0
Tradition
De l’importance des cloches  dans la vie quotidienne
De l’importance des cloches  dans la vie quotidienne

| François-Xavier Esponde 1149 mots

De l’importance des cloches dans la vie quotidienne

Dans notre article du 17 février dernier, nous évoquions "Bakea" (la paix, en basque), la nouvelle cloche de la chapelle Notre-Dame de la Paix du Cloître des Récollets inaugurée en présence de Jean-François Irigoyen, maire de Saint-Jean-de-Luz et président du Syndicat de la Baie Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, et d’Eneko Aldana-Douat, maire de Ciboure et vice-président du syndicat. Ornée des blasons des deux villes, elle porte également une épigraphe en euskara rappelant la mission de transmission du future Centre d’interprétation du patrimoine (CIAP) : « Ene otsak badiako biztanleak berriz bateratzen ditu / Ene oihartzunak belaunaldiak lot ditzala beren historiari » (Ma voix unit à nouveau les habitants de la baie, que mon écho relie les générations à leur histoire) :
https://www.baskulture.com/article/clotre-des-rcollets-ciboure-une-nouvellecloche-pour-la-chapelle-n-d-de-la-paix-5660

Maylis de Gorostarzu et Jean Baptiste Lafferrère, parrains de la cloche .jpg
Maylis de Gorostarzu, marraine de la cloche d'Aulès ©
Maylis de Gorostarzu et Jean Baptiste Lafferrère, parrains de la cloche .jpg

Comment ne pas évoquer également cette cloche baptisée à Aulès (en Chalosse) le 24 juin 1957 par Mgr Mathieu,  évêque d'Aire et de Dax : natif d'Hasparren, directeur du grand séminaire de Bayonne, supérieur du petit séminaire d'Ustaritz, vicaire général de Bayonne et sacré en 1931 par Mgr Gieure pour devenir l'évêque d'Aire et de Dax. 
Il avait créé avec l'aide du cardinal Verdier de Paris en 1938 "La Société Internationale des Amis des Basques" et présenté au pape Pie XI un rapport très documenté sur "Le peuple basque devant la guerre civile espagnole".

Et la marraine de cette cloche n'était autre que ma très chère marraine, tante Maylis de Gorostarzu (née Personnaz et mariée avec oncle Louis de Gorostarzu, qui fut un temps président du yacht-club de Socoa !)
Alexandre de La Cerda 

De l’importance des cloches dans la vie quotidienne par l'Abbé François-Xavier Esponde 

Les cloches demeurent encore en 45 000 édifices civils et religieux français et 90 % d’entre elles sonnent toujours mais, disent les chroniqueurs du temps, la fréquence de leurs sons a baissé nettement depuis le milieu du XXe siècle avec une fréquentation de l’église moins régulière ! Civiles ou religieuses qu’importe, elles sonnent pour toute la population lors de fêtes religieuses ou patriotiques ou d’événements internationaux marquants qui appellent au souvenir et à la prière. 

Régulièrement des associations somment ces nobles voix de se taire ! D’autres réagissent inversement pour leur donner le change et se faire entendre… 
Au temps de querelles mémorables en France, jadis, on invitait les papistes envoûtés à se libérer de toute emprise étrangère, et les sujets libérés de ces sortilèges réclamaient en retour lors de manifestations populaires, de leurs envolées féeriques pour honorer les exploits communs de compétiteurs sportifs pour l’exemple, méritants et valeureux de la vie communale. Dès le VIIIe siècle en Europe, les cloches trouvèrent leur volume pour marquer le cours du temps. 
Elles annonçaient le temps du travail agricole, l’événement des décès, usant du glas de circonstance ou le tocsin en cas d’incendie et de catastrophe naturelle. 

