Dans le cadre des Journées Européennes de l'Architecture, "Bayonne Centre Ancien" propose le samedi 16 novembre deux conférences dans le grand salon de la mairie de Bayonne :
- à 10h30 : « Démolition ou réhabilitation au début du XXème siècle, à travers des exemples bayonnais » avec : Michel Dassié, Marc Wittenberg et Jérôme Ibarzo.
- à 14h : « Démolition, reconstruction : L'histoire des Halles de Bayonne » avec : Jacques Leccia.
Site internet : www.bayonnecentreancien.fr / Courriel : bayonnecentreancien@gmail.com
Ces deux conférences seront suivies à 18h par celle de la SSLA avec Marilyne Chevrel, consacrée à l'histoire du Monument aux Morts.
10h30 : « Démolition ou réhabilitation au début du XXe siècle, à travers des exemples bayonnais »
Il sera (entre autres) question de "la démolition des fortifications militaires du Réduit et de l’actuelle place des Basques, à travers l’évocation des bâtiments aujourd’hui disparus, grâce à des maquettes numériques".
A ce propos, je ne puis manquer de citer des extraits de mon ouvrage "Vol au-dessus de Bayonne" (*) paru en 2011 avec une préface du Dr Jean Grenet (alors maire de Bayonne) et les belles illustrations aquarellées de Jean Pattou "dans une originale perspective curviligne":
De l'impressionnant dispositif de défense qui protégeait le flanc septentrional de Bayonne en contrôlant à l'extrémité de la "presqu'île" du Bourg-Neuf le passage stratégique entre le Pont Saint-Esprit sur l’Adour et le Pont Mayou sur la Nive... Il ne reste plus que l’échauguette qui a été reconstruite récemment ! Il s'agit du « Réduit », ce bel ensemble classique achevé vers 1760. Un buste de Louis XV l'ornait mais il avait disparu à la Révolution.
Cet important ensemble défensif existait encore à la fin du XIXe siècle mais il était phagocyté par de pittoresques - pour ne pas dire laides - baraques. L’une, en bois, élevée sur pilotis, était un modeste débit de boisson surmonté de panneaux publicitaires pour la Pharmacie Demolon, le chocolat Biraben et les meubles d'occasion de la rue Lagréou.
La Porte de France, qui avait vu les fleurs de lys qui la surmontait martelées en 1793, s’élevait au coeur du « Réduit » - terme militaire désignant un ouvrage construit à l'intérieur d'un autre -. Elle portait le nom du pays vers lequel elle donnait accès, la France ! Autour de la porte, des voûtes qui abritaient toute sortes de petits marchands: cartes postales, bonbons, Marianne la castagnère, bouquinistes et quelques mendiants mêlés aux flâneurs. On y trouvait la fraîcheur l'été, refuge et distraction en cas de bourrasque, avant de traverser les deux ponts - à pied, naturellement !
Une tranchée sur la gauche, le long de l'immeuble Personnaz, facilitait alors la circulation pour contourner cet ensemble défensif.
Ou, avec le développement des transports, voitures et surtout lignes de tramway, le passage devenait trop étroit et l'on démolit, hélas, le Réduit. Un peu moins d'un siècle plus tard, on retrouva heureusement les pierres de la belle Porte de France qui avaient été étiquetées et rangées, et on la reconstruisit en lui restituant son blason royal avec les fleurs de lys martelées sous la Révolution. Mais l'endroit choisi, bien qu'adossé aux murailles, se trouve en fait aux antipodes de la ville, sous le boulevard Lachepaillet : elle n'est plus orientée vers la France mais plutôt vers ses voisines, Anglet ou Biarritz et ouvre désormais le petit tunnel qui fait communiquer le Château Vieux avec le délicieux jardin botanique, un peu élargi.
Les Halles, détruites et reconstruites... plusieurs fois !
L’emplacement stratégique de Bayonne en fit, dès le haut moyen-âge - et peut-être depuis les Romains -, la première place commerciale et le premier marché de la région, avant de servir également de débouché maritime pour le Royaume de Navarre, amputé par les Castillans de sa façade maritime guipuzcoane dès 1200. Non sans provoquer des conflits, parfois sanglants, avec l’arrière-pays à propos de privilèges d’exclusivité et de taxes prélevées sur les marchandises entrantes : cidre, vins, eaux de vie et produits de la terre, poissons et jambons exportés vers l’Angleterre et d’autres pays nordiques.
Le marché aux poissons se tenait au port de Bertaco, situé au bas de l'actuelle rue Poissonnerie. Particulièrement au Moyen-Age, la pêche a toujours représenté la part importante d'une alimentation par ailleurs précaire et soumise à de nombreux jeûnes commandés par l'Eglise. Ainsi attrapait-on aux environs de Bayonne et dans la Nive, des brochets, des tanches, des lamproies, des louvines, et surtout des " creagadz " ou jeunes esturgeons, très appréciés en ces temps là, grâce aux " bertaudz " ou verviers, soit des filets de pêche en forme d'entonnoir, montés sur cercle et fermés au fond.
Cette pêche fluviale était déjà sévèrement réglementée. Pratiquée sur des embarcations appelées tilholes, elle alimentait ainsi le Port deu Peichs ou marché aux poissons bayonnais en coulacs (aloses), saumons extrêmement nombreux, et creags (esturgeons), à ce point estimés que la valeur de ce poisson disparu de nos rivières atteignait presque le prix d'un tonneau de vin !
