1 – Du conventionnel au laboratoire.
Sur nos terres d’élevage bovin, ovin et de production charcutière dérivée qui ont acquis une réputation d’excellence auprès des visiteurs de passage ou habitués des lieux, on évoque la production industrielle de viandes en laboratoires dans un proche avenir.
En Amérique du Nord, en Asie, la viande dite “cellulaire” pourrait être commercialisée dès cette année en plusieurs régions du monde.
Singapour est pour l’heure le pays qui autorise cette pratique depuis le 2 décembre 2020.
La Californie n’est pas en reste et propose déjà des aiguillettes de poulet préparées par la start-up « Eat Just » !
On rappelle qu’en 2013 le premier steak de viande cultivée en laboratoire présenté par un professeur de l’université de Maastricht évalua le bénéfice en espèces sonnantes à 250 000 dollars. De quoi attiser l’appétence des commerciaux qui y trouvaient matière à moudre leur grain pour passer du projet des éprouvettes à nos assiettes !
« Cette viande cellulaire serait élaborée à partir de cellules souches prélevées sur un animal adulte, qui régénèrent les muscles.
N’étant pas des cellules musculaires mais capables de se multiplier en laboratoires, dans un milieu de culture favorable de températures, d’oxygénation placé dans un bioréacteur, elles prolifèrent et se transforment en cellules musculaires jusqu’à devenir une viande compacte consommable » disent les promoteurs de l’opération.
Le monde est déjà au rendez vous de 80 Start-Up qui partagent ces ambitions. Les découvertes sillonnent la planète, mais la « Vieille Europe », peu disposée pour l’heure à cette évolution, résiste malgré quelques noms d’entreprises comme Gourmey pour le foie gras et Vital Meat, tandis que les Etats-Unis et l’Asie du Sud-Est entrent dans le programme et dans la compétition.
Les capitaux sont levés par les entrepreneurs, dont les Gafa via les fonds d’investissement, mais aussi les géants de l’agro alimentaire, tels Nestlé et Cargill.
Des entreprises naissent aux Etats(-Unis ou en Israël, et les projets investiissent déjà l’espace commercial mondial.
Pour produire un steak en quelques semaines, disent les biologistes, nous aurons besoin en moyenne de 92 % d’intrants de moins que pour produire un steak provenant d’un animal après des années d’élevage, et dont on mangera à peine 40 % de la structure globale.
De quoi aviver la diffusion de viande artificielle auprès d’une population mondiale en nette augmentation et en quête de consommation carnée.
Les plus zélés y voient des arguments écologiques protecteurs de la gent animale mais en l’occurrence, les arguments commerciaux semblent prendre le dessus sur les bienveillance en faveur des animaux.
Les autorités américaines devraient donner le feu vert à cette évolution dans le courant de l’année, et si la Chine ou le Brésil s’emparent de tels programmes, en France on semble opposer pour des raisons évidentes, une résistance affirmée par le Ministre de l’Agriculture lui même.
Or, des arguments scientifiques s’imposent au vu des inconnus attachés à cette culture cellulaire : cultiver une viande cellulaire de boeuf nécessite le recours au sérum foetal bovin, riche en nutriments et en facteurs de croissance.
En recourant au sang d’une vache gestante en l’abattant, ainsi que son veau, on semblerait en contradiction avec les arguments du bien-être animal dont les partisans de la viande « cultivée » se disent les défenseurs.
Ces derniers affirment en réponse avoir mis en place des alternatives synthétiques au sérum foetal bovin, dans un halo de silence et encore de secrets de fabrication entretenu.
De quel coût serait in fine le projet ?
Les conditions de production feraient-ils peu cas de contraintes environnementales passées sous silence ?
La Législation Européenne paraît très attentive à deux ingrédients indispensables à la culture de viande en laboratoire : les hormones d’une part et les antibiotiques d’autre part, en surveillant cette évolution sur son territoire. Et le coût environnemental de la viande cellulaire demeurerait une énigme, peu ou prou évaluée à ce jour.
Pour l’instant, les projets industriels estiment à quelques tonnes de viandes produites possibles en 2023. Renchérissant sur les bénéfices de la baisse du taux de méthane dans les élevages industriels, on présume encore la nature des débats techniques et professionnels engendrés par cette évolution. Car la production en laboratoire n’élude pas les difficultés périphériques des projets eux mêmes, sur l’espace et les disparités des mix énergétiques des pays où s’implanteront à terme ces unités de fabrication de viandes cellulaires.
Les chiffres parlent déjà en matière de prospective. La production de viande devait croître de 4 % en 2021, particulièrement implantée en Chine, en Inde, au Pakistan et au Vietnam, sous la pression d’une demande accrue.
En Amérique du Nord la production serait modérée, en Europe les infections aviaires foyers “d’influenza”, pourraient la ralentir, en Afrique les perspectives possibles pourraient sembler plus favorables.
On pressent de la sorte une différence notable de l’avis des populations et des traditions alimentaires entre les continents eux-mêmes à propos de la demande, par-delà l’objet de fabrication induit, entre les arguments en faveur de l’alimentation première des populations, et les prospectives commerciales en l’état.
L’avenir disant lequel de ces deux volets de décision serait privilégié à terme pour de tels changements structurels de nos modes alimentaires !
2 – Une viande dite “végétale” ?
Présente et faite à base de légumineuses, elle est déjà présente depuis 2010 dans les rayons alimentaires des deux côtés de l’Atlantique, et a diversifié au cours de la décennie ses matières premières faites de céréales, de fèves et de soja ajouté et davantage de pois. Si elle ne représente que 1% du marché français, sa croissance semble plus significative sur le marché américain (2,7 %).
On assure que ce type de viande rencontre plus d’intérêt en Europe du Nord qu’en France et dans les pays du bassin méditerranéen.
Parmi ces créations en laboratoire, on note les recherches sur le mycélium de champignon qui après fermentation dans un bioréacteur produit des cubes, des filets ou des ailes de poulets dans sa version française à partir de 2000 : « riche en acides aminés et fibres, le micélium de champignon ainsi cultivé permet d’envisager une grande variété de produits en steaks et en poissons ».
Mais la définition de tels produits dérivés correspondrait-il à la désignation de viande générique conventionnelle ?
Les juristes qui se sont ajoutés au débat des professionnels tentent d’empêcher la confusion de genre et d’origine : « le sujet concernerait à la fois la viande végétale et la viande cellulaire et l’argumentaire employé du muscle constitué de fibres musculaires bien organisées étant un concept différent de celui de viande, la chair d’un animal consommé en tant qu’animal, du muscle à la viande, il y faudrait considérer la maturation nécessaire pour obtenir les propriétés de tendresse et de goût carné. Le classement juridique de ces matériaux inédits appartiendrait à la catégorie « nouvel aliment », n’ayant pas été consommé de manière significative avant mai 97. De quoi alimenter des débats professionnels inédits à propos de ces viandes qui départagent les savants et les consommateurs de ces produits dérivés ».
Difficile de les ignorer, de les entendre parfois, et d’en mesurer les enjeux pour des acteurs de métiers exposés à ces nouveautés qui pourraient à terme modifier leurs pratiques et leurs intérêts !