La 5ème édition du Festival Musical et Littéraire d’Arnaga consacrée aux « Contes de Fées » à l'occasion de la restauration et du retour du (très) grand tableau de Jean Veber sur ce thème, et orchestrée de main de maître par le talentueux baryton Michel Fenasse-Amat, a baissé rideau dimanche dernier sur le spectacle lyrique « Cendrillon » interprété par les comédiens Murielle Lebrun et Dominique Bergeret, les choristes de la master class de chant choral accompagnés par la pianiste Mariella Fiordaliso, avec la participation de l’association « Venezia Côte Basque » qui a fourni ses merveilleux costumes du Carnaval de Venise. On eut dit que Basa-Jaun avec son Anderea avaient donné rendez-vous à tous les Lamiñak de la région, tant les éléments étaient déchaînés... Pourtant, la salle des écuries d'Arnaga était remplie à ras-bord d'un public enthousiaste qui a applaudi chaleureusement en bis un air de Bellini, l'illustre maître du belcanto italien dont la musique avait merveilleusement illustré la représentation mise en scène et dirigée par Michel Fenasse-Amat, fondateur et directeur artistique du festival, et présentée par Xabi Cuende, délégué territorial Pays Basque du festival et régisseur artistique. Egalement, « Peau d’Âne » avait remporté un beau succès en début d’après-midi (spectacle autour de l’œuvre de Charles Perrault dans sa version originale en vers et la musique de Michel Legrand, avec Isabelle Ryser, Michel Fenasse-Amat et la pianiste Mariella Fiordaliso), et une ovation.
Arnaga et son univers féérique
Pour la première année, le festival avait investi le grand salon de la villa Arnaga avec une belle prestation d’Alexandre de La Cerda : une promenade picturale et historique intitulée « Merveilleux et féerie chez Edmond Rostand et Rosemonde Gérard ».
Car, le rêve poétique de l’Amour courtois et le légendaire chevaleresque guidèrent dès l’origine la plume d’Edmond Rostand, un idéal dont il était « pétri » depuis sa jeunesse et qu’il avait déjà inclus dans son étude « Deux romanciers de Provence : Honoré d’Urfé et Emile Zola » qui lui avait valu sa première récompense littéraire octroyée par l’Académie de Marseille. Il y écrivait : « en cette Provence amoureuse de l’Amour (c’est chez elle qu’il a tenu des Cours célèbres), et qui aime tout ce qui en parle, où jadis, dans les manoirs seigneuriaux, on attendait impatiemment la venue chaque nouvel an, avec la saison des violettes, du Troubadour, ce romancier voyageur »... Idéal que la plume d’Edmond Rostand imprimera naturellement à « la cire » de ses héros, de Jaufré Rudel à Cyrano. Ce jeune garçon qui travaillait déjà dans sa chambre de collégien à Marseille sous un portrait du Prince Impérial qui lui inspirera plus tard son « Aiglon », était « sensible, enclin à la rêverie et à la mélancolie », comme le décrira son père lors de son départ pour Paris afin d’entrer à Stanislas. Et lorsqu’il va s’éprendre de Rosemonde, il verra sa jeune fiancée sous les couleurs d’une fée comme en témoignera la correspondance à sa promise (août 1888 ) : « Le joli temps que celui des fées !... Et quel malheur que nous n'y vivions pas ! J'aurais eu une marraine fée. Elle se serait appelée Rosemonde »… Et plus tard, avec sa jeune fiancée, il travaillera pendant des mois sur un manuscrit qui combinera les thèmes qui leurs sont chers : les contes de fée, la poésie précieuse et les amours romanesques. Cette pièce deviendra « Les Romanesques ». Et sa pièce suivante, « La Princesse lointaine », sans doute inspirée par les cours d’amour provençales instituées, entre autre, à Orgon, berceau de la famille Rostand, inspirera de grands artistes à travers le monde : ainsi, à Moscou, la façade du célèbre hôtel « Métropole » a gardé jusqu’à nos jours la mosaïque de Mikhaïl Vrubel « Princessa Gryoza » (ou la princesse des songes) réalisée d’après la fresque que le génial artiste russe de l’« Art Moderne » avait conçue pour la Foire internationale de Nijny Novgorod d’après « La Princesse lointaine », l’année même de la création de la pièce d’Edmond Rostand en 1895.
