Dans un poème composé par Francis Jammes, le poète d’Orthez et d’Hasparren – Eyhartzia, évoque la marche de l’âne, son ami, en chemin vers le paradis.
« Lorsqu’il faudra aller vers vous, O mon Dieu, faîtes que ce soit par un jour où la campagne en fête poudroiera.Je désire, ainsi que je fis ici-bas, choisir un chemin pour aller, comme il me plaira, au Paradis, où sont en plein jour les étoiles. Je prendrai mon bâton et sur la grande route j’irai, et je dirai aux ânes, mes amis : “Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis, car il n’y a pas d’enfer au pays du bon Dieu” ».
Je leur dirai : « Venez doux amis du ciel bleu, pauvres bêtes chéries qui, d’un brusque mouvement d’oreille chassez les mouches plates, les coups et les abeilles.
Que je vous apparaisse au milieu de ces bêtes que j’aime tant parce qu’elles baissent la tête doucement, et s’arrêtent en joignant leurs petits pieds d’une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J’arriverai suivi de leurs milliers d’étoiles, suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles, de ceux traînant des voitures de saltimbanques ou des voitures de plumeaux et de fer blanc, de ceux qui ont au dos des bidons bossués, des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés, de ceux à qui l’on met de petits pantalons à cause des plaies bleues et suintantes que font les mouches entêtées qui s’y groupent en ronds.
Mon Dieu, faîtes qu’avec ces ânes je vous vienne. Faîtes que dans la paix, des anges qui conduisent vers des ruisseaux touffus ou tremblent des cerises lisses comme la chair qui rit des jeunes filles, et faites que penché dans ce séjour des âmes, sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes qui mireront leur humble et douce pauvreté à la limpidité de l’amour éternel ».
Francis Jammes disparut en novembre 1938, et l’on pleura le poète de ce Pays des Basques et des Béarnais comme le patriarche aimant de sa terre et du paradis.
Dans sa barbe blanche, longue et fournie, il fut un berger monté sur un âne en chemin vers le paradis, confondant sa vie et sa monture dans sa poésie et le théâtre qui trouvèrent dans ses poèmes fleuris des sujets de contentement très contemporains.
L’amour franciscain de la terre, des floraisons et des champs, la candeur sublime de l’âme du poète qui s’émerveille de la beauté de la création, un auteur au verbe souverain et simple.
Un compagnon de Paul Claudel, de son temps et d’une histoire personnelle que rapprochent le mystère et le sens de la vie.