitué mais lui rendait par les uns un service de protection de sa ville de la présence assaillie de bandes agressives et peu disciplinées, que surveillait en permanence la soldatesque sur pied !
Il s’y trouvait en ce lieu une écurie de Chevaux et d’Anes à la peine de basse besogne, que l’on entretenait avec soin pour les commodités courantes de transports de marchés, de marchandises diverses arrivées sur la ville et qui se répandaient aux clientèles de la contrée.
Le nom de ce lieu semblait Xalki.
Des abris de bois couverts de paille ou de lattes de branches enlacées servant de toit assuraient une protection rudimentaire de ces unités de secours harnachés pour la circonstance. Elles arpentaient les voies carrossées de la ville ou les chemins de traverse pour porter secours si nécessaire et par souvent lutter contre le risque de feu menaçant la ville fortifiée.
Une véritable communauté humaine vivait dans Xalki où s’exerçait le quotidien des métiers des armes, la prévention des menaçants de ses terres et de la sorte vivant en autarcie, loin et proche à la fois des remparts de la ville.
Le roi décida au lever de sa nuit, de bon pied et d’un estomac soulagé d’emprunter ce chemin.
Sa suite priée de lui prêter main forte fit provision de boissons de la route.
On ne sut de quelles liquidités on avait assuré la ressource du voyage !
Et la marche fut en cours.
On y semblait déjà repéré à distance par quelques individus au visage teinté.
Quelques hommes avancèrent à distance vers ce cortège insolite.
Sommés de s’arrêter à l’endroit, ces sujets demandèrent : où allez vous ? Qui êtes-vous, que voulez-vous ?
On fit montre des deux côtés de prévoyance, les uns agitant des bâtons de défense, les sujets du roi de bon aloi des gestes de concorde, Léon fit entendre sa voix.
Votre souverain et votre roi vous salue ! Hommes de bien, et de devoir dans ma souveraine dignité je viens à vous, et vous salue.
Xalki peu familier de telle majesté se réveillait ce jour présentement étourdi de voir le cortège magnifique du roi en ses couleurs rouges rutilantes accéder à ces hauteurs et quérir l’hospitalité le temps de visiter les chevaux et les ânes, bien aimés et bien dociles à leurs besognes.
On décida de presser la visite, des sujets désignés pour le protocole conduisirent in situ la cour royale jusqu’à ces chevaux de prédilection qui à l’heure d’un repas aux matines, consommait du fourrage, du blé, et quelques têtes de salades coupées dans le jardin du lieu dit.
Juste pitance somme toute pour ces sujets du domaine qui participaient ainsi aux festivités du quartier d’en bas, et méritaient du roi cette flatteuse courtoisie de retour.
Chacun y fut à la joie.
Chevaux et cavaliers, ânes et fourragers exposèrent leur contentement.
On ne semblait oublier majesté royale, le sort de tous sujets de la fête que Léon arborait de ses rutilances jusque les hauteurs de sa ville encore préservées de l’invasion des impostures de la nuit.
La visite achevée il fallait redescendre à nouveau dans un lieu distinct de la cité.
On l’appelait Xamina.
6 – Xamina et ses éleveurs
En ce lieu vital pour les fêtes du Roi en préparation depuis les lunaisons du printemps, on élevait toutes espèces d’animaux à pieds, aux entournures avantageuses, nourries abondamment de graines, de granulés et de sel d’Ibaia.
Sur des terres qui prenaient de l’avancement dans la forêt voisine on devinait derrière des portiques de planches et de bois assemblés une population ruminante de tous âges, des plus petits en nombre aux plus anciens qui couraient dans les sous bois à la recherche de provisions alimentaires.
Les gens du lieu les appelaient xerinak avec la pléiade de familles nombreuses ajoutées. En chacune la portée annuelle pouvait atteindre la douzaine, et plus la xerina était généreuse en ses fécondités plus la joie de ses éleveurs semblait satisfaite.
Le Roi Léon veillait à ses adoubées avec une déférence particulière.
L’enjeu de la fête de l’été se vivait en ces enclos d’où la manne terrienne pouvait s’éclore en ces familles de xerinak prolifiques
La visite commença dans un brouhaha ininterrompu, les mères demandaient à loisir de quoi nourrir leurs lignées chaque matin que faisait le firmament éclairé par la lune, l’attente paraissait longue.
Cris, bruissements, accès de colères et morsures vindicatives entre ces mères offensives, on assistait à l’impatience du matin de ces centaines de quadrupèdes vindicatives.
Donnez-nous du grain maintenant disait les matriarches de l’enclos !
L’allaitement qui suit presse, les ruminants ne peuvent attendre plus longtemps, pensaient en effet les vigies du lieu habituées de ces intempérances de chaque matin au lever de lumière.
D’abondantes quantités de graines broyées au pied par ces hommes de labeur étaient portées à dos d’âne, et le roi put de lui même vivre ce moment unique du partage de cet aliment nutritif d’abondance, aux xerinak très impatients.
La distribution se fit sans délai car de toute évidence les premiers étant les mieux servis, les suivants devant espérer le partage qui suit, la vigilance des xeri zinak, convenez le personnel voué à la tâche de les nourrir, exerçait jusqu’en ce lieu un contrôle d’usage équitable entre tous ces sujets faméliques de chaque jour.
Le rite du manger, du boire abondamment était inscrit dans le profil apprivoisé de leur pédigrée, les quadrupèdes en cours d’avantages participaient à l’apprentissage convenu du bien se nourrir pour bien se porter et bien nourrir les autres !
Le roi semblait satisfait de cet échange de terrain avec les xeri zinak.
Ils lui prédisaient une abondance de viandes grasses et de jambons pour ses prochaines festivités dans la ville d’Ibaia.
Le rapport de qualité se mesurait aux aspects engageants de leur profil.
Le rapport au goût du fumet cuisiné dégageait à l’envie le pressentiment que l’année lunaire de Léon serait de bon goût à son palais, et ses sujets si nombreux à l’assister lors de ces démonstrations gustatives trouveraient du monde à profusion pour lui faire la renommée de sa cité !
7 – Les lanternes impatientes.
L’absence remarquée du roi de son palais se faisait longue. Où donc se livrait le souverain dans ces quartiers de réputation mal définie.
Il y avait des anxiétés notables chez les lanternes disposées nuitamment à revenir sur les pas du souverain et le rendre à son palais souverain.
La première de fonction, la plus âgée somme toute fut désignée pour demander la route et le lieu probablement protégé par ses hommes de main de son séjour prolongé. Aprila de son prénom obtint de ses protégées le droit de partir à la rencontre et retrouver prestement la cache du souverain dans sa ville et dans ces lieux peu fréquentés par sa seigneurie.
Une forte fumée noire, mêlée d’odeurs de viandes grillées s’élevait du côté de l’eau qui coule couramment dans sa ville. Il semblait s’y passer des évènements à l’abri des voyantes, somme toute une animation charcutière abondante, de victuailles et de confits cuisinés pour cette légion de gardiens des destinées du royaume.
Il fallait attendre que la nuit soit décisive pour mener le projet.
Aprila armée de ses flammes arrimées à ses ailes, ses consoeurs conjointes de lumière s’élancèrent jusqu’à ce lieu suspect selon elles où l’on pouvait avoir pris en otage Léon le bon roi et retenu contre son gré par ses fatigues ajoutées à son programme.
L’arrivée inattendue de lanternes venues du ciel comme des astres redoutables pour le monde sis en l’endroit eut l’effet d’un déclic inespéré.
Par dizaines ces hommes au courage noctambule des livraisons charcutières et de boissons festives se dispersèrent en voyant du firmament une arrivée de lanternes guidées par Aprila dame première des protocoles du roi.
La rencontre de Léon avec ces arrivantes fut pour lui une délivrance.
On lui prêtait l’intention encore de prolonger par d’autres voies d’eau et de chemins de terre, des lieux dits de reconnaissances de la part de ses hommes du trône, l’un l’invitant à voir de visu le carrefour d’artisans de la pierre de bâtisseurs pour les projets futurs de sa ville, l’autre portant ce nom Izana où sommeillaient dans la quiétude des étoiles tous ceux qui l’avaient servi leur vie durant et reposaient à même le sol dans un havre de silence immortel, un autre encore lui prédisant des rencontres pour l’accueil futur de sa population traversée infiniment de nouveaux venus par mer, par les terres et les cours d’eau.
Léon, interrompu dans ses projets immédiats, s’accorda d’y renoncer pour l’instant.
Il fit amende honorable à ses fidèles lanternes venues le quérir et le ramener en sa demeure.
Prendre congé de ses hôtes lui fut douloureux.
Un vent de liberté appris pendant ces quelques jours de délivrance lui avait donné le change.
Sortir de son trône, quitter ses contraignantes obligations, être lui même son seul maitre et son unique seigneur.
Le pouvait-il vraiment ?
Encore combien de temps lui faudrait-il pour renouer par son plaisir de la rencontre de ses sujets hors des perpétuelles assistances à sa charge et à ses obligations ?
Nul ne le savait pour l’instant, une bonne chose faite pour lui, choisir par lui même la voie de ses rencontres, il emboita le pas de retour la nuit à la belle étoile des lanternes prises à leur enchantement.
Le Roi Léon était bien là. Il serait toujours là pour le contentement des fééries lumineuses de la nuit !
8 – Le chant du retour des féériques lanternes.
Venues nombreuses une voix cristalline s’éleva de ce choeur et l’on put entendre :
Oui Léo de l’Ibaia, aimé de ta cité, comme il nous plait de l’habiter,
Bai Léo au coeur de tes enfants, nos larmes et nos sanglots te vouent notre amitié,
Un temps si long pour te chercher, un temps si court pour te trouver,
Ibaia se changea de rouge et les cours d’eau de couleur cendre,
Les lanternes désignées par leurs noms, Ikarki, Alaia, Axita, Pexina en unisson rassemblées,
Se mirent en choeur à t’appeler, Léo, Léo,
Oui Léo, Léo, de ce pays du feu et de lumière,
Attendris nos coeurs réjouis te voyant le chanter
Léo, Léo Bizi dadin betiko !
Par le son de nos voix emportées et chaudes des nuits d’été,
Léo, Léo du ciel et de lune se donnant la main,
Du jour naissant et d’un sommeil écourté, se tenant par les pieds,
Léo, Léo la foule des grands soirs t’attend encore,
Et dès ce petit matin te salue largement, que vive Léo, et soit le plus longtemps !