Il y avait encore beaucoup d’autres marchandises qui s’y échangeaient. Les grains arrivés par mer ainsi que des cuirs apprêtés , des matières résineuses. Les artisans étaient regroupés en corporations dans les rues des Faures (armuriers), de la Carneceira (bouchers), des Merciers, etc...
Les foires aux draps et aux étoffes conservèrent leur renom jusqu’au XIXe siècle. L’artisanat du lin constituait un des piliers de l’économie basque depuis le XVIe siècle. C’était l’affaire des femmes qui gagnaient ainsi en considération pour leur labeur mais aussi en « vie sociale » : leurs réunions joyeuses donnaient lieu à chansons et même à fiançailles. Quant à la matière première, elle était importée principalement du Portugal et répartie, depuis les ports, jusque dans les fermes les plus éloignées. Dans des inventaires du XVIIIe siècle, on trouvait la toile du Païs, autrement dit Otorraoihalac ainsi que des métiers à tisser avec des machines appelées Orraciaq.
A cette époque, le commerce des tissus était florissant à Bayonne. Il s’y tenait d’importantes foires et le « bureau de contrôle des manufactures » étendait sa juridiction au-delà de Pau : une activité qui y attira dès 1708 la famille des négociants limougeauds David, ancêtres du célèbre botaniste ezpeletar Armand David. Si en 1765, on recensait 800 métiers au Pays Basque, quinze ans plus tard, ils étaient 2 000… Mais l’importante richesse économique locale que représentait cette fabrication familiale et artisanale passa inaperçue dans l’importante production française de l’époque ; elle s’étiola, les ravages de la révolution et l’industrialisation firent le reste.
Les vieilles chroniques mentionnaient aussi les armes de Biscaye. On a lieu de croire qu’une partie de ces armes, dont on vantait la trempe et le travail, étaient fabriquées par la corporation des armuriers qui occupait la rue des Faures. Sous Richard cœur de lion et Jean sans terre, ces ouvriers en fer étaient très renommés pour la fabrication des arbalètes. L'arme appelée bayonnette, qu'on dit avoir été inventée à Bayonne sous Henri IV, a peut-être dû son nom à ces baïonniers.
Evidemment, l’intérieur du pays devait participer à ces flux économiques.
La construction d'un pont sur la Nive et d'un autre sur l'Adour, prouve que le marché de Bayonne, par la commodité de sa situation, et une quasi-exclusivité de son commerce maritime, attirait comme aujourd'hui les habitants du Labourd, des Landes, du Béarn et de la Navarre.
A ce concours se joignit pendant près d'un siècle une affluence continuelle de pèlerins qui, de toutes les parties de la chrétienté, se rendaient en Espagne pour visiter le tombeau de saint Jacques de Compostelle, ou combattre l’invasion des Musulmans.
Mais ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on construira enfin un bâtiment digne de l’intense commerce bayonnais, entre les deux anciens « ports » de Bertaco et de Suzeye où, déjà dans l’Antiquité, les galères romaines chargeaient les denrées arrivées par voie fluviale ou terrestre depuis l’arrière-pays, en particulier les fameux jambons des Tarbelli, ainsi que les langoustes.
Les Halles de Bayonne seront en effet édifiées entre 1860 et 1866, en bordure du quai nommé à l'époque « Quai Napoléon », ainsi le voulait le Second Empire.
Succédant à une autre construction, plus petite, qui avait été édifiée en 1831 à la place de l’ancien l'Hôtel de Ville, sur la Place Notre-Dame, le nouvel édifice comporta une charpente métallique, sur le modèle des célèbres pavillons Baltard parisiens. Il aura fallu démolir 27 maisons et reloger 700 personnes. Dans les années trente, de grandes fêtes traditionnelles, « les verbenas », y étaient données, avec chants et danses basques dans de superbes décorations, mises en scène et illuminations.
Ce bâtiment durera jusqu’au soir du 11 janvier 1945 lorsque, sous le poids inhabituel de la neige, la toiture s'effondra en un bruit sec d'explosion !
Un toit provisoire sera mis en place, jusqu’en 1968 qui voit la construction d’un nouveau bâtiment doté d’un important parking. Mais le style « tout-béton » de ces années 60 vieillira très vite. Et en décembre 1994, les architectes reviendront au style Baltard traditionnel…
Rue Poissonnerie, face aux halles et bénéficiant encore des délicieux effluves du "Café du Negro" voisin, la Maison Moulis ainsi nommée du nom d'un pharmacien qui en fut propriétaire sous la Restauration date de la Renaissance. Très caractéristique des constructions bayonnaises à colombages de Bayonne, on remarque son décor sculpté et ses lucarnes XIXe surmontées de pinacles. Sur son flanc nord, elle ouvre le Quai Jauréguiberry, du nom d'un amiral bayonnais (1815-1887) devenu ministre de la Marine. Il est bordé de belles maisons des XVIIe et XVIIIe siècles.
(*) "Vol au-dessus de Bayonne", préface du Dr Jean Grenet, maire de Bayonne, aquarelles de Jean Pattou,, 128 pp., 15 Euros, sur commande à l'auteur, Alexandre de La Cerda, tél. 06 62 72 56 49 ou atolstoi@orange.fr