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Manifestation
Dimanche au Musée Basque : « L'art et la Pelote » par Robert Poulou
Dimanche au Musée Basque : « L'art et la Pelote » par Robert Poulou
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| Alexandre de La Cerda 914 mots

Dimanche au Musée Basque : « L'art et la Pelote » par Robert Poulou

Le Musée Basque a décidément le vent en poupe : expositions, conférences et animations s’y succèdent à grande allure pour faire de l’institution bayonnaise une véritable « locomotive » de la vie culturelle dans la région. L’exposition consacrée à Eresoinka à peine inaugurée (voyez notre article), la Société des Amis du Musée Basque accueille Robert Poulou qui présentera une conférence avec vidéo sur « L'art et la Pelote » ce dimanche 5 mars à 16 h (entrée libre au musée dont l’entrée sera gratuite ce jour-là, comme chaque premier dimanche du mois).

Goya, dont un tableau est exposé au Prado, ou la monumentale tapisserie représentant une partie de pala en 1781 qui orne un monastère madrilène, jusqu’à Ramiro Arrue, Louis-Benjamin Floutier, Pablo Tillac, Achille Zo, Aurélio Arteta, Tobeen, mais aussi des artistes contemporains telle Hizelaya, ont été séduits par l’élégance, la prestance, la souplesse, « voire la virtuosité chorégraphique de ces autres artistes que sont les champions de pelote ». Robert Poulou, lui-même grand champion de pelote et remarquable collectionneur de peinture régionaliste fera ainsi découvrir ces peintres et leurs œuvres, parmi lesquelles la célébrissime partie de laxoa sous les remparts de Fontarabie que Gustave Colin avait réalisée en 1863, dans la veine des impressionnistes.

L’occasion de rappeler cet extraordinaire - sans doute le plus grand - défi lancé à la pelote basque il y a 170 ans qui opposa à Irun, devant 12 000 spectateurs, des pilotaris labourdins à des Guipuzcoans.

Lors de cette partie mémorable entre toutes, disputée le 9 août 1846, entre autres par le pilotari hazpandar Gaskoïna, des spectateurs n'avaient pas hésité à engager leur récolte à venir, après y avoir laissé les écus ainsi que les occupants de leurs étables respectives, certains parieurs allant jusqu'à y abandonner leurs vêtements !

Cet événement sensationnel fut raconté en détail dans la revue « Gure Herria » par un autre grand pilotari, Christian d’Elbée qui jouait à chistera avec son frère Bertrand, cinq fois champion de France et partenaire de Chiquito de Cambo lors d’une mémorable partie de pelote à Sare en 1908, devant le roi Edouard VII d’Angleterre : « Gaskoïna ne jouait jamais pour la galerie et négligeait le plus possible les grands coups d’allonge. Quand il était du côté du rebot, il essayait de gagner le point en jetant la pelote sur la raie, au grand émoi des rehausseurs ».

Et Christian d’Elbée de citer Louis Dassance, académicien basque et maire d’Ustaritz : « la partie dut se jouer quatre contre quatre, avec du côté « français », Dominique Harriague (dit « le beau Dominique », d’Hasparren, comme buteur ; Dominique Saint Jean, à la raie ; Juan Gamio, prêtre de la vallée de Baztan (semble-t-il, réfugié des guerres carlistes, ndlr.), comme refileur, ainsi que Gaskoina, également refileur.

Christian d’Elbée cite également un autre grand pilotari, Chilhar, qui racontait à propos de cette partie : « devant être jouée un samedi mais reportée au dimanche à cause du mauvais temps, elle provoqua des paris très élevés, car les Juifs de Bayonne y engagèrent un argent fou. Après une égalisation entre les deux camps, Gaskoina finit la partie par un coup admirable après avoir pris la pelote à la volée ou vite après le bond. Comme Gaskoina marchait pieds nus, des témoins affirmaient que les Espagnols lançaient sur la place des petits clous de sabot, sans arriver à le décourager ».

 

Jean Erratchun, dit Gaskoïna

 

Ce fut une légende vivante de la pelote. Il était né le 9 avril 1817 dans une partie d’Hasparren qui confinait à un quartier gascon où travaillait son père Salvat Errachun, d’où son surnom de Gaskoïna. Sans doute, aussi, parce que la famille était originaire de La Bastide Clairence. Il utilisait un gant de pasaka en cuir que l’on employait à l'époque au rebot ! Après s’être rendu célèbre en gagnant la partie de défi à Irun le 9 août 1846, ce qui lui avait rapporté 4000 francs de l'époque, une paire de bœufs magnifiques, et tout ce que les parieurs, qui avaient gagné beaucoup d'argent, lui donnèrent après la partie, notre joueur qui avait alors la trentaine, battit une nouvelle fois les Guipuzcoans, cette fois à Urrugne en 1851. Des contemporains le décrivaient comme « disgracieux, énorme, semblable à un tronc d'arbre et à un ours, les pieds nus dans ses sabots, bardé de trois ou quatre gourdes en peau de bouc pleines de vin et de bouillon ».

Il mourut du typhus, peu de temps après, le 24 octobre 1859, à l'âge de 43 ans. Ses dernières paroles furent pour s'inquiéter du résultat d'une partie qu'il devait jouer, ce jour-là, à Mauléon.

Un dernier trait mettra en lumière l’extraordinaire popularité de Gaskoïna à l’époque : « Un professeur de rhétorique du Pays Basque demandait un jour sérieusement à un de ses élèves : si l'on vous avait donné le choix, qui auriez-vous préféré être : Bossuet ou Gaskoïna ? Et l'étudiant de répondre sans hésitation : Gaskoïna ! L'histoire affirme que le vénérable professeur eut un sourire qui ressemblait fort à une approbation »...

En 1948, un dirigeant fédéral passionné de rebot, comme tout Hazpandar qui se respecte, maître Edouard Harriague, lança l'idée de fêter le centenaire du défi d'Irun. Il organisa une partie de rebot à Hasparren, avec les meilleurs joueurs du moment, messe solennelle, repas en commun et retour sur le fronton, car d'autres parties étaient prévues avec le célèbre Orfeon Donostiarra. Ce fut une journée mémorable !

Dimanche 5 mars à 16h au Musée Basque de Bayonne, conférence de Robert Poulou : « L'art et la pelote » (musée gratuit de 10h30 à 18h, visites guidées à 11h et 15h).

Alexandre de La Cerda

 

 

 

 

 

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