Depuis les fenêtres de son salon situées face au musée Bonnat rue Jacques Lafitte, sous l'oeil d’une reproduction de l’empereur de Russie Nicolas II d’après Sérov à côté d'un portrait de l'élève de Bonnat - Léon Daniel Saubès par Henri Zo - l'historien, enseignant, musicologue et collectionneur Etienne Rousseau Plotto, passionné d'histoire de l'art, avait souhaité en savoir plus sur ce grand maître qui avait offert une des plus prestigieuses collections de peintures d’Europe à la ville de Bayonne.
« Considéré par les modernistes comme un peintre sombre et austère, j'ai voulu témoigner en écrivant un livre sur la généreuse et chaleureuse personnalité de ce grand maître de la peinture que je connais bien depuis 28 ans », explique Etienne Rousseau-Plotto.
Anne de MLC / A propos de l'enfance bayonnaise de Léon Bonnat, que pouvez-vous nous dire ? Dessinait-t-il déjà à cette époque ?
Etienne RP/ Léon Joseph Florentin Bonnat est né le 20 juin 1833 rue Victor Hugo à Bayonne. Il fut baptisé à la Cathédrale Sainte-Marie. Ses parents, le négociant Joseph Bonnat et son épouse Florentine Sarvy, d'origine Lyonnaise, s'étaient établis avec leurs nombreux enfants dans divers quartiers dont celui de Saint-Etienne. Un cousin de Léon Bonnat, le réputé professeur de dessin, gravure et lithographie Romain Julien, avait décelé la dextérité inhabituelle des dessins de l’enfant.
Anne de MLC / Suite aux mauvaises affaires de Joseph Bonnat, à peine la fin de la monarchie de juillet proclamée, toute la famille Bonnat et leur fils Léon âgé de 13 ans s’installèrent en 1848 à Madrid où Joseph Bonnat tiendra une librairie.
Etienne RP/ Joseph Bonnat, natif de Madrid, avait gardé des contacts dans sa ville natale. Il inscrivit son fils à l'atelier très réputé de Frederico de Madrazo à l'Académie de Beaux-Arts San Fernando de Madrid.
Léon eu la chance d'y recevoir un enseignement de qualité. Pendant ses années d'études, accompagné de son père, il fréquenta le musée du Prado, très impressionné par la peinture espagnole, et plus particulièrement par Vélasquez.
Son style classique était emprunt de romantisme et d’hispanisme. Ceci explique plus tard toute l'originalité de Bonnat. (Voir le Portrait de Mme Camille Molinié née Refugio de la Puente, 1871).
Anne de MLC / A la mort de son père, Léon Bonnat âgé alors de 20 ans, était revenu à Bayonne au début du Second Empire. Brillant étudiant, il aurait pu rester à Madrid. Pourquoi avait-t-il décidé de quitter l'Espagne où il aurait pu faire carrière ?
Etienne RP/ Bonnat se sentait un patriote français. Il se rendit dans sa ville natale où il avait laissé quelques alliances familiales et des amis. Sur les conseils de l’éminent professeur Romain Julien, le maire de Bayonne Jules Labat lui octroya une bourse pour continuer ses études aux Beaux-Arts de Paris. Bourse en poche, Bonnat devint aux Beaux-Arts de Paris l'élève du peintre néo-classicisme et romantique Léon Cogniet (1784-1880) premier prix Rome.
Anne de MLC / Bonnat travaille avec persévérance et se présente à son tour au prix de Rome.
Etienne RP/ Il concourra trois fois pour finalement recevoir un second prix à la suite de sa toile "La Résurrection de Lazare" en 1857. Pour lui, c'est un échec, seuls les premiers prix récompensés peuvent séjourner à la Villa Médicis.
Face à son désarroi, le maire de Bayonne Jules Labat lui fait accorder généreusement une seconde bourse pour une durée de trois années consécutives dans la Ville éternelle.
Arrivé à Rome, admiratif de Michel Ange, Bonnat peaufina sa formation déjà exceptionnelle qui lui avait permis de connaître les chefs d’œuvres de la capitale.
Anne de MLC / De retour en France, après son séjour à Rome, Bonnat se consacra à des œuvres d‘inspiration italienne. Ses compositions traitaient presque exclusivement de sujets religieux, tels le Martyre de saint Vincent, le Christ en croix, considéré trop réaliste. Comment se déroulera son ascension malgré les critiques ?
