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Le Portrait de la semaine
Daniel Subréchicot au Carré
Daniel Subréchicot au Carré

| Yves Ugalde 592 mots

Daniel Subréchicot au Carré

Au Carré hier soir, ce nouvel hôtel de prestige tout à côté du musée Bonnat, l'ambiance apéritive était au piano bar. Daniel Subréchicot était au clavier. Le mercato des musiciens de la Côte Basque a permis ce transfert dont je me suis délecté avec dans mon verre un cocktail nommé "Place des Basques". Une place que je n'avais vue, encore moins bue, sous cet angle. A la belle étoile. Et, par cette soirée automnale, il me fallait bien Izarra pour y croire...à la belle étoile.

Daniel est d'habitude le pianiste de l'hôtel du Palais, en plein chantier, et le revoilà donc bayonnais, ce qu'il n'a jamais vraiment cessé d'être d'ailleurs au fond de son coeur. Il n'avait pas joué à Bayonne depuis 35 ans et encore c'était à l'orchestre des Fêtes sur la place de la liberté. C'est dire le retour aux sources !

L'homme ne change pas. Un peu plus dégarni peut-être, mais cette classe particulière aux vrais pianistes des palaces continue de l'habiter. Je me suis placé tout près du piano quart de queue, qui sonne fort bien par parenthèse, et j'ai passé un moment de vrai bonheur.

Enfin un lieu dans ma ville où puisse siroter son verre sans l'effervescence de l'hyper centre. Une pause, une respiration revigorante dans une ambiance cosy, entre un tableau de Floutier et une affiche monumentale de la plaza Lachepaillet. Tout ce qui, en quelques années, est presque devenu exotique à Bayonne...

Et au milieu de ce décor classieux, mêlant avec bonheur des touches évidentes de modernité et les grandes traditions de la ville, l'intemporel Daniel Subréchicot qui appartient à cette cour très fermée des pianistes au jeu délié. Ceux-là peuvent vous embarquer toute une soirée dans une promenade jonchée des plus grands standards français et mondiaux en ne jetant que des oeillades distraites sur des partitions souvent superfétatoires. Et ce "vous voulez que je vous joue quoi ? " qui n'en finira jamais de m'impressionner.

La "Préférence" de Julien Clerc a allumé les yeux des deux jolies dames qui m'accompagnaient. Moi j'avoue avoir flanché pour les "Moulins de mon coeur" de Legrand dont je venais de rencontrer l'épouse, Macha Méril, signant son dernier roman à la librairie Hirigoyen. "Vous avez une jolie ville monsieur"...."Non madame, je n'ai rien. Bayonne est à tous ceux qui l'aiment"... Elle a souri.

Le jeu des grands professionnels de l'exercice si particulier du piano bar doit concilier les deux notions, si éloignées pourtant, de discrétion et de présence. Le talent de Daniel et de ses rares collègues en France est de se faire oublier tout en parvenant de façon certaine à interrompre à un moment ou à un autre la conversation d'une table et faire se braquer tous les regards sur son piano.

Sous son air de ne pas y toucher, il scrute les visages, en enregistre les origines générationnelles, réfléchit déjà à l'air d'après, pour capturer dans son filet de notes celui ou celle qui semble le plus indifférent à sa présence. Et soudain, le jeune qui n'a pas daigné ôter sa casquette à l'envers en entrant, pose son verre, se retourne à l'attaque de la musique des Choristes qui doit parler à ses souvenirs d'ado...

Cette expérience mérite d'être vécue entre amis, en couple ou tout seul, pour les moins sociables. Et puis on n'est jamais seul dans un piano bar puisque la musique provient d'un être vivant et sensible. C'est tous les vendredis et samedis soir. Et je vous jure qu' en sortant du Carré, ça tourne vraiment plus rond dans votre tête…

Yves Ugalde

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