La seconde trilogie (1968/1984) : Il était une fois… (suite)
Il était une fois en Amérique (1984)
Sergio Leone porte ce projet de très long métrage depuis une douzaine d’années. Hormis lui, pas moins de cinq scénaristes ont réécrit, peaufiné le scénario à partir du livre du roman The Hoods de Harry Grey sur une saga de petits voyous qui, adultes, deviendront les premiers gangsters du Lower East Side, quartier juif de New-York. Les amis d’enfance sont David « Noodles » Aaronson (Robert De Niro), Maximiliam « Max » Bercovicz (James Woods), Philip « Cockeye » (William Forsythe), Patrick »Patsy » Golberg (James Hayden) auxquels vient se joindre la jeune Deborah Gelly (Elizabeth McGovern) et d’autres protagonistes.
L’intrigue du film est complexe car elle suit en trois phases principales. La vie de David Aaronson, dit Noodles (Nouilles) : son adolescence en 1922, son âge adulte en 1933 et sa vieillesse en 1968. Le récit cinématographique d’une durée de 229 minutes (3h49’ – durée de référence) présenté hors compétition au Festival de Cannes 1984 multiplie les flashback (retour en arrière) et les flashforward (retour en avant). La structure en boucle évoque d’abord 1933 dans la fumerie d’opium (Noodles adulte) puis 1968 (Noodles âgé), 1922 (Noodles enfant), puis a nouveau 1968, puis 1933, retour au présent 1968 et enfin l’épilogue 1933 : la fumerie d’opium.
Comme pour ses précédentes œuvres, Sergio Leone ne décrit pas à proprement parler la réalité mais une rêverie sur celle-ci fantasme nourri par sa cinéphilie et ses lectures. Pourtant le socle sur le lequel il assoit ses récits de genre western, ou ici policier est recontruit avec un soin maniaque (décors, costumes, etc.) pour les dépasser par deux facteurs : la multiplicité des plans (montage mixant les valeurs de l’image : alternance de gros plans, plan moyen, plan éloigné) et la dilatation de la temporalité (durée de la séquence avec/sans musique).
Il était une fois en Amérique (Once Upon a Time in America) est un film ambitieux à gros budget (20 millions de dollars) que Sergio Leone a pu finalement monter grâce à l’apport massif de capitaux américains et d’un jeune producteur ambitieux : Arnon Milchan (1944). Ce qui sera à l’origine de nombreux déboires car le film sera raccourci dans sa version américaine (140’) et remonté chronologiquement ce qui lui retire tout intérêt, le banalisant.
Pendant le tournage long éprouvant en différents lieux (États-Unis, France, Italie – Cinecittà) on décèlera un problème cardiaque chez Sergio Leone qui s’aggravera avec le « charcutage » de son « Magnus opus » lors de l’exploitation du film aux États-Unis.
Après la difficile épreuve traversée par Sergio Leone lors du long tournage (8 mois) et laquelle s’ajoute l’exploitation de son film en salles, il songe à réaliser en Russie, un film sur le siège de Leningrad d’après l’ouvrage du journaliste américain Harrison Salisbury (1908/1993) : « Les 900 jours de Leningrad ». Après de longues négociations, il obtient les autorisations russes de tourner le film in situ. Ce sera son dernier projet.
Sergio Leone meurt brusquement chez lui à Rome, d’une crise cardiaque le 30 avril 1989 à l’âge de 60 ans. Ce soir-là, il regardait à la télévision (ou il avait interdit la diffusion de ses films !), en compagnie de sa femme Carla, le film de Robert Wise : I Want ti Live (Je veux Vivre ! - 1958).
Notons qu’en 1989, en Italie, fleuron du cinéma européen, 70% des italiens ne sont jamais allé au cinéma. La fréquentation des salles obscures a baissé de 60% depuis 1980.
Sergio Leone (1929/1989) : une vie de cinéma
Sergio Leone a vu le jour à Rome dans une famille d’artistes ostracisée par le régime fasciste de Benito Mussolini. Une enfance à la fois heureuse dans le quartier romain populaire du Trastevere où il a vu des films italiens, des comédies pour la plupart, des spectacles de rue (marionnettes sicilienne), puis après-guerre quantité de longs métrages américains. Comme tous les enfants de son âge il vit dans la rue avec ses copains. Très tôt en 1945 à (16 ans) grâce à son père Roberto Roberti, il côtoie l’industrie du cinéma pour le plus la quitter gravissant année après année tous les postes de stagiaire à réalisateur. C’est un homme cinéma : il visualise les scènes pour leur donner un impact maximum. Ses scénarios auxquels il collabore toujours, sans rien écrire, mais en mimant les scènes devant les rédacteurs et en les améliorant sans cesse se sont complexifiés avec le temps : un personnage (Pour une poignée de dollars), deux personnages (Et pour quelques dollars de plus), et ainsi de suite jusqu'à Il était une fois l’Amérique : 6 personnages enfants/adultes.
Sergio Leone est un metteur en scène accompli dès son premier « western spaghetti » dont le style est immédiatement reconnaissable : rythme lent, dilatation du temps, puis brusque dénouement. Ajoutons de nombreux très gros plans, plans d’ensemble avec de grandes profondeur de champs (Techniscope) l’ensemble souligné par la musique « efficace » de son ami Ennio Morricone. De fait, que cela plaise ou non (il a ses détracteurs), Sergio Leone a inventé un nouveau langage cinématographique qui a séduit un vaste public international (sauf au États-Unis pour certains opus).
Sergio Leone a influencé de nombreux metteurs en scène de renommée mondiale : Stanley Kubrick (violence et musique), Sam Peckinpah (violence, ralenti), Quentin Tarantino (violence, narration), etc.
Comme tous les créateurs il a eu une nombreuse descendance (non désirée !) qu’il qualifié goguenard … « de débiles ».
P.S : Tous les films de Sergio Leone sont édités en DVD ou Blu-ray dans de multiples versions. Il faut privilégier les derniers restaurés en qualité d’images et en durées.
Le réalisateur italien a généré une abondante bibliographie. Deux ouvrages importants (en français) pour comprendre l’homme et l’œuvre :
Conversation avec Sergio Leone de Noël Simsolo – Les Cahiers du Cinéma – 2006. Livre de dialogue entre deux amis de longue date (un italien et un critique français).
Sergio Leone, Quelque chose à voir avec la mort de Christopher Frayling – Institut Lumière/Actes Sud. – 2018. Monumentale biographie à l’anglo-saxonne (750 pages) très détaillée.