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Cinéma
Dernière Nuit à Milan (125’) - Film italien de Andrea Di Stefano
Dernière Nuit à Milan (125’) - Film italien de Andrea Di Stefano

| Jean-Louis Requena 800 mots

Dernière Nuit à Milan (125’) - Film italien de Andrea Di Stefano

Dernière Nuit à Milan ©Loris T. Zambelli.jpg
"Dernière Nuit à Milan" ©Loris T. Zambelli ©
Dernière Nuit à Milan ©Loris T. Zambelli.jpg

Milan, capitale de la Lombardie, la nuit. Une fête dans un appartement d’un quartier populaire loin du centre-ville. Viviana (Linda Caridi) accueille ses amis en leur demandant de se dissimuler lors de l’arrivée de son époux, lequel ne saurait tarder. 
Les convives, en attendant le mari de Viviana, Franco Amore (Pierfrancesco Favino), commissaire de police à un jour de sa retraite, apprécié de ses collègues, s’amusent et boivent joyeusement. 
Le meilleur ami de Franco, Cosimo (Antonio Gerardi) s’excuse et prend congé précipitamment accompagné de sa femme. La porte palière s’ouvre. Viviana éteint les lumières et demande aux convives de se cacher ; ils s’exécutent promptement. 
Franco apparaît dans l’embrasure en sueur, vêtu d’un survêtement vert : il vient de faire son jogging affirme-t-il. La surprise est totale. Ému, il bredouille quelques mots sur sa prochaine mise à la retraite de policier, métier qu’il a exercé pendant 35 ans « sans jamais tirer un coup de feu ». Viviana, sa jeune deuxième épouse lui montre un écran ou sa fille étudiante, née d’une première union, le congratule de l’étranger.

Soudain, le téléphone portable de Franco sonne : c’est le commissaire Sarno (Francesco Villano) qui lui demande de venir immédiatement sur les lieux d’un crime accompli, sous un tunnel d’une voie rapide. Franco s’excuse auprès de ses amis et part sans plus tarder.
Rapidement sur les lieux, il découvre la scène sanglante. Son ami Dino (Francesco Di Leva) est allongé inanimé, sur la route. Franco bouleversé est en larmes …

Dernière nuit à Milan est un thriller policier avec une intrigue très structurée qui nous embarque dans les méandres d’un récit urbain implacable. On y trouve, dans la mégalopole de Milan (1,4 millions d’habitants, deuxième ville d’Italie), tous les ingrédients nécessaires à une histoire complexe qui mêle la vie de famille, des policiers ripoux, des triades chinoises, des trafics illicites. Franco rappelle que les policiers ne gagnent que 1.800 € par mois ce qui est peu d’argent pour vivre ; beaucoup font des extras dans l’univers sécuritaire (gardes corps, vigiles, chauffeurs, etc.) afin d’arrondir leurs fins de mois. 

Dernière Nuit à Milan (L’ultima notte di Amore) est le troisième long métrage de l’acteur et réalisateur italien Andrea Di Stefano (50 ans). L’intrigue parfaitement calibrée, aurait en toute probabilité plu à Alfred Hitchcock (1899/1980), tant elle est sophistiquée, pleine de rebondissements, parfois un peu forcés comme chez le maître. C’est la loi du genre. Le grand « Hitch » a « fabriqué » plus « tordu » en matière de suspense. Le récit, filmé de nuit, pour une grande part, se dévidant à toute allure, en flash-backs partiels (montage virtuose), est assez bluffant bénéficiant de surcroît d’une mise en images soignée (pellicule 35 mm ; écran large 2.35 :1) du chef opérateur Guido Guarino. 

La mise en scène d’Andrea Di Stefano est inventive : le film démarre sur un long plan séquence dans le ciel milanais du centre historique de la ville (Piazza del Duomo) jusqu'au faubourg populaire de stazione di Milano Centrale, avant de s’achever dans l’appartement illuminé de Franco Amore. Les scènes de nuit, sont réalisées avec maestria (gros plan, plans d’ensemble) : l’image est nette au premier plan et floue ensuite, ce qui accentue l’effet de malaise, de tension, ressenti par les personnages.

Pour incarner avec tous ses états émotionnels, ses contradictions, le commissaire de police Franco Amore, le réalisateur a choisi un des plus grands acteurs transalpins de 53 ans : Pierfrancesco Favino. Nous l’avons découvert en braqueur violent (le Libanais) dans Romanzo criminale (2005) de Michèle Placido ; puis Le Traître (2019) en formidable mafieux repenti (Tommaso Buscetta !) dans le thriller de Marco Bellocchio, et enfin dans Nostalgia (2022) de Mario Martone en revenant, nostalgique, dans sa ville natale (Naples). C’est un acteur aux compositions puissantes : quel que soit le rôle, il impose sa forte présence physique sur l’écran.

Ces derniers jours l’Italie a mis en terre, avec trois jours de deuil national, « il Cavaliere », Silvio Berlusconi (1936/2023) entrepreneur et homme politique né à Milan, lequel, pour une grande part, avec ses chaînes de télévision (création de Canale 5 à Milan en 1974) a été le principal (pas l’unique) fossoyeur du grand cinéma italien d’après-guerre (1945 à 1975). 
A la question posée à Sergio Leone (1929/1989) de savoir si « il Cavaliere » avait occis le cinéma italien ce dernier a répondu sans ambages : « Ce n’est pas certain ; c’est tout à fait certain »
En 1986, Federico Fellini (1920/1993) réalise à Cinecittà Ginger et Fred (Guiletta Masina, Marcello Mastroianni) ancien duo célèbre de danseurs de claquettes reconstitué, momentanément, pour un programme de divertissement musical débile. Le long métrage de Federico Fellini est une satire féroce de la télévision commerciale chère à Silvio Berlusconi.

Enfin, citons, pour mémoire, quelques chiffres de fréquentation dans les salles obscures italiennes : 1955, 819 millions de spectateurs (France : 393 millions) ; 2019, dernière année « pleine » avant la Covid, 105 millions ! (France 213 millions). Paix à son âme.

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