Les moines ayant inventé le rapport des cloches à la prière, les paroisses en firent autant. D’angélus, de messes d’obsèques, de baptêmes, de mariages ou de fêtes patronales, on ne tarissait de bonheur à faire sonner les cloches pour faire participer la population aux jubilations ou aux compassions des gens, dans la peine ou dans la joie. 
L’art campanaire faisait l’objet d’études, in situ selon les courants du vent, de sonorités différentes s’il s’agissait du décès d’un enfant, d’une femme ou d’un homme. Le langage des cloches sublimait la curiosité du commentaire et des conversations suivaient. Les sirènes de pompiers ou de mairies ayant remplacé en bien des communes lesdites cloches séculaires d’alerte, on se plut à ne les abandonner à leur triste solitude silencieuse, la cloche ponctuant toujours le rythme régulier de la vie sociale. 

Aujourd’hui on s’interroge, les cloches faisant l’objet de propriété du bien patrimonial de la commune, l’automatisation de l’angélus par monsieur le maire en sa ville, on nota que le sommeil des justes perturbé par le bourdon du clocher matinal, peu économe de sobriété, on accorderait une autorisation tacite aux administrés de la commune pour marquer le déroulé des funérailles, sans excès et pondération. 
Privilège d’exception lors du décès d’un pape ou la désignation de son successeur, faute de fumée blanche républicaine, on permettrait le branle-bas de clocher, pour la circonstance. 
5 à 8 % des clochers n’ayant pas à ce jour de battants électrifiés, les plus avertis continuèrent à valider le privilège communal des cloches, qui de fait ne peuvent concurrencer les mobiles ou les montres connectées, et demeurent le marqueur du temps universel pour toutes les populations. L’usage civil des cloches reste en France un privilège d’Ancien Régime, dont on ne se prive guère lors des fêtes nationales ou internationales, ou encore face à la gravité d’une catastrophe. 
Elles sonnèrent en 2015 pour les chrétiens d’Orient, pour saluer le travail des soignants lors du Covid de 2020, la guerre en Ukraine en 2022 ou l’incendie de Notre Dame en 2019. 

Ce patrimoine de clochers appartient à l’histoire de France, et dans les communes de plus en plus en phase avec cet héritage ancien, « de nouveaux convertis » à la chose commune se découvrent une vocation de mécènes soucieux de leur destin, comme le furent les horloges, les orgues, les mobiliers d’églises ayant connu bien des infortunes passées et restaurées à loisir par des nouveaux venus. 
Mais sait-on que depuis décembre la sonnerie manuelle des cloches a été inscrite dans la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité à l’Unesco ? Le président français de campanologie l'assure, « les cloches ne sont pas que des œuvres d’art qui témoignent d’un savoir-faire technique ou décoratif, elles sont également des archives sonores ; les sons diffèrent et ne se ressemblent qu’en apparence. » 

En France, sur 160 000 cloches, 10 000 sont antérieures à la Révolution française, et le bronze d’époque ne pâtit de sa sonorité, on le pressent en écoutant aujourd’hui en quelques campaniles usagés des vocalises sonores d’un autre temps. Les analystes soulignent que « le son peut suivre différents accords musicaux, le do, ré, mi accord majeur, dit motif du Pater noster, ou l’accord du gloria, chaque cloche ayant sa cartographie acoustique, on ne perçoit deux cloches totalement identiques ». La sonorité étant fonction du volume, le goût sensuel de les écouter est une prouesse d’invention du génie humain. 

Faites sur-mesure, adaptées aux tailles disponibles du clocher, quid du gros bourdon de cathédrale, quid de la clochette de la chapelle de quartier, souvent estampillée par leur auteur ? On découvre ainsi une richesse patrimoniale des plus attrayantes s’agissant de s’en approprier l’existence pour son bonheur. La liturgie ad intra de l’église donnant à « ces dames patronnesses » des privilèges singuliers le long de l’année, on note en effet que si noël invite à l’intimité, Pâques ou Pentecôte sont des célébrations carillonnées, qu’il faut entendre à distance. 
Ne souriez pas ! Le génie humain aux prises avec les cloches laisse libre cours à l’imaginaire, on n’en aura jamais fini avec le commentaire qui suit le langage des cloches dans chaque commune.

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription