0
Cinéma
El buen patron (120’) - Film espagnol de Fernando Leon de Aranoa
El buen patron (120’) - Film espagnol de Fernando Leon de Aranoa

| Jean-Louis Requena 738 mots

El buen patron (120’) - Film espagnol de Fernando Leon de Aranoa

de g. à d. Javier Bardem et Fernando León de Aranoa à Saint-Sébastien.jpg
de g. à d. Javier Bardem et Fernando León de Aranoa à Saint-Sébastien ©
de g. à d. Javier Bardem et Fernando León de Aranoa à Saint-Sébastien.jpg
El buen patron 1.jpg
"El buen patron" ©
El buen patron 1.jpg

Une ville moyenne de nos jours, en Espagne. Trois arabes, assis sur un banc à proximité d’un parc, discutent en fumant tranquillement des joints. Dans la nuit un groupe de jeunes espagnols excités les agresse en les insultant. Les policiers interviennent. Au terme d’une course poursuite, ils appréhendent l’un d’entre eux. 

Dans une entreprise d’une centaine de salariés qui fabrique des balances industrielles, le patron Julio Blanco (Javier Bardem), harangue ses employés en les exhortant à mieux travailler, à améliorer leur comportement, car « Les Balances Blanco », vont recevoir, bientôt, une commission chargée de décerner un prix d’excellence à la meilleure entreprise de la région. Après une remise de prix lors d’un pot de départ de jeunes stagiaires féminines, Blanco, au discours paternaliste et quelque peu manipulateur, multiplie les encouragements au travail. Il rappelle avec conviction « la base line » de son entreprise : « Effort, Équilibre, Fidélité ». La vie somme toute, comme la balance, nécessite un perpétuel équilibre…

Le jeune homme en garde à vue est le fils de Fortuna (Celso Bugallo), un vieil ouvrier de l’entreprise, homme à tout faire. Grâce à l’intervention de Julio Blanco, il est libéré : Fortuna lui est infiniment reconnaissant. Dans le cadre de la reprise en mains de son entreprise, Blanco a licencié brutalement José (Oscar de la Fuente), un comptable cinquantenaire, qui veut réintégrer son poste car il est sans travail avec une famille à charge. Désespéré par les refus de le réintégrer de son ex-patron, il finit par camper avec ses deux enfants devant l’entrée de l’usine gardée par Roman (Fernado Albizu), un vigile poète à ses heures. Rageur, il bricole des banderoles et vocifère des insultes dans son mégaphone. Julio Blanco est exaspéré par ce voisinage bruyant et cherche une solution pour le déloger.

Blanco paternaliste, chaleureux (en apparence) surveille ses employés et remarque que Miralles (Manolo Solo), chef de production et ami d’enfance, éprouve des difficultés dans son travail essentiel à la bonne marche de l’entreprise. Lors d’un entretien, qu’il souhaite cordial, Blanco comprend que Miralles traverse une douloureuse crise conjugale … qu’il s’efforce de résoudre pour le bien de l’entreprise. Entre temps de nouvelles stagiaires arrivent dont une Liliana (Almudena Amor) belle grande tige apparemment peu farouche.

Julio Blanco de plus en plus intrusif, se mêlant du « bien être » de ses employés discoure sans cesse sur la valeur travail ; il court en tous sens à la recherche d’un hypothétique équilibre …

El buen patron (Littéralement : le bon patron) est le huitième long métrage de Fernando Léon de Aranoa (54 ans) en vingt-cinq ans (1996 : Famillia) ; ce n’est pas à proprement parler une production stakhanoviste ; c’est dire le soin particulier qu’il porte à ses films dont il est le scénariste exclusif. Il a été découvert en France par un long métrage qui décrivait le monde des ouvriers au chômage à Vigo (Galicie) avec, déjà, Javier Bardem : Les Lundis au soleil (2002). Ses scénarios sont des mécaniques de précision aux dialogues ciselés, affutés à double détente que facilite le tutoiement, très usité en castillan, qui semble abolir la barrière des classes, voire des castes (presque impossible en français). Ainsi si la distance sociale parait moins importante du fait du tutoiement, chacun n’en demeure pas moins à son positionnement social : par exemple les « dialogues » entre le chef d’entreprise issu de la bourgeoisie héritière (c’est le père de Julio Blanco qui a créée l’entreprise) et les employés (cadre, agents de maîtrise, ouvrier, etc.) …

Ce sont tous les codes de cette microsociété (entreprise Blanco) que le patron cajoleur, manipulateur, cynique, maîtrise à merveille. Le résultat est une comédie humaine, une satire douce-amère, non dépourvue de cruauté, par instant, qui prête à sourire, des rapports de classe savamment éludés. Nous sommes à des années lumières des films manichéens du britannique Ken Loach (My Name Is Joe, Its’s Free World, Moi, Daniel Blake) ou du français Stéphane Brizé dans sa trilogie, il est vrai plus subtile (La Loi du marché, En guerre, Un autre monde).

Dans ce cadre cinématographique, les interprètes cabotinent, en particulier Javier Bardem (Julio Blanco) en dirigeant sans scrupule, prêt à tout pour arrive à son objectif final : la reconnaissance de l’excellence de son entreprise.

El buen patron a fait un tabac en Espagne où il a cumulé onze nominations aux Goyas 2022 (les Césars espagnols) et en a obtenu pas moins de six : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur dans un premier rôle, meilleur scénario original, meilleur montage, et enfin meilleure musique originale !

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription