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L'Histoire de la Semaine
Biarritz : la commémoration du génocide des Arméniens
Biarritz : la commémoration du génocide des Arméniens

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Biarritz : la commémoration du génocide des Arméniens

Avec le sous-préfet bayonnais Fabrice Rosay, le maire de Biarritz Mme Maider Arosteguy et ses adjoints, ainsi que les parlementaires Vincent Bru, député, et la sénatrice Frédérique Espagnac, le consul (h) de la Fédération de Russie, les membres de l’association AgurArménie et leurs amis se sont recueillis lundi 24 avril dernier à Biarritz pour commémorer le 108ème anniversaire du génocide arménien.

De nombreux porte-drapeaux encadraient la stèle pour cette cérémonie très digne et émouvante qui vit l’allocution du Président d’AgurArménie Clément Parakian, le salut aux drapeaux, la sonnerie aux morts et la Marseillaise précéder la mélodie traditionnelle arménienne « Sareri hovin memem » chantée par Marie-Isabelle Branco, puis le poème « Apatride  » de Océlyane lu par Lucie Houbouyan. 

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Clément Parakian ©
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Discours du président de l’AssociationAgur Arménie du Pays Basque, Clément Parakian, pour la commémoration du 108ème anniversaire du Génocide des Arméniens 

L’Association Culturelle Agur Arménie née en 2007 vous remercie chaleureusement d’être présents ce 24 avril 2023 devant la stèle de la Mémoire Future pour la commémoration d’un Génocide perpétré en 1915 et dont il ne reste, 108 ans plus tard, qu’un vague souvenir. Merci à vous tous, Arméniens de coeur qui partagez cette présence « qui nous relie ». Merci aux Amis et personnalités en vos titres et qualités et un salut appuyé aux porte-drapeaux qui rendent chaque année un fidèle hommage à notre douleur. 
Nul ne peut vivre en exil de toute éternité Cette évidence rassure tous les bannis, les condamnés, les proscrits, les stigmatisés et … les voyageurs. 
Un célèbre voyageur, Ulysse, symbolise le désir impérieux du retour à sa terre natale, à sa patrie, au Royaume d’Ithaque après 20 ans d’errance. A travers l’Odyssée d’Homère, il ressort que le trésor essentiel de l’Homme est son épouse, ses enfants, ses parents (et même son chien) qui peuplent son espace originel et ce, quelles que soient les circonstances ! 

Avec Ulysse pour modèle, j’ai essayé très modestement avec quelques amis présents, de réinventer une mère-patrie inconnue et inaccessible, une terre imaginaire anonyme en m’appuyant sur quelques photos sépia et sur une langue mi-ottomane tendant à s’évaporer, faute de locuteurs. Je veux ici m’adresser à mes amis basques sculptés de cette pierre euzkarienne et pour qui le nom sacré de l’Etxea atteste les origines ; existe-t-il sur Terre les restes d’un peuple déraciné de son limon ancestral, spolié à jamais (?) de ses biens matériels et spirituels, de sa culture ? 
Ce peuple arménien, sacrifié à qui il est interdit de déambuler dans le fourmillement exceptionnel d’églises et de croix-pierres consacrées, symboles en danger des âges premiers de la Chrétienté. 
Ce peuple qui ne goûtera plus le jus suave des abricots et des grenades tout en se désaltérant aux sources vives et pures des collines. Nous, restes pitoyables et errants des « sans retour possible » sommes en route vers le bord d’un gouffre abyssal dont le nom est oubli. L’oubli, la sentence redoutée d’un génocide en voie de réussite sans n’avoir jamais existé. L’oubli est la pierre philosophale de l’Etat turc qui cherche à transmuter les torrents de sang de millions de morts arméniens, assyrochaldéens, yézidis, alévis, grecs, … en rivière potable. 