Etienne RP/ A partir de 1860, Bonnat devint de plus en plus connu. A Paris, l'impératrice Eugénie qui l’avait remarqué, acquit plusieurs de ses tableaux, dont celui des « Pèlerins au pied de la statue de Saint Pierre à Rome» (voir ci-joint). Cette œuvre exceptionnelle réalisée en 1864 fut ovationnée par Théophile Gauthier. Elle figure aujourd’hui au Musée Bonnat-Helleu. En 1867 sous le Second Empire, Bonnat est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Elu membre de l'Institut en 1881, il devint à Paris professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, puis directeur en 1905. Il présida le Conseil Supérieur des Musées qui acceptait ou refusait les œuvres qui devaient enrichir les collections nationales. Grand-Croix en 1900, Léon Bonnat n’avait cessé d’accumuler les titres.
Anne de MLC / A la mort de son père, Léon Bonnat âgé alors de 20 ans, était revenu à Bayonne au début du Second Empire. Brillant étudiant, il aurait pu rester à Madrid. Pourquoi avait-t-il décidé de quitter l'Espagne où il aurait pu faire carrière ?
Etienne RP/ Bonnat se sentait un patriote français. Il se rendit dans sa ville natale où il avait laissé quelques alliances familiales et des amis tel Charles Lavigerie, le futur cardinal. Sur les conseils de l’éminent professeur Romain Julien, le maire de Bayonne Jules Labat lui octroya une bourse pour continuer ses études aux Beaux-Arts de Paris. Bourse en poche, Bonnat devint aux Beaux-Arts de Paris l'élève du peintre néo-classicisme et romantique Léon Cogniet (1784-1880) premier prix Rome.
Anne de MLC / Bonnat travaille avec persévérance et se présente à son tour au prix de Rome.
Etienne RP/ Il concourra trois fois pour finalement recevoir un second prix à la suite de sa toile "La Résurrection de Lazare" en 1857. Pour lui, c'est un échec, seuls les premiers prix récompensés peuvent séjourner à la Villa Médicis. Face à son désarroi, le maire de Bayonne Jules Labat lui fait accorder généreusement une seconde bourse pour une durée de trois années consécutives dans la ville éternelle.
Arrivé à Rome, admiratif de Michel Angle, Bonnat peaufina sa formation déjà exceptionnelle qui lui avait permis de connaître les chefs d’œuvres de la capitale.
Anne de MLC / De retour en France, après son séjour à Rome, Bonnat se consacra à des œuvres d‘inspiration italienne. Ses compositions traitaient presque exclusivement de sujets religieux, tels le Martyre de saint Vincent, le Christ en croix considéré trop réaliste. Comment se déroulera son ascension malgré les critiques ?
Etienne RP/ A partir de 1860, Bonnat devint de plus en plus connu. A Paris, l'impératrice Eugénie qui l’avait remarqué, acquis plusieurs de ses tableaux dont celui des « Pèlerins au pied de la statue de Saint Pierre à Rome» (voir ci-joint). Cette oeuvre exceptionnelle réalisée en 1864 fut ovationnée par Théophile Gauthier. Elle figure aujourd’hui au Musée Bonnat-Helleu. En 1867 sous le Second Empire, Bonnat est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Elu membre de l'Institut en 1881, il devint à Paris professeur à l'Ecole des Beaux-Arts, puis directeur en 1905. Il présida le Conseil Supérieur des Musées qui acceptait ou refusait les œuvres qui devaient enrichir les collections nationales. Grand-Croix en 1900, Léon Bonnat n’avait cessé d’accumuler les titres.
Anne de MLC / Durant sa vie, Léon Bonnat aura donc vécu en France les bouleversements politiques de plusieurs régimes : la Monarchie de Juillet, (la Seconde République, il ne l'aura presque pas connue puisqu'il vivait en Espagne), le Second Empire et sa chute en 1870, ainsi que l’avènement de la Troisième République, période durant laquelle il s’enrichit. Quel rapport Bonnat entretenait-t-il avec le pouvoir ?
