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Cinéma
En espérant pouvoir aller au cinéma cette semaine... "Touchez pas au grisbi" (1954) de Jacques Becker (2)
En espérant pouvoir aller au cinéma cette semaine... "Touchez pas au grisbi" (1954) de Jacques Becker (2)

| Jean-Louis Requena 830 mots

En espérant pouvoir aller au cinéma cette semaine... "Touchez pas au grisbi" (1954) de Jacques Becker (2)

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"Dernier Atout", 1942 ©
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Jacques Becker en tournage ©
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Touchez pas au grisbi (94’)

Max le menteur (Jean Gabin) et Henri Ducros, dit Riton (René Dary) sont deux truands d’une cinquantaine d’années, amis d’enfance, et associés depuis leur prime jeunesse. Ils viennent de réaliser un hold-up parfait sur le terminal d’Orly. Butin du larcin, 50 millions de francs en lingots d’or. Riton qui vit avec Josy (Jeanne Moreau) sa petite amie la « rencarde ». Josy raconte l’histoire à Angelo Fraisier (Lino Ventura) chef d’une bande rivale. Après une tentative ratée d’enlèvement de Max pour lui faire avouer où est caché l’or (« à la caresse »), Angelo enlève Riton qu’il propose de libérer en échange des lingots d’or.

Max hésite (« je suis un beau fumier »), mais finit par accepter la transaction. Celle-ci doit avoir lieu la nuit, en pleine campagne. Armé et escorté de Pierrot (Paul Frankeur) un ami proche, patron de boite de nuit, et du jeune Marco (Michel Jourdan) il s’y rend pour procéder à l’échange : Riton contre sa rançon, les lingots d’or.

Mais la transaction ne se déroule pas comme prévu …

Avec son casting imposant et un financement assuré Jean Becker peut, comme il le souhaite, peaufiner sa mise en scène toute en rigueur, mais naturelle. Il excelle dans les scènes intimistes entre les deux amis, Max et Riton, où toute la tendresse entre ces deux truands vieillissants est exposée avec force et pudeur : « petite tête de hérisson » dit Max à Riton en regardant ses cheveux ébouriffés. Jean Becker filme avec fluidité toute les séquences intermédiaires, celles d’avant les actions sur lesquelles il se concentre moins. Comme toujours il accumule en périphérie les « petits faits vrais » plutôt que de décrire les personnages par des scènes d’exposition. L’argot des gens du milieu si typique dans le cycle de roman d’Albert Simonin (qui imprimé est un atout littéraire), est ici évacué : les personnages ont des dialogues simples, concis, quotidiens. C’est leur apparence physique, leurs déplacements, les objets qu’ils manipulent qui nous renseignent sur eux. On reconnait la méticulosité des costumes, la justesse des décors mis en place par le réalisateur et son équipe.

Jean Becker a toujours pris soin d’intégrer peu de musique sur ses longs métrages. Dans Touchez pas au grisbi, il reste fidèle à la règle qu’il s’est fixée. Peu de musique, souvent inutilement redondante. Le compositeur Jean Wiéner (1896/1982) lui en propose une toute simple, nostalgique, à la mélodie lancinante, jouée à l’harmonica. Elle restera dans les oreilles et contribuera au succès du film.

Bien entendu, chez ce cinéaste, la direction d’acteur est excellente, précise. Les interprètes sont sobres, retenus, leurs jeux minimalistes. Ils ne cabotinent pas. Cela sera malheureusement le cas des films qui suivront celui-ci, issus de la trilogie écrite par Albert Simonin : Le Cave se rebiffe (1961) de Gilles Grangier avec Jean Gabin et Les Tontons Flingueurs (1963) de Georges Lautner avec Lino Ventura tous deux dialogués par Michel Audiard (1920/1985). Dans ces deux « films populaires » les dialogues étincelants de Michel Audiard cannibalisent les récits et banalisent la mise en scène : les mots supplantent les images réduites à une banale illustration. De surcroit les acteurs sur jouent les mots d’auteurs : c’est du cinéma du « samedi soir », derniers feux avant l’irruption de la télévision qui va fixer, chez eux, les spectateurs devant « les étranges lucarnes ».

Le « Cinéma de Papa » (350 millions d’entrées par an !) vit ses dernières années …

Touchez pas au grisbi sort dans les salles françaises en mars 1954 avec interdiction aux moins de 16 ans. L’accueil critique et commercial est enthousiaste : 4,7 millions d’entrées. Le film est présenté en sélection officielle à la Mostra de Venise 1954, où Jean Gabin remporte la Coupe Volpi (meilleure interprétation masculine) pour son interprétation de Max le menteur dans le film et celle de Victor Garrec pour dans L’Air de Paris de Marcel Carné également en compétition.

Jacques Becker (1906/1960)

Touchez pas au grisbi, le neuvième opus de Jacques Becker sera l’acmé de sa carrière de réalisateur. Auparavant, il n’avait depuis 1942 (Dernier Atout) réalisé que huit longs métrages dont trois sont devenus des classiques du cinéma français : Goupi Mains Rouges (1943) description corrosive d’une famille paysanne, Falbalas (1945) sur le milieu de la haute couture et Casque d’or (1952) drame amoureux dans le monde des « apaches » à la « Belle Époque ». 

De santé fragile, il ne réalisera plus que quatre films avant de s’éteindre en 1960 à l’âge de 54 ans.

Le Trou (1960), sorti sur les écrans en mai 1960, quelques semaines après sa mort, demeure le modèle absolu des films de prisons comme Touchez pas au grisbi a révolutionné les films noirs français et étranger quelques années auparavant.

P.S : Toute l’œuvre de Jacques Becker (13 films au total) est éditée ou rééditée en Dvd de qualité variable. Dans son long documentaire Voyage à travers le cinéma français (2016) Bertrand Tavernier (1941/2021) avoue son admiration pour ce cinéaste discret, inimitable, mais si important pour le cinéma de notre pays. François Truffaut (1932/1984) était également un grand admirateur du cinéaste pour son travail d’orfèvre (scénario, réalisation).

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"Casque d’or" (1952) ©
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Lino Ventura et Jean Gabin dans "Touchez pas au Grisbi" ©
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