C’est une soirée exceptionnelle dans le remarquable écrin architectural – et acoustique – du Salon des Gobelins au château d’Arcangues qu’a partagée un public de mélomanes avertis réuni par Bertrand Latour pour écouter le prodigieux duo Guillaume Latour, violon, et Pierre-François Dufour, violoncelle.
Les deux jeunes musiciens n’ont pas que rivalisé de talent en exécutant un répertoire difficile, mais ils ont encore merveilleusement adapté pour leurs deux instruments le répertoire choisi, souvent composé à l’origine pour d’autres « alliances » instrumentales.
Ainsi de la « Valse sentimentale » de Tchaïkovsky ou des préludes et fugue de Jean-Sébastien Bach qui ont précédé l’andante et l’allegro d’une sonate de Carl Philipp Emmanuel Bach écrite pour piano et que nos deux instrumentistes avaient merveilleusement transposée pour violon et violoncelle !
Succédant à la « mélodie » de Kreissler jouée au violoncelle par Pierre-François Dufour, le Duo kv 423 de Mozart bénéficia du parfait ensemble des deux jeunes musiciens qui démontrèrent une totale complicité avec beaucoup de rythme et d’entrain, le tout mâtiné d’un brin de malice que n’aurait certes pas désavoué le facétieux compositeur autrichien !
En accompagnant le violon de Guillaume Latour dans le « Cantabile » de Paganini, Pierre-François Dufour a remplacé au violoncelle d’une manière aussi surprenante qu’admirable la partition pour guitare et dans la partie « zortziko » - le célèbre « rythme » basque – du « Caprice basque » de Sarasate, l’archet magnifiquement expressif de Guillaume a littéralement « dansé » sur cordes : ce fringant jeune homme au sourire épanoui porte en lui tout le bonheur de faire de la musique. Et ce plaisir naturel, Guillaume Latour sait le communiquer en caressant amoureusement de son archet les cordes du violon selon un mouvement élégant qui confère à l'occasion une puissance de feu, mais sans être lourd...
Un extrait du Concerto en Sol de Ravel et le rythme endiablé de « La grande Sirba », morceau composé par nos deux musiciens qui pourraient en remontrer aux meilleurs virtuoses tziganes, achevaient le récital qui bénéficia en bis de la Valse tzigane et de la célèbre « Czardas » de Monti, dans un duo qui à lui seul reconstituait presque un orchestre !
Le traiteur Barrère proposa pour conclure un savoureux buffet arrosé d'un rare millésime 2010 de château Miller-La Cerda, bordeaux supérieur "A", 100% merlot.
Quant au livre du jeune écrivain prometteur bayonnais dont le public avait pu disposer à la fin du concert, il s'agit du bayonnais Arnaud Campagne, actuellement expatrié à Taiwan où ce diplômé de Sciences-Po est chargé de programmation au sein de la principale plateforme audiovisuelle anglophone (il manie aussi bien l'anglais que le mandarin).
Son premier roman, "Fin de convention", publié récemment, ouvre "une fenêtre sur la jungle du Supérieur et de l’âge adulte" qui débouche sur le monde de l’entreprise contemporaine avec un réalisme assaisonné d'une bonne dose de raillerie.
Il met en parallèle avec un jeune employé japonais d’apparence exemplaire – mais au sexe qui démange - à l’opposé de la planète, deux étudiants de Sciences-Po, vieux amis qui délaissent les fêtes de Bayonne et la côte basque – dont les « ennuyeuses mondanités provinciales » font regretter l’animation de la capitale - pour une tournée estivale qui les mène à Bénidorm, villégiature ancienne de nombreux habitants du Pays Basque, où ils rencontrent quelques racailles, maghrébins alcoolisés échappés des banlieues marseillaises… Ainsi débute cette peinture très réaliste de notre époque qui fait défiler « les trottoirs parisiens souillés aux déjections canines et aux clochards agonisants », une population progressivement soumise aux courants « mainstream », droguée comme les autres à Netflix et McDonald’s, partisane des meubles Ikea et des sneakers difformes…
Engagé dans un stage, Jules n’accomplirait que des tâches ingrates, des « bras d’honneur à l’intelligence » qui le faisaient rentrer KO et « vidé mentalement » pour « s’abrutir devant des sessions de streaming de jeu vidéo », sans aucune envie de lire ou de se documenter…
Quant à sa conscience politique, elle stagnait entre une sensibilité sociale-démocrate obligée et un centrisme « ni de gauche, ni de droite, très à la mode ; il rehaussait le package avec un peu de geste gaullienne et un attachement résiduel à la souveraineté de la France ».
Pendant ce temps, dans un Japon gris que « la natalité a dépeuplé pour le mener vers sa sortie de l’histoire », la tragédie finale va s’amorcer, non sans un épisode obligé dans un Moyen-Orient voué au djihad...
Un roman percutant sur la quête de sens dans « notre bel aujourd’hui », selon la juste formule d’un écrivain que l’actuelle bien-pensance voue pour l’heure aux gémonies...
« Fin de convention » d’Arnaud Campagne peut être acquis chez Elkar et à la FNAC de Bayonne, la Presse des Cinq Cantons à Anglet, et à Biarritz : Librairie Darrigade, Boutique Arima (rue de Verdun, et Presse St Charles.