Etienne RP/ Léon Bonnat ne se plaçait pas en homme politique. Trop artiste, il ne s'impliquait pas. Il s'adaptait aux pouvoirs mis en place tout en restant indépendant. On compte par exemple parmi ses amis le quatrième fils de Louis Philippe, le duc d’Aumale, mais aussi le républicain Gambetta, adversaire du Second Empire.
Anne de MLC / Pendant les guerres qu'il avait traversées, Bonnat s'était-il impliqué ?
Bonnat s’était beaucoup engagé en 1870. Pendant la guerre de 14-18, il anima la Résistance et soutenait généreusement les soldats et les familles d’artistes dans la misère.
Anne de MLC / Quels étaient ses autres amis ?
Etienne RP / Bonnat possédait de nombreux amis, parmi eux les écrivains, Zola, Flaubert, Victor Hugo, Théophile Gauthier... Le peintre Degas qui réalisa un portrait de Bonnat, les compositeurs Massenet, Widor, et Saint Saëns qui, tout comme Bonnat, fut qualifié de rétrograde à la fin de sa vie.
Anne de MLC / Bonnat reviendra-t-il souvent sur la Côte Basque ? Peindra-t-il des paysages ?
Etienne RP/ Parisien, Bonnat séjournera régulièrement à Saint-Jean-de-Luz. On ne connaît que très peu de vues de cette période. Le Musée Basque possède une marine de Saint-de-Luz (voir ci-joint) ainsi qu’un grand tableau à l’huile figurant un chemin inconnu de Saint-de-Luz. A cette époque, devenu riche et célèbre, Bonnat achètera en 1876 une maison « Bonnat Baïta » (qui signifie en basque : propriété de Bonnat) sur le quai de l’Infante à Saint-Jean-de-Luz. Son nom fut malheureusement effacé par une restauration récente.
Anne de MLC / Bonnat et l'enseignement. Quels furent ses élèves les plus doués ?
Etienne RP/ Il fut un excellent professeur. Il encourageait ses élèves en exigeant la qualité du dessin tout en les laissant libres d’exprimer leur personnalité. On compte parmi eux : Sargent, Thomas Eakins, Henri Zo, Denis Echeverry, Saint-Germier, Gabriel Deluc, Georges Bergès, Eugène Pascau, Marie Garay... ou encore Léon Daniel Saubès, dont une copie du tableau de Victor Hugo par Bonnat figure au musée Victor Hugo à Paris.
Etienne rajoute : « Dans mon livre, Je me suis arrêté en 1883, Bonnat âgé de 50 ans figurait parmi les peintres les plus reconnus de son époque. Sa vie aura été tellement dense et longue puisqu'il est décédé à l’âge de 89 ans. J'espère publier un second volume. »
Prochainement , Etienne Rousseau-Plotto jouera des chorals et des noëls en écho du magnifique tableau de l’Assomption de Bonnat à l’église Saint André dont il a été nommé titulaire des orgues.
Jeudi 1 décembre à 18 h au Musée Basque : Etienne Rousseau Plotto donnera une conférence sur Bonnat.
Son prochain livre : « Doux pays, le roman de Léon Bonnat » aux éditions Atlantica sortira pour les fêtes de Noël.
En parallèle, l’exposition « Léon » organisée par Maietena Horiot-Ortega commissaire vous permettra de découvrir les photos, les documents témoins de cette époque aux Archives de Bayonne . L'exposition Léon, est programmée jusqu'au 31 décembre.
Légendes
1 Livre Doux pays, le roman de Léon Bonnat « aux éditions Atlantica 1 Photos de Bonnatjeune
2 - Photos de Bonnat jeune et Acte de naissance de Léon Bonnat à Bayonne aux Archives de Bayonne © Photo A de MLC
3 - Pèlerins au pied de la statue de Saint Pierre à Rome» acquis par l’impératrice Eugénie © Coll Musée Bonnat – Photo A. Vaquero
4- Bonnat, Portrait de Mme Camille Molinié née Refugio de la Puente, 1871, © Coll. particulière
5– Marine de Saint-Jean-de-Luz de Bonnat présentée par le conservateur Olivier Ribeton © Photo A de MLC
6 - Gravure de l’auto-portrait de Bonnat, 1898 exposée aux Archives de Bayonne © Coll. particulière
7 - Etienne Rousseau-Plotto © Coll. particulière