Après 108 ans de déni obstiné, la Sublime Porte doit consentir à un dernier effort ; le moment approche où les mémoires vacillantes des survivants et de leurs enfants vont s’effacer définitivement pour laisser place aux versions monnayables des lobbies et des historiens. L’Etat turc et son peuple obéissant tendent à faire consommer au monde désinformé ce breuvage : le lotos tant redouté par Ulysse et ses marins, boisson perverse proposée par les Lotophages qui conférait à chaque consommateur l’oubli de ses origines. 
Un homme sans origines est définitivement mort ! 
Alors bien entendu, ce qui paraissait n’être qu’une clause juridique sur les papiers des Arméniens exilés « ne peut retourner » devient un bannissement définitif. Voilà la vraie mort des Arméniens survivants de l’Empire ottoman. Les lieux de naissance et de vie de nos parents n’existent plus. 

Pendant plusieurs siècles, dans ce qui deviendra la Turquie, l’Empire ottoman a engendré un peuple saprophyte (les mots sont souvent prédestinés). Ce peuple touranien s’est nourri de la créativité et du courage de la minorité arménienne, peuple biblique sanctifié par la transcendance et l’amour de son prochain. Hélas ce prochain a été pris de folie en 1915 et s’est métamorphosé en loup sanguinaire. 
Au lieu de grignoter sa part raisonnable du festin, et obéissant aux télégrammes mortifères des loups alpha, il a été décidé d’anéantir l’ensemble des troupeaux anatoliens, plus d’agneaux, plus de moutons, plus d’Arméniens, femmes, enfants, vieillards et infirmes compris. Suite à cette tempête exterminatrice, les « bergeries » sont devenues des « tanières de loups »

Ce pillage en règle de sa propre population a créé et facilité la constitution de la République de Turquie. Nombre d’historiens turcs, bien entendu exilés, assènent cet aveu : « la République de Turquie s’est fondée sur le Génocide des Arméniens »
Cette République funeste et toujours innocente va fêter le centenaire de sa création en 2023. Ce véritable laboratoire faustien sera le creuset d’une autre folie à venir en 1940. 
Je voudrais avoir en ce moment, une pensée sincère pour la douleur des familles innocentes victimes du récent tremblement de terre, toutes ces dépouilles qui rejoindront celles qu’à connues l’Arménie en 1988 sur cette terre orientale proche du Paradis Perdu où « les morts gouvernent les vivants » selon le mot d’Auguste Comte. 
Je constate amèrement qu’année après année, l’oubli ronge subrepticement la mémoire d’un peuple, d’une civilisation. Et revoilà l’éternel retour ! 
Les dirigeants turcs et azéris, toujours avides de sang entendent achever le massacre de 1915, toujours impuni et nié par 80% des nations. 

Aujourd’hui les 120 000 Arméniens du Haut Karabagh sont otages de l’Etat azéri sans que la Communauté internationale s’en émeuve. Un tiers de ce minuscule Etat autoproclamé est occupé depuis septembre dernier par l’Etat pétrolier et gazier avec l’aval de la Commission Européenne qui a négocié avec la famille Aliev, le confort des pays européens en échange du silence médiatique et celui des gouvernements concernés. 

Je souhaite conclure ce message autour de cette stèle du souvenir par un hommage appuyé à la ville de Biarritz, son maire Maider Arosteguy et toute la Commune qui ont permis d’ériger pour l’éternité présente, ce symbole minéral de l’âme d’un peuple exterminé et sauvagement dispersé ! 
Mesdames et Messieurs les Elus de ce beau Pays Basque dont les liens avec l’Arménie sont de coeur et d’esprit, je vous adresse une supplique au nom de l’Association Agur Arménie. A l’exemple de Biarritz qui abrite fièrement cette stèle, je vous propose que chacune de vos Communes adopte dans son espace une référence aussi modeste soit elle à l’Arménie, un square Charles Aznavour, une place du 24 avril 1915, etc… 
Ces petites pierres blanches de reconnaissance réchaufferaient le coeur des Arméniens intégrés ou de passage. Ils se sentiraient encore un peu plus chez eux. Mes amis, l’Arménie encore si méconnue ne mérite pas de tomber à jamais dans le gouffre de l’oubli.

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