Et en 1905, sur les conseils de l’architecte Joseph Albert Tournaire à qui il avait confié la
construction d’Arnaga, Edmond Rostand commanda à Jean Veber une fresque de 20 mères sur les contes de fée de Perrault pour le boudoir de Rosemonde Gérard à Arnaga. Une œuvre dans laquelle on reconnaît la poétesse Rosemonde Gérard en « Belle au Bois dormant » ou en « Peau d’âne » que Veber a imaginé en robe de Clair de Lune ou tissées de rayons de soleil... Dans une lettre du 19 septembre 1905, Veber écrivait : « Je travaille tous les soirs jusqu'à huit heures un quart à la lueur d'une lampe à acétylène sur un échafaudage et toute la famille Rostand vient me regarder peindre et m'aider de ses conseils »... Quant au collectionneur Robert Poulou, il avait retracé la très intéressante trajectoire de l’artiste-peintre Hélène Dufau qui avait réalisé de nombreuses œuvres pour la famille Rostand, en particulier les tableaux sur l’automne dans la bibliothèque ainsi que le portrait du fils aîné de l’écrivain, Maurice Rostand, dont elle était amoureuse.
Les contes de fées restent très actuels, et la création « Ga’haurko maitagarri istorio / Histoire de fées conte’mporaines » pour le Festival Musical et Littéraire d’Arnaga l’a pleinement prouvé. Trois petits rêves éveillés, évoquant tour à tour l’émerveillement face aux premiers pas de l’homme sur la Lune, la surprenante histoire d’amour de deux princesses, et la mobilisation du peuple souterrain pour que l’homme vive dans un monde plus harmonieux. Les mots dansants et rieurs – en français et en basque – d’Itxaro Borda, auxquels se mêlaient les notes de musique de Samuel Balerdi, ont emporté les spectateurs bien au-delà des murs et du toit des écuries d’Arnaga, vers des horizons de partage et d’espoir.
Également au programme du festival : le « Vase d’Or » (un conte d’Hoffmann adapté et interprété par Isabelle Ryser), « La Belle au Bois Dormant » par Murielle Lebrun ou encore un concert piano et chant autour du thème de la Lorelei (la nymphe du Rhin) dans des œuvres de Liszt et Schumann. Malgré un vent soufflant en tempête et un véritable déluge qui s'était abattu sur Arnaga, l'Orangerie était bien pleine ce soir-là pour écouter le très beau récital offert par le baryton Michel Fenasse-Amat et la pianiste italienne Mariella Fiordaliso autour de la Lorelei, ainsi que l’introduction d’Alexandre de La Cerda sur les rapports mythologiques entre la nymphe germanique et ses « homologues » basques, les « Lamia », créatures fabuleuses qui peuplaient les forêts dans la vallée du Baztan : ces sirènes au peigne et au miroir dorés figurent sur les blasons arborés par de nombreuses maisons seigneuriales de cette vallée navarraise, en particulier celui des Légasse (du chroniqueur gastronomique Périco Légasse qui écrit dans « Marianne »)...
Depuis cette année, le Festival Musical et Littéraire est placé sous le patronage de l’illustre association kanboar « Les Amis d’Arnaga » présidée par Christian Perret et dont la vice-présidente est Anne-Marie Pontacq, adjointe au maire déléguée à la culture, également très impliquée dans la réalisation de ce Festival Musical et Littéraire produit par la compagnie Alma Cantoa.