1 – Le Maire du village et l’entrepreneur.
Eudes Bessières fut élu maire en 1965 et le resta jusqu’à son décès en 1993 : le mandat qui avait débuté en 1989 se terminant en 1995, la fonction de maire pendant ces deux dernières années fut assurée par son premier adjoint ,Aristide Bidart. En 1995, Michel Etcheverry, le maire actuel, fut élu. Il nous a fait part de ses souvenirs concernant l’action de son prédécesseur.
Durant ses mandats, Eudes Bessiéres, grâce à sa double casquette de maire et de chef d'entreprise, donna du travail à toute une génération de Lekuindars.
Il fut membre actif du Biltzar, qui à l'époque rassemblait de nombreux élus de toutes sensibilités politiques.
En 1986, sous son mandat, fut construite la salle polyvalente abritant un mur à gauche aux normes de la Féd. Fr. de Pelote Basque. Ce bâtiment fut inauguré en présence de Michèle Alliot-Marie, alors secrétaire d'Etat, et de nombreuses personnalités et élus locaux.
L'entreprise Boncolac avait démarré avec les parents d'Eudes Bessiéres, en particulier sa mère, véritable femme d'affaires qui lança la fabrication du beurre nommé « beurre de la grotte » en référence sans doute à la grotte que l'on trouve au centre du village ; le lait était collecté chaque jour par des muletiers auprès des fermes des environs. Ce n'est que de nombreuses années plus tard que des camionnettes prirent le relais pour assurer cette collecte.
Eudes Bessiéres, tout en poursuivant dans un premier temps la production de beurre, décida de se lancer dans la commercialisation du lait. Tout d'abord du lait "nature" qu'il commença à exporter vers les colonies de l'époque (Algérie, Indochine etc.). Ce lait venant de Bonloc, riche en matière grasse, connaissait un vrai succès .
Puis il eut l'idée d'ajouter des arômes dans le lait (grenadine etc.) et, bien sûr, le chocolat, ce qui fit le succès du "Boncolac", boisson chocolatée par excellence.
Jamais à court d'idée, Eudes Bessiéres lança rapidement la fabrication de crèmes glacées, puis de gâteaux basques.
En 1975, il créa l'usine actuelle de Boncolac au centre du village. Une usine ultra moderne pour l'époque !
Les produits Boncolac, réputés pour leur saveur et leur richesse en matière grasse, se vendent alors dans toute la France et même au-delà des frontières.
Au début des années 1980, il décida de céder l'affaire à la coopérative agricole Ulpac.
Après quelques mois de semi retraite, en véritable chef d'entreprise qu'il était, il se lança avec succès un nouveau défi en investissant dans une usine de commercialisation de crevettes basée à Lahonce.
Enfin, dernière phase de sa riche carrière d'entrepreneur, il décida de se lancer dans la promotion immobilière à Bayonne tout d'abord (domaine de Biscardy), puis à Anglet et Biarritz. Encore une fois, le succès fut au rendez vous...
En parallèle, toujours à la pointe des évolutions de l'économie et des marchés, il investit dans des vignobles en Californie.
Fourmillant d'idées, la maladie ne lui a pas permis d'aller au bout de tous ses projets, tant il en avait !
Michel Etcheverry, maire de Bonloc.
2 – Un homme, une vie
Il est dans nos paysages agricoles des entrepreneurs un peu oubliés qui ont marqué leur époque et la vie locale de nos communes paysannes. Eudes Bessières et la maison Boncolac à ses débuts à Bonloc font partie de ces aventuriers besogneux qui ont réussi par l’audace et le travail.
L’histoire commence à la maison Harania du bourg de Bonloc. La famille Inschauspé Mendilahatxu tient la ferme avec l’épouse qui eut l’idée de produire du beurre estampillé « La Grotte », endroit près du coeur du village.
Elle mit en place un réseau de collecte du lait auprès des fermiers alentour qui lui apportaient le produit de la traite des vaches broutant dans les prés environnants, et confectionna le beurre qui fera la réputation initiale de sa vente à la ferme.
Les circonstances tragiques de la mort de son mari lors d’un accident de travail causé par son cheval feront de cette femme devenue veuve une paysanne entreprenante qui comprend que les produits dérivés du lait peuvent ajouter des revenus à son travail de la ferme.
Initialement, elle commercialise donc le beurre, puis encore des boissons chocolatées que l’on retrouvera à grande échelle dans la maison Boncolac à Bonloc.
Son remariage avec le père d’Eudes Bessières, contrôleur laitier venu de l’Aveyron et ayant des attaches dans la production de fromages Roquefort, donneront au couple l’audace nécessaire pour imaginer encore des crèmes et des produits glacés de ces laitages naturels appréciés et réclamés par les clients.
Dotés de caractère, le couple osa et, prenant des risques, obtint le résultat espéré. Eudes hérita de cette tradition familiale.
Nous sommes à Bonloc, un village à l’époque mal desservi par le réseau routier. Mais qu’importe les audaces payent leur dividende de réussites.
Le lait matière noble répandue dans la campagne alentour fournit la subtance et le travail suivra. Les anciens se souviennent de ces bacs où se faisait chaque jour le beurre jusque dans nos fermes puis dans ces barattes qu’il fallait encore actionner à main d’homme, et manufacturer pour le mettre à disposition des acheteurs.
La baratte permettait de recueillir le beurre extrait du petit lait après un travail de près de deux heures à tourner le lait jusqu’à l’obtention de cette pâte compacte dont on tirait le produit dérivé.
Point de machines, mais des bras bien armés qui produisaient chaque jour le précieux sésame à base de lait que l’on retrouva au fil des ans dans les commerces des communes voisines.
Eudes Bessières apporta la connaissance technique de produits dérivés, bâtons de glace parfumés, boissons chocolatées, qui enrichirent les premières créations à Boncolac et n’ont cessé depuis, de se répandre au-delà de la région, dans la France entière.
En fée du logis - crémière tenace et volontaire à ses débuts -, Madame Bessières Mendilahatxu donna le mouvement à une initiative empirique qui depuis ce temps n’a fait que prospérer à Bonloc, dans des unités de production mécanisées à plus grande échelle par Eudes Bessières.
Eudes Bessières fut aussi le maire du village pendant 28 ans. Aveyronnais de naissance, Basque d’adoption, son père donna son nom à une entreprise familiale marquée dès ses débuts par le parcours professionnel et personnel de ces pionniers.
3 – Bonloc, une histoire singulière.
Possession navarraise à la frontière des provinces du Labourd et de la Basse Navarre, la commune disposait d’une commanderie et d’une maison des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle : la maison « Karrika » fut occupée par les soeurs Ursulines, puis vendue à des particuliers.
Elle fut soumise à la présence anglaise, devint possession de Roncevaux puis du Diocèse de Bayonne.
Objet de litiges, de rapports de pouvoir et d’intérêt, le village connut des divisions religieuses entre catholiques et réformés, mais maintint son identité par la reconstruction d’une église à l’emplacement de la précédente pour la paroisse de Bonloc.
L’histoire du village fut ainsi marquée par ces disputes territoriales et ces changements de régimes successifs, en le soumettant aux divers pouvoirs qui l’administrèrent au fil du temps.
Terre agricole de pâturages et d’élevages, le village connut encore les alliances de Francis Jammes, le poète établi à Orthez puis à Hasparren, dont une des filles épousa un fils Inchauspé allié à la famille Bessières, créateur de la maison Boncolac.
Jammes fréquenta ainsi le village et dédia à ses habitants des écrits bucoliques que l’on retrouve dans ses livres.
Maladie et épidémie ayant décimé sa population et ses troupeaux, le village se repeupla et devint autonome après un temps de « sujétion » navarraise qui faillit lui être fatale, mais au cours de son histoire, il se redressa grâce au regain d’activité auquel la maison Boncolac contribua assurément au XXème siècle.